
Le nouveau plan quinquennal de la Chine comprend l’atteinte d’une « saine » croissance axée sur les technologies, l’innovation et l’environnement. Kim Parlee et Haining Zha, vice-président et gestionnaire de portefeuille, Gestion de Placements TD, discutent de ce que cela pourrait signifier pour la croissance mondiale et les occasions de placement.
Pour vous mettre en contexte, le gouvernement chinois a récemment publié son 14e plan quinquennal et ses objectifs à long terme jusqu’en 2035. Habituellement, dans le passé, il y avait toujours un taux cible de croissance dans le document, mais pas cette fois-ci. Et la raison en est très simple. Après 20 ans de croissance très élevée, la Chine s’est rendu compte qu’à ce stade, la qualité et la durabilité de la croissance sont beaucoup plus importantes que la quantité elle-même. Une trop grande importance accordée à la quantité pourrait entraîner une croissance excessive de la dette, une hausse des coûts environnementaux et un manque de motivation pour réformer et innover. C’est pourquoi elle ne veut pas donner de chiffres précis pour ses objectifs.
Qu’est-ce que cela signifie en termes de ce que vous pouvez mesurer? Elle a parlé de technologie et d’innovation, qui sont des moteurs clés. Elle veut accroître la recherche et le développement en pourcentage du PIB. Est-ce que ça signifie qu’elle investira davantage dans la technologie? Et je m’avance encore un peu plus... Est-ce que ça signifie un protectionnisme plus important dans le secteur des technologies, alors qu’elle tente de développer sa propre technologie?
En fait, il est clair que la Chine ne veut pas de protectionnisme. Cela dépend vraiment des mesures que prend le gouvernement américain et de sa position. Sur le plan technologique, la croissance de la Chine entraînera une forte demande de produits technologiques. Par exemple, ses importations annuelles de semi-conducteurs s’élèvent à plus de deux cents milliards de dollars. S’il y a une barrière artificielle à la vente de ces produits en Chine, cela créera naturellement des occasions pour les sociétés chinoises. Dans une économie de libre-échange où il y a très peu d’interventions gouvernementales, ce genre d’occasions peut difficilement exister, car les nouveaux participants doivent faire de gros investissements et il est probable que leur produit initial soit de moindre qualité. C’est vraiment une politique protectionniste qui peut créer de nouvelles occasions pour ces sociétés. Si vous considérez qu’il s’agit d’une menace, oui, d’une perte potentielle de revenus et d’une part de marché, cela représente une menace pour les sociétés technologiques américaines et d’ailleurs.
Que veut-elle dire par « pays modérément développé d’ici 2035 »? Elle est déjà la deuxième économie en importance dans le monde. Qu’entend-on par « modérément développé » en ce qui a trait au PIB par habitant, et qu’est-ce qu’on utilise pour mesurer ça?
Oui. Si vous lisez le document, l’indice le plus direct de la cible de croissance est probablement le fait qu’on s’attend à ce que le PIB par habitant passe à une autre étape importante d’ici 2035. Encore une fois, c’est très vague. Qu’est-ce que ça signifie? Selon nos données, le PIB chinois par habitant est actuellement d’environ 10 000 dollars américains, et le seuil pour les économies développées est d’environ 30 000 dollars américains. D’un point de vue réaliste, une autre étape importante signifie simplement que d’ici 2035, le PIB atteindra 20 000 dollars américains, ce qui signifie un taux de croissance annuel de 4,7 %. C’est un taux inférieur à ce que c’était dans le passé, mais c’est encore beaucoup plus élevé que celui des économies développées, qui affichent essentiellement une tendance de croissance entre 1 % et 2 %.
Y a-t-il quelque chose qui pourrait faire dérailler cette croissance de 4,7 % à long terme?
Oui. Nous surveillons de très près trois risques extrêmes. Le premier est le risque géopolitique. À court terme, Trump pourrait faire quelque chose de très dommageable pour les relations entre les États-Unis et la Chine avant la fin de son mandat. Par exemple, il y a quelques jours, il a publié un décret qui interdira aux sociétés et aux particuliers américains d’investir dans certaines sociétés chinoises. Le décret entrera en vigueur en janvier. Nous verrons ensuite si le décret sera toujours valide sous la nouvelle administration. À moyen et à long terme, l’orientation future des relations entre les États-Unis et la Chine sera dictée par le prochain président américain. Si Biden devient président des États-Unis, on s’attend à ce qu’il continue de traiter la Chine comme un concurrent stratégique. Mais sur de nombreux autres fronts, par exemple les tarifs douaniers ou les changements climatiques, il sera un acteur beaucoup plus rationnel et pourrait en fait établir une meilleure relation de travail avec la Chine. Le deuxième risque extrême que nous surveillons est le marché immobilier en Chine. Vous savez, en août, les organismes de réglementation chinois ont publié des lignes directrices très strictes visant à réduire l’effet de levier des sociétés immobilières en Chine. Ils ont établi des limites très claires en fonction de divers paramètres fondamentaux. Selon nos recherches, la plupart des sociétés immobilières sont toujours non conformes. L’actif total de ces sociétés non conformes s’élève en fait à 20 billions de yuans, ce qui signifie que l’an prochain, des pressions pourraient s’exercer sur les placements immobiliers, ce qui pourrait freiner la croissance du PIB. Le troisième risque extrême que nous surveillons est, bien sûr, le niveau d’endettement élevé en Chine. L’endettement macroéconomique de la Chine est d’environ 270 % du PIB. La composante la plus vulnérable, c’est l’endettement des sociétés, l’endettement des sociétés non financières. Au cours des dernières semaines, nous avons constaté des cas de défaut de paiement sur le marché chinois des obligations de sociétés, ce qui reflète certainement le problème d’endettement. Le gouvernement laisse aussi entendre qu’il va réduire la garantie implicite et le risque moral et qu’il laissera le marché fonctionner.
Haining, nous allons devoir nous arrêter ici.
C’est toujours un plaisir.
Merci pour vos explications.
Merci de m’avoir invité.