Bien que plus de la moitié de la population canadienne n’ait pas de testament, décéder sans en avoir rédigé un peut mettre votre famille dans une situation difficile et engendrer des problèmes financiers. Kim Parlee et Georgia Swan, planificatrice spécialiste de la fiscalité et des successions à Gestion de patrimoine TD, discutent de ce qui advient de votre succession si vous n’avez pas de testament.
Vous savez peut-être que plus de la moitié des Canadiens n’ont pas de testament. Mais vous ne savez peut-être rien du chaos, des difficultés et des pertes de contrôle et d’argent qui font suite au décès d’une personne sans testament. Georgia Swan est planificatrice en fiscalité et en successions à Gestion de patrimoine TD. Elle se joint à nous depuis Barrie, Ontario, pour cette édition de Parlons Argent. Georgia, voici la question : Que se passe-t-il si je décède sans testament?
GEORGIA SWAN : Tout d’abord, la situation peut causer beaucoup de problèmes à votre famille. Peut-être qu’on peut commencer par un exemple? Prenons un dossier que j’ai touché il y a quelques années, où un parent est décédé subitement, à la fin trentaine, dans un accident. Cette personne était divorcée lors du décès. Elle n’avait pas d’obligations envers l’ex-conjoint. Mais elle avait la garde d’un très jeune enfant.
Ce qui s’est finalement passé, faute de testament, c’est qu’en vertu des lois de la province de résidence de la personne décédée, l’enfant était en fait le seul bénéficiaire de la succession et il n’y avait personne pour gérer cette succession. En l’occurrence, l’ex-conjoint a proposé d’agir comme liquidateur et je peux vous dire que la personne défunte n’aurait probablement pas voulu ça. L’ex a été désigné pour administrer la succession avec une autre personne à cet égard.
Mais ce qui est aussi arrivé - beaucoup de gens ne réalisent pas qu’un parent ne devient pas automatiquement tuteur aux biens de l’enfant - ce parent a soumis une autre requête au tribunal et est devenu fiduciaire de l’argent de l’enfant, ce qui n’aurait pas convenu non plus au parent décédé. Et comme rien n’avait été planifié, la succession représentait un bon montant après le versement d’une indemnité d’assurance, soit près de 2 M$. L’enfant en question pourra prendre le contrôle de cet argent à l’âge de 18 ans. Alors, oui, l’argent est attribué à la personne que le parent décédé aurait sûrement voulu voir hériter au bout du compte, mais toute la gestion autour, selon moi, ne correspondait absolument pas à ses volontés.
Plusieurs ont dû dresser l’oreille en entendant cette histoire plutôt inquiétante. Dites-moi, avez-vous d’autres exemples de difficultés susceptibles d’affecter les membres survivants de la famille? Il faut parfois s’attendre à composer avec des comptes gelés.
Bien sûr! Les temps changent - dans les familles, les gens gèrent leurs finances différemment. Avant, bien des couples détenaient tous leurs actifs conjointement. Le cas échéant, lorsqu’un conjoint décède sans testament, la plupart des biens deviennent la propriété de l’autre, du survivant, s’il s’agit d’actifs conjoints. Mais on ne voit plus tellement ça.
Même dans les couples mariés, les gens semblent vouloir s’occuper de leurs finances séparément, en tout ou en partie, en contribuant d’une façon ou d’une autre au budget du ménage. Advenant le décès d’un conjoint qui détenait ses propres actifs - en son nom seulement, les avoirs sont gelés. Et s’il se trouve que la personne décédée contribuait de façon importante au budget familial, des difficultés financières peuvent embarrasser les survivants, jusqu’à ce que la situation soit réglée.
Et qu’en est-il des enfants? Vous y faisiez allusion tantôt dans le premier exemple. La plupart désigneront un proche comme liquidateur ou tuteur d’enfants mineurs. Mais si ce n’est pas planifié, que se passe-t-il?
Vous touchez à l’aspect le plus important du testament, c’est-à-dire la désignation du liquidateur. Beaucoup de gens ne se rendent pas compte qu’après le décès, une entité est créée. Dans mon cas, on dira la succession de Georgia Swan. Et même si je laisse derrière de proches parents, comme mon mari, mes parents ou autres... mes enfants, ils ne seront pas automatiquement autorisés à traiter juridiquement la succession, qui comporte mes actifs, mais aussi l’obligation de produire mes déclarations fiscales et de rembourser mes dettes éventuelles, et le droit d’obtenir de l’information de banques, d’institutions, d’un gouvernement, ou de quiconque avec qui j’ai fait affaire dans ma vie.
Alors, le testament sert avant tout à désigner le liquidateur. Si vous n’avez pas de testament, personne ne sera automatiquement autorisé à obtenir de l’information vous concernant. C’est donc la première chose à faire, car si vous décédez sans testament, ce qu’on appelle en droit ab intestat - plusieurs problèmes peuvent survenir.
Aussi, pour la plupart des parents, l’enjeu numéro un, c’est : « Qui sera le tuteur de mon enfant? » Le cas échéant, il est possible de désigner quelqu’un dans le testament pour agir à ce titre. Mais sans testament, il est concevable que le parent survivant devienne tuteur, ce qui peut être une bonne chose ou non si vous n’êtes plus en couple. Ou le rôle peut revenir à un membre de la famille autre que votre premier choix.
Vraiment, juste à énumérer les divers aspects, j’ai envie d’aller vérifier immédiatement que tout est en ordre et comme il se doit Mais il faut soulever un dernier élément important. Les frais peuvent s’accumuler sur le plan fiscal. Expliquez-nous un peu pourquoi.
Eh bien, les facteurs sont nombreux. Premièrement, quand vous rédigez un testament, vous avez l’occasion de planifier un peu votre succession et d’éviter un éventuel processus d’homologation, soit la reconnaissance du testament par un tribunal, selon la province où vous habitez - c’est une obligation fiscale. En Ontario, on parle de droits successoraux ou de frais d’homologation. Ça n’a rien de facultatif. Si vous décédez sans testament, votre succession doit faire l’objet d’une homologation parce qu’il faut désigner le liquidateur.
Autre chose : vos actifs risquent de ne pas être répartis comme vous le voulez, car chaque province applique plus ou moins un processus distinct en ce qui a trait à la répartition successorale. Par exemple, en Ontario, si l’on décède sans testament et que l’on a un conjoint et des enfants, le conjoint a droit à la première tranche de 200 000 $ de la valeur successorale. Le reste est ensuite réparti entre le conjoint et les enfants.
Vous croyez peut-être qu’après votre décès, votre conjoint héritera de tous vos avoirs, mais ce n’est pas le cas. Un enfant qui a passé l’âge de 18 ans n’a pas à renoncer à ses droits en vertu de la succession. Ainsi, votre conjoint survivant pourrait être amené à vendre des actifs pour verser aux enfants ce à quoi ils ont droit, conformément aux lois de votre province de résidence ou de la province du décès, en fait.
Voilà beaucoup d’information à considérer, mais tout indique qu’il faut mettre en place des mesures appropriées et se prémunir. Georgia, merci beaucoup!
Merci à vous.
C’était Georgia Swan.
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