Une procuration est un document ayant force de loi qui sert à prendre soin d’un proche devenu inapte. Pour que la procuration prenne effet, vous devez établir légalement que la personne est inapte à prendre soin d’elle-même, ce qui pourrait causer des difficultés. Kim Parlee et Nicole Ewing, VP, conseillère en succession d’entreprise et planificatrice spécialiste de la fiscalité et des successions, Gestion de patrimoine TD, discutent des moyens de surmonter ces difficultés.
Imaginez le scénario : votre père âgé tombe malade et ne peut gérer ses affaires. Vous devez vous occuper de ses comptes bancaires, régler les factures et prévoir les soins. Mais, comme vous avez une procuration, tout devrait bien aller, n’est-ce pas?
Pas certain. Vous devrez peut-être faire appel à un professionnel pour confirmer l’incapacité de votre père. Il faudra peut-être rencontrer son médecin, discuter avec son avocat, trouver un spécialiste pour évaluer sa capacité. Et ne comptez pas en croiser un dans la salle d’attente d’un hôpital. Pour parler des démarches à suivre, des rendez-vous à prendre, des frais à prévoir et de ce que vous devez savoir pour que votre procuration soit utile quand vous en aurez besoin, je reçois Nicole Ewing, vice-présidente, conseillère en succession d’entreprise et planificatrice spécialiste de la fiscalité et des successions, Gestion de patrimoine TD.
Commençons par la base, Nicole. Qu’est-ce qu’une procuration et à quoi sert-elle?
Le vocabulaire varie un peu d’une province à l’autre, mais, en gros, c’est un document par lequel une personne en autorise une autre à prendre des décisions en son nom. Souvent, on fait la distinction entre une procuration qui vise les biens – en quel cas, vous autorisez quelqu’un à prendre des décisions concernant vos finances dans le cadre de pouvoirs très étendus – et la procuration qui porte sur les soins personnels. Vous autorisez alors quelqu’un à prendre des décisions concernant les soins qui vous seront prodigués.
OK. Revenons à mon exemple de tout à l’heure. Mon père m’a désigné comme mandataire dans sa procuration et il est maintenant incapable de s’occuper de ses affaires. Que se passe-t-il à ce moment-là?
Il faut d’abord vérifier la validité du document dans le territoire où vous vous trouvez. Encore là, le scénario varie d’une province à l’autre. En Ontario, par exemple, il faut obtenir la signature de deux témoins. En Alberta, une seule suffit. Bref, en fonction de votre lieu de résidence, vous devez d’abord confirmer la validité du document.
Ensuite, il faut déterminer la date d’entrée en vigueur du document. À quel moment les pouvoirs sont-ils accordés au mandataire?
Ces documents peuvent être structurés de différentes façons. Il n’y a pas un modèle unique. En général, chaque conseiller juridique a sa préférence. Un document peut être valide dès la date de signature et conférer dès lors au mandataire le pouvoir de prendre des décisions en mon nom. Il est aussi possible de rédiger une procuration surgissante.
Adaptée à certains événements?
Exactement. Cette procuration entre en vigueur seulement lors d’un événement précis. Par exemple, une incapacité. Il faut donc définir la notion d’incapacité. Comment savoir qu’une incapacité est survenue?
Il y a des spécialistes de ces questions…
Là encore il faut d’abord se reporter au document. Les dispositions qui y sont stipulées en régissent l’application. Le document peut se fonder sur l’opinion du médecin de famille ou sur celle de deux médecins. Ou, si rien n’est prévu, le document stipulera que la loi déterminera qui est investi du pouvoir nécessaire.
Encore là, tout dépend de la province. L’Ontario fait appel à des évaluateurs de la capacité. C’est donc un professionnel qui pose le jugement.
Quel est le rôle de l’évaluateur professionnel dont vous avez parlé? Que fait-il?
Au risque de me répéter, la situation diffère dans chaque province. En Ontario, le Bureau de l’évaluation de la capacité regroupe des experts chargés d’évaluer si une personne répond aux critères de capacité pour diverses raisons. Il n’y a pas un bureau où vous pouvez vous rendre. Vous devez trouver un évaluateur, ce qui peut être un problème, selon votre lieu de résidence.
Est-il disponible? Accepte-t-il de se déplacer? Devez-vous faire le trajet? Parle-t-il la langue de la personne à évaluer? Peut-il répondre aux questions que vous vous posez à propos de la maladie en cause ou de la capacité? Ces professionnels peuvent déterminer si la personne est atteinte ou non dans sa capacité.
Malheureusement, avec le vieillissement de la population et l’augmentation des cas de démence, il devient difficile de trancher quand une personne perd ou non sa capacité. Le parcours est sinueux. Ça fluctue selon les jours ou le moment.
Il y a des hauts et des bas.
Exactement. Exactement.
Comment s’y retrouver alors? J’imagine que c’est le genre de soutien qu’offre l’évaluateur.
Exactement. C’est un expert dans le domaine et il peut aborder le sujet de façon plus nuancée. Il faudra peut-être le rencontrer à plusieurs reprises. S’il doit se rendre à l’hôpital pour évaluer la personne, par exemple, il tiendra compte de toutes les circonstances qui entourent la rencontre.
Le sujet est aussi complexe et source de confusion qu’il y paraît. C’est un domaine qui exige de la préparation.
La première étape consiste donc à clarifier l’entrée en vigueur de la procuration. Disons que j’ai une procuration et que je dois accéder au compte bancaire de mon père, ou pire, vendre des biens pour financer les soins dont il a besoin. Je ne peux pas simplement présenter la procuration en disant que je suis autorisée à faire ça. Quelle est la prochaine étape?
En théorie, vous le pourriez. D’abord, le fait d’avoir le document en main est un bon premier pas. Parce que, souvent, les gens ne savent pas où se trouve le document. Ce peut-être dans un coffret de sûreté ou ailleurs à l’abri du feu. Il est donc utile d’avoir accès au document.
Mais tout dépend à qui il est présenté. Si j’ai affaire à des gens qui voient souvent ce genre de documents, ils sauront de quoi il s’agit. Mais, il ne faut pas croire que les pouvoirs conférés vont être reconnus automatiquement. Le document peut vous les accorder, mais la personne à qui vous le présentez ne va pas nécessairement reconnaître ces pouvoirs.
C’est l’un des aspects les plus délicats en ce qui a trait au traitement de la procuration et à l’incapacité à laquelle la population vieillissante fait face. Aucun registre ne confirme la validité de ces documents. Il faut les examiner au cas par cas dans chaque situation. C’est un domaine très complexe.
Je conseillerais d’abord au mandant – c’est-à-dire la personne qui accorde la procuration – d’informer le mandataire des pouvoirs qui lui ont été confiés afin qu’il puisse obtenir des réponses à ces questions. En sachant que vous avez été désigné comme mandataire, vous pourrez alors communiquer avec le comptable et le conseiller juridique ou financier pour vous présenter et établir la relation. Ces démarches devraient faciliter la transition.
Comme toujours, excellents conseils, Nicole. Merci beaucoup.
Je vous en prie.