
Aux É.-U., le taux d’infection au coronavirus reste obstinément élevé, malgré la baisse dans certaines régions. Anthony Okolie et Leslie Preston, économiste principale, Groupe Banque TD, discutent de l’augmentation des cas de COVID-19 et du risque pour la reprise économique.
Eh bien, ce que nous avons vraiment constaté tout au long de cette pandémie, c’est que l’état de l’économie et la progression des infections sont inextricablement liés. Lorsque les infections ont bondi dans de nombreuses régions du pays à la fin de juin et au début de juillet, de nombreux indicateurs économiques à haute fréquence se sont repliés.
À l’échelle nationale, le taux d’infection s’est vraiment amélioré au cours des dernières semaines, mais il demeure très élevé. Comparativement au Canada, les États-Unis ont enregistré environ 125 infections par million de personnes au cours de la dernière semaine. Au Canada, on parle de 12 infections par million de personnes. Le taux d’infection est donc beaucoup plus élevé aux États-Unis.
Et ce que ça veut dire pour l’économie, c’est que la reprise de l’économie est beaucoup plus fragile parce que, comme nous l’avons vu en juillet et en août, lorsque les taux d’infection augmentent dans certaines régions, les indicateurs économiques et les indicateurs de mobilité s’affaiblissent.
Et qu’en est-il des consommateurs américains? Comment ont-ils modifié leurs habitudes d’achat en raison de la hausse des taux d’infection aux États-Unis?
Oui, vous savez, j’ai en quelque sorte donné un aperçu dans ma dernière réponse, mais nous avons vu que dans les États qui ont connu les plus fortes hausses des taux d’infection en juillet, il y a eu un changement important dans divers indicateurs à haute fréquence, en particulier en ce qui a trait aux mesures de la mobilité, parce que, comme nous avons tous un téléphone intelligent, nous sommes en mesure de suivre assez bien les déplacements des consommateurs. Dans les régions où les infections ont le plus fortement augmenté, la mobilité a diminué.
Et cela a été corroboré par certains autres indicateurs que nous surveillons, comme les réservations de tables de restaurant dans le réseau OpenTable. Certains des États du pays, comme le Texas, la Californie et la Floride, ont connu une forte hausse des réservations avec OpenTable lorsque leur économie a rouvert. Mais lorsque les infections ont augmenté, le nombre de réservations a vraiment diminué. Les consommateurs ont donc réagi très fortement à la hausse des infections.
J’aimerais qu’on parle du marché de l’emploi aux États-Unis. Dans votre rapport, vous soulignez la nécessité de tenir compte du chômage fictif. Qu’est-ce que le chômage fictif et pourquoi est-il important?
Eh bien, pour commencer, nous, les économistes, nous parlons toujours de chômage fictif, même en pleine pandémie, et c’est essentiellement parce que la mesure officielle du chômage ne tient pas compte des personnes qui ne cherchent pas activement un emploi. Pour être considéré comme sans emploi, il faut avoir cherché activement un emploi assez récemment, et c’est un défi particulier au plus fort de la pandémie. Étant donné que de nombreux secteurs d’activité ont été complètement fermés, de nombreux travailleurs qui ont été mis à pied ne pouvaient tout simplement pas chercher un emploi. Vous étiez coincé à la maison et votre secteur d’activité n’embauchait pas vraiment.
En fait, quand on regarde le taux de chômage, ça sous-estime le degré de chômage dans l’économie. La situation s’est améliorée en juin et en juillet. Le nombre de personnes sous-employées a diminué. Mais nous, les économistes, on aime bien avoir une vue d’ensemble du chômage, et on a vu qu’il faut le mesurer de façon plus générale pour avoir une bonne idée de son impact.
La semaine dernière, le nombre d’Américains qui ont demandé des prestations d’assurance-chômage a dépassé le million pour la deuxième semaine d’affilée. Quel est le risque pour la reprise du marché de l’emploi si le Congrès n’arrive pas à conclure un accord sur les mesures de relance dans le contexte du coronavirus?
Eh bien, le risque pour le marché de l’emploi passe vraiment par le canal des dépenses de consommation. Comme vous l’avez mentionné dans votre dernière question, un nombre incroyablement élevé de personnes touchent des prestations d’assurance-chômage aux États-Unis. À la mi-août, environ 27 millions de personnes touchaient des prestations d’assurance-chômage et, en vertu de la CARES Act signée à la fin mars, toutes ces personnes recevaient un montant supplémentaire de 600 $ par semaine en plus de leurs prestations d’État. Cela s’est terminé à la fin juillet, et le Congrès, comme vous l’avez mentionné, a tenté de négocier une prolongation de cette aide, peut-être à un niveau inférieur.
Donc, en gros, en date d’août, ces 27 millions d’Américains reçoivent 600 $ de moins par semaine. Nous prévoyons que les dépenses de consommation diminueront en août et en septembre si Washington n’aide pas davantage les Américains. Donc, si les consommateurs dépensent moins, cela réduit la demande de travailleurs dans l’ensemble de l’économie. Donc, si les dépenses de consommation fléchissent, ce qui est le cas aux États-Unis en août, selon les données à haute fréquence, nous craignons que le taux de chômage demeure élevé pendant plus longtemps.
Compte tenu de tout ce que nous savons aujourd’hui, quelles sont vos perspectives pour l’économie américaine au deuxième semestre de l’année?
Eh bien, je crois qu’il est important de faire la distinction entre les deux phases du deuxième semestre. Nous approchons de la fin du troisième trimestre, qui est en fait une phase de rebond. Nous observons actuellement un rebond annualisé de 27 % de la croissance du PIB réel au troisième trimestre. Et peu importe la perte d’élan en août, c’est essentiellement une question de mathématique. Nous avons observé un solide rebond en mai et en juin, ce qui a donné un élan au troisième trimestre.
Ce qui nous préoccupe le plus, c’est la montée en flèche des infections, qui peut mettre vraiment en péril la croissance au quatrième trimestre, comme le montre le calcul trimestriel. Nous prévoyons actuellement une croissance du PIB réel de 3,5 % au quatrième trimestre. Selon nos prévisions de juin, ce taux se rapprochait davantage de 6 %. Nous avons donc réduit nos prévisions de croissance pour le quatrième trimestre, en raison de la flambée des infections cet été et des comportements plus prudents de consommateurs qui en ont découlé.
Leslie, merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé.
Ça m’a fait plaisir.
[MUSIQUE]