
Anthony Okolie récapitule les faits saillants de la journée, notamment les dernières nouvelles sur la COVID-19, puis discute avec Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD, du prix négatif du pétrole et de son impact sur le secteur pétrolier au Canada.
Bonjour, et bienvenue au bulletin COVID-19 Parlons argent du mardi 21 avril. Je m’appelle Anthony Okolie. Dans quelques instants, je m’entretiendrai avec Bart Melek, le chef mondial, Stratégie relative aux produits de base de Valeurs mobilières TD, au sujet des derniers développements dans le secteur pétrolier. Mais d’abord, une brève tournée de l’actualité sur les marchés.
Le prix du brut américain a poursuivi sa chute aujourd’hui après que le contrat à terme de mai soit tombé sous zéro, une première due à la baisse de la demande et au manque de capacité de stockage. On continue d’annoncer les résultats du premier trimestre touché par la COVID-19. La société minière canadienne Teck rapporte une baisse des profits trimestriels nettement plus marquée que prévu de 84 %, les fermetures liées à la pandémie ayant nui à la production du charbon utilisé dans l’acier.
Aux États-Unis, Coca-Cola a déclaré des bénéfices meilleurs que prévu, en précisant toutefois que la fermeture des cinémas, restaurants et stades à cause du coronavirus continue de ralentir ses affaires. Enfin, sur le plan économique, Statistique Canada rapporte une modeste progression des ventes au détail de 0,3 % en février, soit avant les mesures de confinement liées à la pandémie. Pour mars, les Services économiques TD prévoient que seul le secteur Nourriture et boissons fera de réels bénéfices. Voilà qui conclut les actualités des marchés. Nous allons maintenant rejoindre Bart Melek.
Bart, c’est la toute première fois que le prix des contrats pétroliers descend sous zéro, pour s’établir à -38 $ du baril. Qu’est-ce qui se passe?
À la base, c’est une question d’offre supérieure à la demande, mais il y a aussi des facteurs techniques qui expliquent la situation, et qui ont beaucoup à voir avec la plongée historique en territoire négatif enregistrée hier. Les FNB ont investi de façon importante alors qu’ils ne peuvent généralement pas prendre livraison du produit. L’échéance se rapprochait, et beaucoup d’investisseurs ont attendu à la toute dernière minute pour se retirer. Puis, plusieurs ont dû reconduire le contrat en panique et s’assurer d’avoir quelqu’un à qui refiler leur pétrole.
Et le dépôt de Cushing auquel ce contrat est lié n’était pas nécessairement à sa limite physique, mais la majeure partie de sa capacité de stockage était déjà engagée. Il a donc fallu que certains porteurs de brut prennent des dispositions pour faire expédier le pétrole ailleurs, et convaincre quelqu’un d’entreposer les barils physiques avant l’échéance. Le même scénario pourrait se reproduire ce mois-ci.
Vous l’avez dit : le contrat touché est celui de mai, et il arrive à échéance aujourd’hui. Mais quel sort attend les contrats de juin, juillet et même août?
Ce n’est pas notre scénario de base, mais nous nous attendons à ce que le marché du brut continue de subir une pression négative, en raison surtout de l’offre qui surabonde depuis la chute de la demande liée à la COVID-19. On en note déjà des signes précurseurs avec la baisse marquée du contrat de juin hier, dans la foulée de la reconduite.
On a vu le sort réservé au contrat précédent. Le baril est maintenant à 15 $, je crois. À l’ouverture des marchés hier, il était aux alentours de 21 $. Alors oui, il y a un risque. Par contre, la pression ne devrait pas être aussi forte qu’elle l’a été cette fois-ci.
Qu’est-ce que l’épisode volatil d’hier vous révèle sur les défis de gestion de l’offre et de la demande qui touchent ce secteur en ce moment?
L’offre est nettement trop élevée, ça ne fait pas de doute, et les réductions de production qui devaient stabiliser les marchés ne sont pas suffisantes. Essentiellement, nous continuons de craindre que les stocks s’accumulent au point où il n’y aura plus d’espace. Les prix devront descendre extrêmement bas pour convaincre les producteurs d’arrêter la production le plus vite possible. Je crois que la séance d’hier a réussi à convaincre beaucoup de gens de la nécessité de réduire l’offre au plus vite. Une entreprise qui obtient un prix négatif ou très bas pour sa production en mesure vite l’effet sur ses flux de trésorerie, et doit agir promptement pour rééquilibrer le marché.
Bart, un mot sur la politique américaine. On dit que les États-Unis pourraient réagir en accordant des subventions ou en imposant des quotas. Comment s’y prendraient-ils?
Les États-Unis ont envisagé différentes possibilités. Dernièrement, le Président a demandé au secrétaire à l’Énergie de formuler des propositions visant à stabiliser le secteur. Il est souhaitable que l’offre et la demande se rééquilibrent, mais pas au prix de faillites qui se multiplieraient à cause du manque de fonds. La réduction de l’offre doit être ordonnée, et non forcée par la crise.
Du côté du Texas, le commissaire aux chemins de fer, qui est responsable de réglementer l’industrie pétrolière dans cet État, a évoqué la possibilité d’imposer aux producteurs américains des quotas semblables à ceux de l’OPEP. Plusieurs mesures réglementaires et politiques sont donc prises pour tenter de rééquilibrer le marché.
Évidemment, on s’interroge quant à l’effet de tout cela sur le secteur canadien de l’énergie et ses sociétés.
Les conditions liées à l’offre et à la demande sont particulièrement négatives pour le secteur pétrolier au Canada et ses acteurs. Ils ont été affectés autant qu’ailleurs. Plus même, je dirais. Eux aussi auront besoin de politiques qui les aident à stabiliser leurs flux de trésorerie afin que les problèmes de liquidités ne dégénèrent pas en faillites ou en débandade généralisée et désordonnée qui anéantirait le secteur. Le problème est donc grave au Canada, comme il l’est aux États-Unis. Je crois que c’est un de ces rares moments où les gouvernements peuvent fournir un appui financier le temps que la tempête se calme.
Bart, il nous reste à peine 30 secondes, mais je voulais parler de l’accord de réduction de la production conclu par l’OPEP et la Russie. L’effet sur les prix semble avoir été minime. Pourquoi?
L’accord de l’OPEP+, qui comprenait la Russie et l’Arabie saoudite, est historique de par l’ampleur des coupures promises, soit environ 9,7 millions de barils par jour. Mais étant donné la vitesse et l’ampleur de la fonte de la demande mondiale liée à la COVID-19, qui est estimée à 25 millions de barils en avril, il reste un écart. L’accord intervient trop tard et trop peu pour changer la donne à court terme.
À plus long terme, il contribuera toutefois à rééquilibrer le marché, tout comme les coupures au Canada, aux États-Unis, au Brésil et ailleurs. Mais pour le moment, la demande a chuté de façon si soudaine et brutale que même cette promesse de réduction inégalée ne suffit pas à court terme.
Très bien. Merci infiniment pour vos commentaires.
Merci.
ANTHONY OKOLIE: Merci d’avoir été des nôtres. Ici Anthony Okolie qui vous dit à bientôt, et soyez prudents.
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