Alors que la Réserve fédérale américaine se prépare à se réunir, on s’attend à ce que les décideurs annoncent une baisse des taux pour la première fois depuis le début de son important cycle de resserrement. Gennadiy Goldberg, Chef, Stratégie de taux aux États-Unis, Valeurs Mobilières TD, explique pourquoi la Fed est susceptible d’éviter des fluctuations importantes alors que l’économie montre des signes de faiblesse.
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* Il s’agit probablement de l’une des réunions les plus attendues du moment. Les décideurs de la Réserve fédérale américaine se rassembleront la semaine prochaine et ils devraient faire baisser les taux d’intérêt. La question est de savoir de combien? * Le taux du financement à un jour est demeuré à 5,5 % au cours de la dernière année après un important cycle de hausses mis en place pour freiner l’accélération de l’inflation. Gennadiy Goldberg, Chef, Stratégie de taux États-Unis, VMTD, nous rejoint depuis New York. C’est un plaisir de vous avoir avec nous. * Merci de l’invitation. * Commençons par ce qui, selon vous, va se produire. On ne se demande plus vraiment si ça va se passer, mais plutôt de combien seront les baisses. Qu’entrevoyez-vous à l’heure actuelle? * Oui, c’est très vrai. Il s’agit vraiment de déterminer le montant des réductions. À l’heure actuelle, on prévoit une baisse de taux de 25 points de base. Il y a encore pas mal d’incertitude. Le marché anticipe plus de 25 points de base pour commencer. * On s’attend à une baisse dans les 30 points, avec une probabilité d’environ 30 % de baisse de taux de 50 points de base. Il est difficile de commencer avec 50 points immédiatement si rien ne le justifie. Je pense qu’ils vont adopter une attitude très modérée, très prudente. * Ils voient que le marché de l’emploi commence à ralentir. Ils voient que l’inflation est sous contrôle, ce qui est très important. Pour eux, la mission est accomplie en quelque sorte. Et la grande question est de savoir comment on va revenir, sans réaccélérer l’inflation, mais aussi en essayant de réaliser l’atterrissage en douceur promis depuis un bon moment? * J’aimerais présenter le graphique que Gennadiy nous a apporté et qui montre ce que le marché anticipe d’ici septembre 2025. C’est intéressant, parce qu’on parle d’une seule réunion, mais on s’attend à une réduction de près de 100 points de base d’ici décembre et presque 100 points supplémentaires d’ici l’automne prochain. Pensez-vous que tout cela finira par se concrétiser? * Ce n’est pas impossible. On anticipe certainement 25 points au cours des prochaines réunions, jusqu’au mois d’octobre de l’année prochaine, date à laquelle on s’attend à ce que le taux baisse à 3 %. Il est possible, si le marché de l’emploi continue de ralentir progressivement, que la Fed devienne un peu nerveuse. N’oubliez pas qu’elle a déjà maîtrisé l’inflation. Elle refuse de l’admettre. * Elle ne veut pas d’un sentiment d’accomplissement à la George Bush au début des années 2000. Ce qu’elle veut vraiment, c’est ramener l’économie dans un contexte plus favorable. Elle veut s’assurer de ne pas trop resserrer sa politique. * Je pense donc que ce scénario pourrait se concrétiser. Je pense que des baisses très importantes pourraient se produire. Et ce que je surveillerai vraiment la semaine prochaine, c’est le montant que la Fed prévoit pour les réductions de taux. On va avoir son résumé des projections économiques. La dernière fois, elle n’avait pas prévu autant de réductions de taux cette année et pas autant l’année prochaine. Il y aura beaucoup de désaccords entre les membres du FOMC au cours de la semaine prochaine. * Il sera intéressant d’observer ces différends, car c’est ce qu’on observe chez beaucoup de stratèges macroéconomiques, en ce moment, certains d’entre eux parlent du marché à long terme et du fait, qu’à long terme, il s’agira uniquement d’inflation. Je suppose que cela fera partie du débat, il s’agit simplement de comprendre les perspectives pour l’inflation à long terme et les répercussions si on procède à des réductions trop tôt. * Tout à fait. Mais c’est très intéressant, au cours du dernier mois et demi, la Fed s’est vraiment concentrée sur le marché de l’emploi. On n’a parlé que de l’inflation au cours des 18 derniers mois. Mais au cours des derniers mois, on a vraiment commencé à se concentrer sur le marché de l’emploi. * Cela s’explique par le fait que le marché de l’emploi montre des signes de ralentissement graduel. On ne sait pas où se situe le point d’équilibre de la croissance du marché du travail. Traditionnellement, on disait qu’il suffisait d’environ 100 000 créations d’emploi par mois pour maintenir un taux de chômage stable. * Au cours de la dernière année, le taux de chômage est passé de 3,4 % à 4,3 %, avant de revenir à 4,2 %. Il ne prend pas la bonne direction et ça commence à rendre la Fed nerveuse. * Oui. Prenons le graphique que vous nous avez apporté et qui montre ce point. La croissance de la masse salariale ralentit rapidement pour… vous avez parlé du point d’équilibre. Vous avez même parlé de passer d’un refroidissement à un gel complet. * Oui. Et la grande question est la suivante : quel est cet équilibre? Il y a eu beaucoup d’immigration aux États-Unis. C’est très difficile de déterminer ce rythme. De nombreux organismes utilisent des estimations différentes. * Selon un article rédigé par Brookings il y a six mois, cet équilibre ne correspond pas à un rythme de 100 000 créations d’emploi, comme ce qu’on dit traditionnellement, mais entre 160 000 et 230 000 par mois. Au cours des trois derniers mois,
on est passés bien en deçà de ce niveau. Au cours des six derniers mois, on a aussi commencé à descendre sous ce seuil. * Et les données des derniers mois ont montré d’importantes révisions à la baisse par rapport au mois précédent. Ce rythme a donc vraiment commencé à ralentir. Et je pense que c’est quelque chose qui inquiète la Fed. On ne va pas dans la bonne direction. * Elle dit que le marché de l’emploi est en train de se stabiliser, qu’il se normalise. Mais la situation ne se normalise plus. Maintenant, il ne s’agit que d’un ralentissement. Et c’est quelque chose qu’elle veut vraiment éviter. * J’aimerais afficher votre deuxième
graphique, qui est également intéressant, et il s’agit du ratio des offres d’emploi par rapport aux chercheurs d’emploi. Parlez-moi un peu de ce qu’on voit ici. * OK. Ce sont des données qui proviennent du rapport JOLTS. On n’y prêtait pas beaucoup attention dans le passé avant la COVID. Maintenant, on s’y intéresse beaucoup plus, pour montrer que le nombre d’offres d’emploi a vraiment diminué. * C’est important, car cela indique qu’il n’y a pas beaucoup de licenciements. Cette normalisation, comme la Fed l’a appelée, de la politique, est en grande partie attribuable à une diminution des offres d’emploi. Il n’y a donc pas vraiment de licenciements, mais une forte diminution des embauches. * Tout le monde garde ses travailleurs et s’assure de ne pas trop licencier, mais le rythme des embauches ne s’accélère pas. Et c’est la question que vous avez posée plus tôt, s’agit-il d’un refroidissement ou d’un gel complet? C’est ce qui commence à rendre la Fed un peu nerveuse, selon moi. * Le rythme de ce repli, le rythme de la baisse des offres d’emploi, est passé d’une normalisation à quelque chose qui pourrait être problématique. Et on freine trop les marchés alors que d’autres reculs pourraient signifier que le marché du travail est beaucoup plus froid que quiconque l’avait prévu. * C’est vraiment fascinant. Certains parlent d’emplois cycliques en cas de changement de gouvernement et de normes. Et on commence à observer de réels replis, comme vous le disiez. Dans ce graphique, le ratio est de 1,25… qu’est-ce que ça signifie? * Ce qu’on fait, c’est que l’on compare aux niveaux antérieurs à la COVID. Ce que vous pouvez voir, c’est que les offres d’emploi ont fortement augmenté, et c’est la reprise après la pandémie de COVID, non? L’économie a connu une période difficile en raison de la COVID-19. On a connu un dégel graduel alors que les employeurs tentaient de réembaucher des travailleurs. * Il y a quelques mois, on était revenus au niveau d’avant la COVID. C’est la ligne pointillée. Ce qu’on observe actuellement, c’est une chute en flèche. Cela montre que même si les entreprises ne licencient pas nécessairement, on ne voit certes pas beaucoup den mises à pied, mais le nombre d’offres d’emploi sur le marché est en chute libre. Et c’est ce qui annonce un marché du travail moins robuste. * Cela signifie que les salaires pourraient commencer à diminuer. Ça pourrait impacter les dépenses de consommation réelles et la croissance future. * Il ne me reste plus qu’une minute, on discutait avant de commencer, et je pense que beaucoup de gens ne pensent pas voir les banques centrales ou la Fed agir avant une élection, historiquement, ça n’a jamais vraiment été le cas. Elles sont apolitiques. Elles feront ce qu’elles doivent faire pour répondre aux besoins de l’économie. * Oui, elles ne se concentrent pas du tout sur la politique. Et c’est vraiment comme ça que je les considère, elles visent seulement à faire ce qu’il y a de mieux pour l’économie américaine. Elles n’essaient pas du tout d’être politiques. * Elles préparent le terrain pour des réductions de taux depuis plus d’un an. Le marché se demandait si elles allaient réduire ou pas depuis un bon moment. Et cela finit par arriver. * Elles ne nous imposent donc pas des réductions de taux par surprise. Elles parlent d’assouplir leur politique depuis un bon moment déjà. Et n’oubliez pas qu’elles n’assouplissent pas complètement les politiques. Elles les desserrent légèrement, à partir d’un niveau élevé de 250 points de base au-dessus du taux neutre et de 225 points de base au-dessus du taux neutre, si notre prévision de baisse des taux de 25 points de base est exacte. * [MUSIQUE]
on est passés bien en deçà de ce niveau. Au cours des six derniers mois, on a aussi commencé à descendre sous ce seuil. * Et les données des derniers mois ont montré d’importantes révisions à la baisse par rapport au mois précédent. Ce rythme a donc vraiment commencé à ralentir. Et je pense que c’est quelque chose qui inquiète la Fed. On ne va pas dans la bonne direction. * Elle dit que le marché de l’emploi est en train de se stabiliser, qu’il se normalise. Mais la situation ne se normalise plus. Maintenant, il ne s’agit que d’un ralentissement. Et c’est quelque chose qu’elle veut vraiment éviter. * J’aimerais afficher votre deuxième
graphique, qui est également intéressant, et il s’agit du ratio des offres d’emploi par rapport aux chercheurs d’emploi. Parlez-moi un peu de ce qu’on voit ici. * OK. Ce sont des données qui proviennent du rapport JOLTS. On n’y prêtait pas beaucoup attention dans le passé avant la COVID. Maintenant, on s’y intéresse beaucoup plus, pour montrer que le nombre d’offres d’emploi a vraiment diminué. * C’est important, car cela indique qu’il n’y a pas beaucoup de licenciements. Cette normalisation, comme la Fed l’a appelée, de la politique, est en grande partie attribuable à une diminution des offres d’emploi. Il n’y a donc pas vraiment de licenciements, mais une forte diminution des embauches. * Tout le monde garde ses travailleurs et s’assure de ne pas trop licencier, mais le rythme des embauches ne s’accélère pas. Et c’est la question que vous avez posée plus tôt, s’agit-il d’un refroidissement ou d’un gel complet? C’est ce qui commence à rendre la Fed un peu nerveuse, selon moi. * Le rythme de ce repli, le rythme de la baisse des offres d’emploi, est passé d’une normalisation à quelque chose qui pourrait être problématique. Et on freine trop les marchés alors que d’autres reculs pourraient signifier que le marché du travail est beaucoup plus froid que quiconque l’avait prévu. * C’est vraiment fascinant. Certains parlent d’emplois cycliques en cas de changement de gouvernement et de normes. Et on commence à observer de réels replis, comme vous le disiez. Dans ce graphique, le ratio est de 1,25… qu’est-ce que ça signifie? * Ce qu’on fait, c’est que l’on compare aux niveaux antérieurs à la COVID. Ce que vous pouvez voir, c’est que les offres d’emploi ont fortement augmenté, et c’est la reprise après la pandémie de COVID, non? L’économie a connu une période difficile en raison de la COVID-19. On a connu un dégel graduel alors que les employeurs tentaient de réembaucher des travailleurs. * Il y a quelques mois, on était revenus au niveau d’avant la COVID. C’est la ligne pointillée. Ce qu’on observe actuellement, c’est une chute en flèche. Cela montre que même si les entreprises ne licencient pas nécessairement, on ne voit certes pas beaucoup den mises à pied, mais le nombre d’offres d’emploi sur le marché est en chute libre. Et c’est ce qui annonce un marché du travail moins robuste. * Cela signifie que les salaires pourraient commencer à diminuer. Ça pourrait impacter les dépenses de consommation réelles et la croissance future. * Il ne me reste plus qu’une minute, on discutait avant de commencer, et je pense que beaucoup de gens ne pensent pas voir les banques centrales ou la Fed agir avant une élection, historiquement, ça n’a jamais vraiment été le cas. Elles sont apolitiques. Elles feront ce qu’elles doivent faire pour répondre aux besoins de l’économie. * Oui, elles ne se concentrent pas du tout sur la politique. Et c’est vraiment comme ça que je les considère, elles visent seulement à faire ce qu’il y a de mieux pour l’économie américaine. Elles n’essaient pas du tout d’être politiques. * Elles préparent le terrain pour des réductions de taux depuis plus d’un an. Le marché se demandait si elles allaient réduire ou pas depuis un bon moment. Et cela finit par arriver. * Elles ne nous imposent donc pas des réductions de taux par surprise. Elles parlent d’assouplir leur politique depuis un bon moment déjà. Et n’oubliez pas qu’elles n’assouplissent pas complètement les politiques. Elles les desserrent légèrement, à partir d’un niveau élevé de 250 points de base au-dessus du taux neutre et de 225 points de base au-dessus du taux neutre, si notre prévision de baisse des taux de 25 points de base est exacte. * [MUSIQUE]