
Au T2, les investisseurs ont constaté à quel point il est risqué de surfer sur les marchés haussiers. Le danger est-il passé? Kim Parlee discute avec Rob Vanderhooft de son point de vue sur différents marchés en ces temps incertains : actions, titres à revenu fixe, immobilier, or et devises.
Vous savez, le rendement économique actuel est légèrement supérieur à nos attentes, si on considère l’absence d’améliorations importantes au niveau d’un traitement ou d’un vaccin. Donc, jusqu’à un certain point, la reprise est sûrement meilleure qu’on l’avait prévue. Et elle est assurément bien supérieure à celle qu’on attendait sur les marchés boursiers.
Aux États-Unis, par exemple, le rendement dans certains États touchés par la première vague est plutôt bon... On parle entre autres des États de New York et du New Jersey. On est plus inquiet pour les États touchés plus tard qui enregistrent actuellement leur sommet... Il est question de la Californie, de la Floride et de l’Arizona, notamment.
Mais on est encouragé par le rythme actuel de la croissance économique.
J’aimerais vous demander... Enfin... Je sais que vous surveillez la situation de près.
Vous avez parlé des États touchés par la première vague, mais que va-t-il se passer si certains doivent arrêter ou renverser leur réouverture? Qu’est-ce que ça vous dirait?
En effet, c’est une chose qui nous préoccupe à propos des États touchés par la 1re vague. On est moins inquiet là où... Si tout le monde faisait comme les États de New York et du New Jersey, ce serait formidable; les choses seraient certainement bien contrôlées. On observe toujours une accélération des cas dans certains États de la 2e vague; tout comme une nouvelle augmentation dans certains États de la première vague. On surveille ça de près. Mais dans les États plus populeux, nous observons un roulement des cas. Le nombre net d’hospitalisations a diminué, ce qui est aussi un bon signe, mais les États-Unis se retrouvent relativement... À l’égard des cas de COVID-19, ils comptent actuellement près de la moitié des cas actifs. On est donc préoccupé, mais on observe aussi des signes positifs de roulement.
Montrons maintenant un graphique. Je repense à notre dernier entretien en mai, Rob, où les marchés enregistraient déjà leur deuxième mois de hausse. Qu’en est-il aujourd’hui? Comme on peut le voir, les marchés se sont considérablement relevés; le NASDAQ ayant atteint de nouveaux sommets. Mais votre position à l’égard des actions est actuellement neutre. Pouvez-vous me dire pourquoi?
Oui, une position neutre – On a vu la croissance économique s’accélérer; et les révisions des bénéfices commencent à s’améliorer. Il y a donc certains signes positifs. Cela dit, les évaluations ont grimpé bien avant le redressement des bénéfices. Dans tous les marchés boursiers, les évaluations sont à leurs niveaux les plus élevés.
On est donc plutôt prudent. On n’est certainement pas sorti du bois en ce qui concerne la COVID-19 et certaines des préoccupations qu’on a à-propos d’une deuxième vague, notamment. On a donc adopté une position plutôt modeste relativement au risque en ce moment, et on l’a maintiendra compte tenu du décalage entre les évaluations et les bénéfices actuels.
Je sais qu’on va parler plus en détail de chaque catégorie d’actif dans une minute, mais j’aimerais qu’on discute un peu des quelques changements que vous avez récemment faits, en particulier du côté des actions. Vous avez récemment augmenté la pondération des actions internationales; la faisant passer d’une légère sous-pondération à une position neutre. Pourquoi?
Oui. Entre autres, la pandémie a frappé plus tôt en Europe et la reprise y est déjà amorcée. Si vous tenez compte à la fois des évaluations et du retour des revenus, ça nous semble relativement intéressant pour le moment.
Vous êtes aussi passés d’une position neutre à une surpondération modeste pour les actions chinoises. Pourquoi?
Si vous regardez la croissance économique de la Chine, vous pouvez voir qu’elle a déjà récupéré en grande partie le recul enregistré au premier trimestre en raison de la COVID-19. Du côté de la production industrielle, on peut voir que le secteur est vraiment très très solide et qu’il est presque revenu à la normale. Ça a donc un effet positif sur les bénéfices.
Là où on est moins sûr, peut-être, c’est du côté des ventes au détail en Chine; ce secteur continue d’être la traîne. Et on observe une situation similaire dans la plupart des marchés où l’activité industrielle a repris. Les ventes au détail sont plus lentes à récupérer.
J’aimerais revenir en arrière, si possible, et parler de votre position générale à l’égard de toutes les catégories d’actifs. Si on regarde l’ensemble des actions – ce qui englobe vraisemblablement celles du Canada, des États-Unis, de la Chine et des autres pays, dont les pays émergents – votre position est neutre, comme vous le disiez. Mais je sais que vous surveillez les indices PMIs. Pouvez-vous nous dire pourquoi et ce qu’ils vous révèlent?
Oui. Les indices PMIs nous servent de baromètres pour l’activité industrielle. On y voit une reprise ce qui est un bon signal de croissance économique. On regarde aussi, comme on le disait plus tôt, le secteur des ventes au détail. Mais les indices PMIs sont de bon baromètres, et ils ont dans l’ensemble dépassé la barre des 50, ce qui est bon.
Très bien. Parlons maintenant de la prochaine catégorie d’actifs, soit les titres à revenu fixe. Vous avez choisi de légèrement sous-pondérer la catégorie, et vous dites être à l’aise avec une même position... Oh pardon – avec une surpondération des obligations de sociétés. Expliquez-moi tout ça un peu.
Oui. En raison des taux d’intérêt, on sous-pondère l’ensemble des titres à revenu fixe. On ne s’attend pas à ce que ça baisse davantage à partir de maintenant. On peut envisager qu’ils augmenteront au fur et à mesure que l’activité économique reprendra. Donc, c’est moins intéressant du côté des obligations d’État. Pour ce qui est des obligations de sociétés, on y observe encore des rendements raisonnablement bons. Les écarts se sont élargis. Le rendement a augmenté. Les obligations des sociétés se sont un peu redressées et demeurent un peu plus attrayantes que celles d’État sur le plan du rendement. On continue donc de surpondérer les obligations de sociétés.
Puis-je vous poser une autre question sur les obligations de sociétés? Pouvez-vous me dire sur ce que vous allez regarder exactement pour vous assurer que ce rendement est maintenu?
C’est une bonne question. On va entre autres regarder certains secteurs très précis. Il y a le secteur des voyages... Du côté du secteur du pétrole et du gaz, on peut voir que les effets sur le crédit sont plus grands; les répercussions sur les revenus sont supérieures dans ces secteurs. Dans le secteur des ventes au détail, les résultats diffèrent selon les détaillants. Il est donc très important de bien comparer la qualité du crédit de chacun d’eux.
Intéressant. Je sais qu’on a toujours parlé de l’importance de la gestion active et je pense que c’est encore plus clair dans ce genre de scénario. Passons maintenant aux actifs réels et aux placements alternatifs. Encore une fois, vous avez surpondéré ces catégories en ce moment. Mais ce qui est intéressant, quand on se concentre sur l’un d’eux, c’est de voir une hausse du volume des opérations sur le marché des prêts hypothécaires commerciaux. Dites-m’en plus à ce sujet.
Oui. On commence à y voir une certaine reprise. On a traversé une période, évidemment, au début de l’année où, il n’y avait vraiment pas beaucoup d’activité dans ce secteur. Mais, plus récemment, ça semble vouloir reprendre.
Et si vous considérez l’écart entre les taux des prêts hypothécaires et ceux des obligations du gouvernement du Canada, l’écart de rendement demeure intéressant. Ça remonte un peu, mais il y a une sorte de retard par rapport à ce qu’on voit du côté des sociétés, concernant la compression des écarts de taux. Les taux d’intérêt pour les prêts hypothécaires sont très intéressants en ce moment. On est donc très optimiste à l’égard des prêts hypothécaires.
Et que pensez-vous du secteur de l’immobilier commercial? Enfin... Je peux voir ici que votre position est relativement neutre. Mais je pense que de nombreuses personnes actuellement en télétravail... se demandent ce que vous prévoyez à ce chapitre-là.
Oui. Vous pouvez voir que les répercussions divergent en fonction des secteurs. Sur le marché immobilier industriel, l’activité est raisonnablement bonne. Ça va aussi du côté du marché des immeubles de bureaux... Des immeubles de catégorie A. C’est aussi vraiment très bon sur le plan des immeubles multirésidentiels. En fait, les effets au chapitre des évaluations, se sont plutôt fait sentir du côté des immeubles à commerces. Ce marché s’est un peu plus rétracté que le reste du marché. Mais les rendements globaux, même s’ils sont légèrement négatifs, demeurent en relativement bonne position actuellement.
Passons maintenant à la dernière catégorie, l’or et les devises. Il y a évidemment une relation entre les deux. Mais on a vu l’or s’améliorer; je suis curieuse d’entendre ce que vous avez à dire sur ça.
Les placements dans l’or ne coûtent pas cher en raison des très faibles taux d’intérêt. Des très, très faibles taux. En tant que protection contre d’autres risques, l’or a donc sa place dans le portefeuille de bien des gens. Mais on n’est certainement pas de grands amateurs de l’or. Mais en raison de son rôle de protection contre les risques, Il est justifié d’avoir des titres d’or dans son portefeuille. On pense donc que l’or pourrait augmenter un peu.
Vous avez aussi comparé le dollar canadien au dollar américain et l’avez sous-pondéré.
Cela est-il surtout dû à la situation du dollar canadien ou à celle du dollar américain?
Oui, c’est plutôt dû à la situation du dollar canadien. L’activité économique est un peu plus lente au Canada. Si vous regardez les effets du pétrole et du gaz, il y a une corrélation importante entre ces produits et les autres produits de base et le dollar canadien. En fait, vous ne trouverez pas beaucoup de produits de base aux résultats très positifs. Et même si le pétrole a rebondi, il est encore loin d’être au niveau requis pour vraiment stimuler la croissance économique du Canada et pour stimuler le dollar canadien.
J’ai gardé l’un des sujets les plus intéressants, selon moi, pour la fin. J’aimerais parler un peu du dollar américain. Le dollar américain est la monnaie de réserve. De toute évidence, la Fed ne lésine pas pour aider les marchés. Mais encore une fois, cela est-il avisé?
Projetons-nous dans quatre mois. Quelle influence les élections auront-elles sur l’économie dans son ensemble et le dollar américain? Est-ce que ça va être tumultueux pendant un certain temps ou bien doit-on tenir compte de quelques facteurs à plus long terme?
Oui, on devrait probablement se concentrer sur les facteurs à plus long terme. Si vous regardez les sondages, aucun président sortant n’a enregistré, par le passé, un déficit de sept points à ce moment-ci de la course pour ensuite remporter les élections. Et actuellement... Joe Biden mène Trump de 11 points. Donc... On ne peut pas considérer que Trump est hors course, comme vous le savez, mais les chances ne sont pas de son côté.
Et que signifierait un couronnement de Biden? Probablement la suppression des impôts... Oh pardon – des réductions d’impôt, l’assurance maladie, des programmes sociaux, etc. Il y aura donc probablement un fardeau budgétaire supplémentaire sur l’économie, en plus du fardeau budgétaire découlant de la pandémie de COVID-19. Ça a donc des répercussions à long terme sur le rythme de la croissance économique à venir, laquelle pourrait donc être un peu plus faible que celle qu’on aurait autrement pu constater.
Rob, que présagent ces perspectives politiques à plus long terme pour le dollar américain? Est-ce que ça modifie le rôle de monnaie de réserve du dollar américain? Ou bien il va conserver ce rôle jusqu’à ce qu’autre chose se produise?
Oui, le dollar va conserver ce rôle de monnaie de réserve à l’avenir. Ça ne devrait pas changer. C’est une chose qui prend beaucoup de temps à changer... ou qui pourrait changer sur une très longue période. Donc, non, on ne s’attend pas à ce que ça se fasse du jour au lendemain.
- J’aimerais vous demander… Il ne reste qu’environ 15 secondes, mais pour le profit de ceux qui nous écoutent, tout bien considéré, qu’est-ce que les gens devraient garder à l’esprit pour 2020 et au-delà?
On a parlé précédemment dans le programme de l’importance de rester entièrement investi, de se concentrer sur les objectifs à long terme et de déterminer la répartition de vos actifs en fonction de ces attentes à long terme. Comme on le sait, la synchronisation des marchés n’a pas été très fructueuse plus tôt cette année. Misez sur le long terme pour vos portefeuilles, et la répartition uniforme des actifs.
Merci beaucoup, Rob, d’avoir été des nôtres aujourd’hui.
Merci.