
Après plusieurs années de retard en raison de décisions des tribunaux et de l’opposition de groupes de revendication au Canada et à l’étranger, pourrait-il y avoir de la lumière au bout du tunnel pour la construction des trois plus importants oléoducs canadiens? James Hunter, analyste à Infrastructures mondiales, Gestion de Placements TD, fait le point sur la situation des oléoducs et sur les répercussions pour l’industrie en général.
Oui, ça a beaucoup bougé au cours des deux derniers mois. Comme vous l’avez mentionné, à la fin de mars, TC Energy annonçait l’approbation du projet Keystone XL. Honnêtement, c’était une grande surprise pour le marché, parce que c’était un projet énorme... 12,5 G$ pour mener le pétrole de l’Alberta vers la côte américaine du Golfe du Mexique. Ça augmenterait en fait de 20 % la capacité d’exportation par pipelines du Canada. Ce serait donc un projet très important. Pour cette raison, le gouvernement de l’Alberta appuie fortement le projet en investissant des capitaux propres et en contribuant au financement de la construction.
Mais quelques semaines seulement après l’annonce initiale, malheureusement, un juge du Montana a bloqué un permis visant la traversée d’une rivière. Essentiellement, ça interrompt la construction pour l’instant. Et l’enthousiasme initial suscité par le projet s’est vraiment estompé. Je pense que le combat ne fait que commencer et que le processus durera plusieurs années.
Mais il y a deux autres projets d’oléoduc en plus de celui de Keystone XL. Pouvez-vous nous rappeler ce qu’ils sont et comment les choses se déroulent?
Bien sûr. On a un beau tableau, ici, pour résumer ça. Le premier, c’est le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain. C’est un projet du gouvernement du Canada qui permettrait de transporter le pétrole d’Edmonton à Vancouver. La Colombie-Britannique s’y oppose depuis plusieurs années. Mais en janvier de cette année, la Cour suprême du Canada a rejeté l’appel de la province à l’égard de la décision finale. Le projet de construction ira donc de l’avant. Mais ce n’est pas chose faite, parce que certains groupes s’y opposent encore.
Le gouvernement fédéral appuie fortement le pipeline, et espère vraiment qu’il sera construit d’ici 2022. L’autre projet est celui du remplacement de la canalisation 3 d’Enbridge... Un projet un peu plus petit, mais qui, encore une fois, permettrait de transporter le pétrole canadien de l’Alberta vers les Grands Lacs, au Wisconsin. La portion canadienne du pipeline est en fait terminée; il ne reste que les dernières étapes de la délivrance des permis au Minnesota; et on s’attend à ce que ça se concrétise cette année et que la construction se fasse rapidement l’année prochaine.
Eh bien, vous avez mentionné certains des défis liés à la construction de ces pipelines. Selon vous, quel projet se réalisera vraiment? Et qu’est-ce que ça signifierait pour le secteur?
Eh bien, je pense que ce sera le remplacement de la canalisation 3. Et c’est surtout parce que le processus d’octroi de permis est pratiquement fini et que le projet n’a pas été aussi controversé que les autres. Ça devrait avoir des effets positifs sur le profil de bénéfices d’Enbridge. Je pense que le marché serait vraiment confiant que l’entreprise sera en mesure d’augmenter ses dividendes au fil du temps, qui, à environ 7 %, sont déjà assez bons. Je crois que le projet le moins susceptible d’aller de l’avant sera celui de Keystone XL. C’est devenu un sujet beaucoup trop politisé.
Même la construction d’un seul oléoduc serait bonne pour les producteurs de pétrole et de gaz pour la simple raison que la capacité de leurs pipelines actuels ne suffit pas pour acheminer leurs ressources vers les marchés. L’excédent, d’environ 250 000 barils par jour, est actuellement transporté par train. La construction d’un seul de ces pipelines permettrait de corriger le déséquilibre et mènerait à une hausse des prix du pétrole au Canada.
Pourquoi, du point de vue des investisseurs, importe-t-il que ces projets se réalisent? Qu’est-ce que ça signifie pour les investisseurs?
Je pense que la construction de certains pipelines serait très positive. Voici pourquoi : Non seulement les producteurs de pétrole et de gaz obtiendraient-ils ainsi un accès indispensable aux marchés, mais ils pourraient entreprendre de nouveaux projets de croissance avec plus de confiance. Ce qui, en retour, permettrait à Enbridge et à TC Energy d’augmenter leurs dividendes, qui devraient atteindre 5 % et 7 % à long terme. Il y a donc cette relation symbiotique où les producteurs bénéficieraient de meilleures conditions économiques et où les pipelines contribueraient à hausser significativement les dividendes pour les investisseurs.
James, j’aimerais changer légèrement de sujet. Quels effets pourrait avoir la récente situation entre l’OPEP et ses alliés sur la conclusion de ces projets?
Le prix des produits de base pourrait faiblir si la baisse de production de l’OPEP était insoutenable en raison de la hausse unilatérale de la production de certains pays membres. Mais aucun des projets dont on a parlé ne serait vraiment menacé, même si le prix du pétrole redescend à, disons, 20 $ le baril. Selon moi, les producteurs ont trop besoin de ces pipelines dont la capacité serait totalement mise sous contrat auprès de ceux-ci. Et, continuer de transporter le pétrole par train, ça coûte plus cher et c’est moins sécuritaire que les pipelines. Je crois donc que les effets de l’évolution de la situation à l’OPEP seront minimes.
En fonction de tout ça, qu’est-ce que les investisseurs devraient surtout retenir ou savoir?
Je pense qu’ils ne doivent pas s’attendre à voir ces pipelines à court terme. Le processus de construction prend beaucoup de temps. Ils doivent être patients et se concentrer sur la perception de leurs dividendes... Il faut attendre avant d’avoir un résultat plus favorable.
James, merci d’avoir participé à cette webdiffusion.
Merci, Anthony. Ça m’a fait plaisir.
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