La pandémie de COVID-19 n’a pas freiné le marché du logement, et la surenchère demeure courante dans de nombreuses villes. À Toronto, la majorité des ventes de propriétés se font au-dessus du prix demandé. Kim Parlee discute avec Nico Lacetera, professeur au centre Behavioural Economics in Action at Rotman (BEAR) de l’Université de Toronto, de la manière dont les acheteurs pourraient accroître leurs chances de gagner en cas de surenchère immobilière.
Malgré la pandémie de COVID-19, le marché immobilier continue d’enregistrer des ventes records. Résultat, si vous habitez en milieu urbain, vous devez vous jouer des coudes pour acquérir une propriété. Alors, comment manœuvrer?
Nico Lacetera enseigne au Behavioral Economics in Action Center at Rotman affilié à l’Université de Toronto. Il répond aujourd’hui aux questions de Parlons Argent. Nico, la question est la suivante : « Chaque fois que je tente d’acquérir une maison, un autre acheteur offre davantage. Quelle est mon erreur? »
Disons tout d’abord que certaines caractéristiques du marché de l’habitation font en sorte de favoriser quelque peu la surenchère par la multiplication des offres. Le dépôt de plusieurs offres en peu de temps accentue de façon intentionnelle la concurrence. Inévitablement, des acheteurs mis en concurrence vont faire augmenter les prix. La concurrence entre vendeurs fera au contraire baisser les prix. Il faut donc tenir compte des deux aspects du marché.
Mais, il existe aussi certaines tendances psychologiques que l’on peut chercher à influencer dans une certaine mesure. Mais, ce n’est pas facile. Par exemple, il y a ce que les gens appellent la peur de rater sa chance, ou l’effet de dotation pour reprendre le terme scientifique.
Disons que vous déposez une offre d’achat sur une maison. Dans votre esprit, vous croyez déjà que vous allez remporter la mise. Vous vous dites « cette maison est à moi ». L’affaire est réglée. Mais voilà que votre offre est refusée. Vous avez le sentiment d’avoir perdu votre maison et d’être à la rue.
Pour réduire ce risque, vous offrez plus. En fin de compte, ce danger n’est souvent pas aussi important que vous le croyez, puisque vous avez déjà une maison ou un appartement où loger pour encore quelques nuits. C’est le genre de situation qui peut se produire.
La présence de plusieurs acheteurs, même si vous ne les voyez pas, engendre aussi une certaine pression sociale. Vous ne voulez pas finir bon dernier de la course, même si vous n’avez aucune idée de qui sont les autres acheteurs. Mais, à tout le moins, il y a une certaine pression sociale qui s’exerce et que vous voulez éviter.
Ces tendances peuvent contribuer à la surenchère. Mais, comme tout le monde y participe, vous risquez aussi de rater votre chance à répétition.
C’est fascinant. On sent déjà un attachement affectif. Si votre offre est refusée, c’est comme si vous aviez perdu la maison, même si elle ne vous a jamais appartenu. C’est le premier point à retenir : se méfier de sa réaction psychologique.
Qu’en est-il de l’offre d’achat? Y a-t-il quoi que ce soit que je puisse faire pour m’aider à remporter la mise?
Il y a certaines stratégies et pratiques pour établir votre prix. Souvent, le prix se termine pas 99. Ça peut être un article bon marché à 1,99 $ ou plus cher à 99 $ ou 299 $. L’acheteur qui voit ces prix, p. ex., 299 $, a tendance à croire qu’il est plus près de 200 $ que de 300 $. À tort, il a l’impression de faire une bonne affaire, alors qu’il est à un dollar près d’atteindre 300 $.
Maintenant, mettez-vous à la place du vendeur en cherchant à lui faire une offre qu’il ne voudra pas refuser. Vous pourriez alors adopter la stratégie contraire en fixant votre prix dans une tranche supérieure. Au lieu d’offrir 249 000 $, vous proposerez 251 000 $, soit 2 000 $ de plus. C’est mieux que rien, sans être beaucoup, compte tenu du prix de la maison. De la sorte, vous indiquez au vendeur que sa maison vous intéresse vraiment.
Vous faites un pas de plus. Vous pouvez même dépasser légèrement le prix demandé. Si le vendeur veut 249 000 $ et que vous offrez 251 000 $, vous lui montrez que vous êtes disposé à négocier dans une autre fourchette de 10 000 $, mais pas de 40 000 $ ou 50 000 $. Le vendeur peut vous considérer comme un acheteur sérieux et vouloir même poursuivre la négociation, comme vous proposez une tranche de prix supérieure. De ce point de vue, vous pourriez obtenir beaucoup plus que ce que vous avez payé, surtout si vous êtes seul à penser de la sorte.
Le symbolisme financier… J’aime bien votre stratégie pour passer de 240 à 250.
J’ai une dernière question. En résumé, il ne faut pas se croire propriétaire avant le fait, ni craindre de rater sa chance. Mais, il est utile d’établir une fourchette par tranches de dix. Ça change la donne. À quoi d’autre faut-il songer pour ne pas payer trop cher?
Il y a un aspect important que les gens négligent parfois. Je veux parler de ce que l’on aime vraiment dans une maison. Chaque famille a ses préférences. Je peux, par exemple, vouloir un sous-sol très spacieux. Pour quelqu’un d’autre, ce sera une salle de bains communicante ou un espace habitable dans les combles, etc.
Mais, parfois, on ressent une pression sociale en pensant que la maison doit posséder certaines commodités. Vous n’en avez peut-être pas besoin – ça peut-être un sous-sol entièrement aménagé, par exemple – mais vous avez l’impression qu’il vous en faut un. Ce peut être pour votre usage personnel ou parce que vous croyez que ça facilitera la revente dans cinq ans. Du coup, vous êtes convaincu qu’il vous faut un sous-sol aménagé. Et, en fin de compte, vous offrez trop en exagérant la valeur d’une caractéristique qui n’en a pas tant pour vous.
On a aussi tendance à croire que l’on va récupérer tout l’argent investi à la revente, comme si on allait remettre la maison en vente l’année suivante. Si vous y habitez durant 20 ans, ou du moins que vous en avez l’intention, autant vous donner le confort que vous appréciez. Ce sont des aspects dont il faut être conscient en réfléchissant à ses besoins réels.
On peut aussi prendre le contrepied de la situation. Parfois, on pense être le perdant d’une offre refusée. Mais, il faut surtout éviter d’être le perdant d’une offre acceptée. Les économistes parlent de la malédiction du vainqueur.
Vous êtes maintenant propriétaire de la maison. Qu’est-ce que ça veut dire? Simplement, que vous avez offert plus que tout le monde. Vous vous dites que vous avez peut-être payé trop cher. Parce que si personne n’a égalé votre offre, il se peut que la maison ne valait pas tant. Vous pouvez donc perdre en remportant la mise. Cet exemple permet de voir l’envers de la médaille et devrait vous inciter à faire preuve de plus de prudence durant la négociation.
Excellents conseils. J’invite tout le monde à regarder la vidéo avant de présenter une offre d’achat. Merci beaucoup, Nico.
Bonne chance...
Et, si vous avez une question, envoyez-nous un courriel à moneytalk@td.com en indiquant en objet « Question pour Parlons Argent ». Nous trouverons la personne capable d’y répondre. Consultez ensuite MoneyTalkGo.com pour afficher votre question et bien d’autres à propos de la vie financière.
[TRAME MUSICALE]