Comment la pandémie de COVID-19 influence-t-elle nos décisions financières? Tout indique que la situation a entraîné un boom immobilier en région rurale. Certaines personnes ont plutôt fait des achats importants, effectué des rénovations ou même eu recours à la chirurgie esthétique. Kim Parlee et Nico Lacetera, professeur au centre Behavioural Economics in Action at Rotman (BEAR) de l’Université de Toronto, discutent des raisons qui nous poussent à prendre des décisions plus impulsives (et plus coûteuses) en période de confinement.
La pandémie de COVID-19 fait en sorte que de nombreuses personnes prennent du recul pour réévaluer leur vie et faire des changements. Pour certains, ça veut dire quitter la ville. Pour d’autres, c’est faire un achat important ou de grandes rénovations. Il y en a même qui se font faire des chirurgies esthétiques.
Mais est-ce que c’est le bon moment pour prendre de grandes décisions comme ça? Je reçois Nico Lacetera, professeur de gestion à l’Université de Toronto et au centre de recherche Behavioural Economics in Action at Rotman. Il se joint à nous pour répondre à la question Parlons argent du jour.
Nico, voici la question. « Je viens de faire un très gros achat impulsif. Pourquoi j’ai fait ça? »
Dans le contexte actuel, il peut y avoir plusieurs raisons de faire de tels achats et de constater par la suite qu’il s’agit d’achats impulsifs. On est tous un peu épuisés à cause de la situation. On reçoit des renseignements de partout. On s’inquiète pour la santé, le travail.
Il y a toujours bien une limite à la quantité d’information que le cerveau peut traiter. Parfois, c’est comme une surcharge d’information qui nous empêche de réfléchir clairement à ce dont on a réellement besoin. Ça peut nous mener à trop dépenser.
Ça peut aussi être l’inverse avec ce qui se passe en ce moment. On s’ennuie à rester à la maison, on s’ennuie des amis et de la famille. Faire un gros achat, ça peut être une façon de casser la routine. Mais c’est un plaisir de courte durée. On finit par se rendre compte qu’on n’avait pas besoin de dépenser autant.
Ça peut aussi être ce qu’en science du comportement on appelle la comptabilité mentale. Je vais vous donner un exemple.
Supposons que j’épargne pour un gros voyage, des vacances, depuis 18 mois. J’y suis presque, mais la pandémie éclate. Je ne peux plus voyager. Supposons que j’ai accumulé environ 10 000 $ dans mon compte. Et là, tout à coup, je ne peux pas l’utiliser pour ce que je voulais.
Le montant perd alors une certaine valeur à mes yeux. Ça ne vaut plus 10 000 $. Ça vaut peut-être un peu moins à mes yeux. J’ai donc l’impression que je peux le dépenser pour d’autres choses, selon la valeur que je lui donne. Ça peut faire en sorte que je dépense plus que ce que j’aurais dépensé dans un autre moment. Toutes ces tendances peuvent faire en sorte qu’on dépense trop durant cette période.
Je crois que bien des gens ont dû annuler leurs voyages et pensent comme ça, y compris moi. Dites-moi, pourquoi est-ce qu’on fait ça? Est-ce simplement que nos cerveaux sont programmés pour penser à court terme? On ne pense pas aux conséquences à long terme? Pourquoi?
Oui, c’est possible. Peut-être à cause de l’incertitude. On ne pense pas à ce que l’avenir nous réserve. Par exemple, une autre tendance étudiée par les universitaires, c’est le biais de projection. On pourrait surévaluer l’importance de la situation actuelle. On pourrait penser que le monde va être comme ça pendant très longtemps, et prendre des décisions en pensant que c’est la nouvelle normalité, pour toujours.
Par exemple, tout à coup, je commence à travailler de la maison, donc je n’ai plus besoin de me déplacer. Ça pourrait me donner envie de déménager à la campagne, par exemple. Ou je pourrais vouloir faire des travaux chez moi vu que j’y passe beaucoup de temps. Ça peut être de rénover le sous-sol ou d’acheter un appareil de conditionnement physique qui coûte cher et qui prend beaucoup d’espace. Ce n’est donc pas qu’une question d’argent. C’est aussi une question d’espace, qui est un coût, comme l’argent.
Éventuellement, la pandémie va se terminer et là, tout à coup, je suis à 50 kilomètres du bureau et je dois recommencer à me déplacer. Aussi, ma maison est pleine de choses que je n’ai plus le temps d’utiliser. C’est là qu’on se rend compte qu’on a peut-être exagéré en pensant seulement à court terme et en pensant que les choses resteraient toujours comme ça. Ce sont des conséquences possibles de ces genres d’achats.
Je pense que c’est ça que je vais répondre aux personnes qui me demandent pourquoi je ne fais pas plus la cuisine et pourquoi je n’ai pas appris à mieux cuisiner. Je vais leur dire d’arrêter les biais de projection. Je n’ai pas besoin de le faire. Les choses vont revenir à la normale.
Mais, sérieusement, comment fait-on pour éviter de prendre de très mauvaises décisions, comme dépenser beaucoup d’argent? Comment fait-on pour ne pas tomber dans le piège?
Une des manières est de faire de l’introspection. C’est ce que je fais ces temps-ci, peut-être parce qu’on a plus de temps libre.
C’est un bon moment pour réfléchir à ce qui est vraiment important dans notre vie, comme la famille, la santé. On peut prendre un peu de recul pour penser à nos réels besoins dans le moment présent. Il faut s’arrêter pour respirer et réfléchir avant de faire de gros achats ou de prendre de grosses décisions.
Il pourrait être utile non seulement de remettre en perspective votre vie, mais aussi l’importance d’un appareil de conditionnement ou de travaux de rénovation coûteux.
Ce sont d’excellents conseils, Nico. Merci beaucoup d’avoir été des nôtres aujourd’hui.
Ça m’a fait plaisir.
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