Dans bien des régions du Canada, le mariage invalide automatiquement tout testament antérieur. Mais, en Ontario, un changement juridique adopté en janvier souligne la nécessité de revoir les lois sur les successions au pays. Kim Parlee et Pierre Letourneau, planificateur pour les clients à valeur nette élevée, Gestion de patrimoine TD, discutent des conséquences de la nouvelle règle et rappellent pourquoi les couples doivent plus que jamais tenir à jour leurs testaments.
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Si vous projetez un premier ou un second mariage bientôt, ouvrez bien les oreilles. Saviez-vous que dans bien des régions du Canada, le mariage annule automatiquement tout testament antérieur? Si vous vous marriez et que vous décédez avant de rédiger un nouveau testament, vous risquez de vous trouver en fâcheuse position, mais c’est surtout le cas de votre famille et de vos proches. Cependant, en Ontario, une nouvelle loi s’apprête à entrer en vigueur qui pourrait changer la donne dans la province et partout au pays.
Je vous propose d’écouter ce qu’en pense Pierre Letourneau, planificateur pour les clients à valeur nette élevée, Gestion de patrimoine TD. Bonjour, Pierre. C’est toujours un plaisir de vous recevoir. Pourriez-vous expliquer ce que la loi précédente prévoyait pour les testaments et ce que la réforme apporte.
Bien sûr. Merci de votre invitation, Kim. Avant la modification de la loi en Ontario, tout testament rédigé avant le mariage était annulé, c’est-à-dire qu’il n’était plus valide. La règle prévoyait des exceptions qui se limitaient en réalité à quelques cas. Si aucune exception ne s’appliquait et que vous décédiez sans avoir mis à jour votre testament après le mariage, vous mourriez intestat, c’est-à-dire. sans testament. Par conséquent, toute la planification successorale effectuée auparavant ne servait plus à rien.
En vertu de la réforme entrée en vigueur le 1er janvier de cette année, le mariage ne révoque plus le testament. Tout testament antérieur au mariage y survit. L’Ontario est la quatrième province à adopter cette modification et à abroger cette règle. La Colombie-Britannique, l’Alberta et la Saskatchewan l’ont déjà fait. À noter que cette règle ne s’est jamais appliquée au Québec; la question ne se pose donc pas.
Est-ce à dire que les autres provinces avaient des lois similaires à celle de l’Ontario et qu’elles les ont modifiées?
Oui, toutes les autres provinces, sauf le Québec et les territoires, avaient des lois similaires. Je n’ai nommé que quelques provinces; certaines autres n’ont pas encore changé cette règle.
Est-ce là-dessus que porte l’ensemble de la réforme? Je crois comprendre que le projet de loi était plus vaste et qu’il allait toucher les couples divorcés et séparés du point de vue du droit successoral. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur les autres changements?
Oui. Il s’agit d’une modification précise au sein d’une réforme plus vaste du droit des successions en Ontario. L’une de ces modifications vise les conjoints mariés qui se sont séparés. Le divorce ou la séparation ne révoque pas le testament. Par contre, le divorce annule les legs à un conjoint prévus par testament. Le divorce révoque aussi la désignation du conjoint à titre de liquidateur d’un testament, en plus d’annuler ses droits accordés par la succession dans le cas d’un décès sans testament. Ce régime prévalait encore en Ontario.
Les nouvelles règles s’appliquent maintenant aux conjoints mariés qui se sont séparés. Avant la modification, si un couple se séparait, les anciens conjoints avaient encore droit à la succession de l’autre advenant son décès sans testament. En Ontario, les règles sur la succession ab intestat permettent à un conjoint d’hériter d’au moins la première tranche de 350 000 $ de la succession. Cette modification des règles est donc majeure pour les couples séparés.
Aussi, la loi rend permanente la pratique des témoins virtuels pour les testaments et les procurations, une mesure temporaire adoptée en raison de la COVID-19 et des règles de distanciation physique. Cette pratique devient donc permanente. L’Ontario emboîte le pas à la Colombie-Britannique, où la pratique est permanente depuis août 2020.
Et, finalement, l’Ontario applique des règles strictes liées à l’exécution d’un testament afin qu’il soit valide. Auparavant, ne pas respecter ces exigences pouvait faire en sorte que le testament soit réputé non valide. La nouvelle loi permet à un juge de déterminer si un testament répond aux règles minimales nécessaires pour être valide. Cette modification assouplit grandement la règle précédente, qui obligeait à remplir tous les critères pour que le testament soit réputé valide.
Quelles raisons ont motivé l’adoption de ce projet de loi et de tous ces changements? Pourquoi modifier les lois?
Je pense que la raison principale de ces changements repose sur la volonté de mieux adapter la loi au mode de vie en 2022 et d’améliorer l’accès à la justice dans la province. Dans les cas de séparation, bien des couples qui vivent cette situation ne donnent pas nécessairement suite à leur intention de divorcer. Ils ne se rendent pas jusque-là.
De toute évidence, les règles précédentes ne protégeaient pas les couples, surtout s’ils n’avaient pas non plus mis à jour leur testament. De la sorte, l’ancien conjoint pouvait hériter d’une part importante de la succession de l’autre, dont ce n’était pas l’intention. La nouvelle règle vient protéger ces personnes et,
du point de vue de la présence virtuelle des témoins pour les testaments et les procurations, on peut comprendre que cette pratique facilitera la vie de ceux qui vivent en région éloignée dans la province ou qui éprouvent des problèmes de mobilité. Ils auront accès plus facilement aux services juridiques. En ce qui a trait à la règle qui révoquait un testament après le mariage, elle avait été instaurée afin de protéger un nouveau conjoint à l’occasion d’un remariage.
Ce nouveau conjoint ne figurait sans doute pas dans un testament précédent rédigé par l’autre membre du couple. La règle permettait de protéger le nouveau conjoint en révoquant tout conjoint précédent. Et, s’il n’y avait pas de testament, le nouveau conjoint avait au moins droit à une part d’héritage en vertu des règles sur la succession intestat.
Malheureusement, on constate une hausse des mariages de prédation dans les provinces qui appliquent encore cette règle. Les prédateurs financiers profitent de cette règle. Ils marient des conjoints qui sont plus vulnérables ou âgés et se servent de cette règle pour avoir accès à une part de la succession du conjoint à son décès. La modification visait à protéger les conjoints vulnérables ou âgés qui peuvent être la cible de ces prédateurs financiers.
Pierre, il nous reste environ 30 secondes. Quels derniers aspects faut-il prendre en compte?
Je crois qu’il faut surtout retenir l’importance de réviser son testament, surtout pour ceux qui sont touchés par les nouvelles règles. Toute personne qui se marie cette année ou ultérieurement doit songer à mettre à jour son testament. Si vous êtes séparé et que vous voulez tout de même que votre ancien conjoint reçoive votre succession, veillez à rédiger un nouveau testament qui reflète cette volonté parce que les nouvelles règles modifient cette conséquence.
Et je recommande à tous, même ceux qui ne sont pas touchés par ces règles, de revoir leur testament tous les trois à cinq ans – c’est important. Votre situation risque de changer au fil des années. Votre testament doit donc refléter vos volontés.
Vous avez raison. Les quelques efforts consacrés maintenant épargnent bien des difficultés plus tard. Le temps file en agréable compagnie, Pierre. Merci beaucoup.
Je vous en prie.
[TRAME MUSICALE]
Je vous propose d’écouter ce qu’en pense Pierre Letourneau, planificateur pour les clients à valeur nette élevée, Gestion de patrimoine TD. Bonjour, Pierre. C’est toujours un plaisir de vous recevoir. Pourriez-vous expliquer ce que la loi précédente prévoyait pour les testaments et ce que la réforme apporte.
Bien sûr. Merci de votre invitation, Kim. Avant la modification de la loi en Ontario, tout testament rédigé avant le mariage était annulé, c’est-à-dire qu’il n’était plus valide. La règle prévoyait des exceptions qui se limitaient en réalité à quelques cas. Si aucune exception ne s’appliquait et que vous décédiez sans avoir mis à jour votre testament après le mariage, vous mourriez intestat, c’est-à-dire. sans testament. Par conséquent, toute la planification successorale effectuée auparavant ne servait plus à rien.
En vertu de la réforme entrée en vigueur le 1er janvier de cette année, le mariage ne révoque plus le testament. Tout testament antérieur au mariage y survit. L’Ontario est la quatrième province à adopter cette modification et à abroger cette règle. La Colombie-Britannique, l’Alberta et la Saskatchewan l’ont déjà fait. À noter que cette règle ne s’est jamais appliquée au Québec; la question ne se pose donc pas.
Est-ce à dire que les autres provinces avaient des lois similaires à celle de l’Ontario et qu’elles les ont modifiées?
Oui, toutes les autres provinces, sauf le Québec et les territoires, avaient des lois similaires. Je n’ai nommé que quelques provinces; certaines autres n’ont pas encore changé cette règle.
Est-ce là-dessus que porte l’ensemble de la réforme? Je crois comprendre que le projet de loi était plus vaste et qu’il allait toucher les couples divorcés et séparés du point de vue du droit successoral. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur les autres changements?
Oui. Il s’agit d’une modification précise au sein d’une réforme plus vaste du droit des successions en Ontario. L’une de ces modifications vise les conjoints mariés qui se sont séparés. Le divorce ou la séparation ne révoque pas le testament. Par contre, le divorce annule les legs à un conjoint prévus par testament. Le divorce révoque aussi la désignation du conjoint à titre de liquidateur d’un testament, en plus d’annuler ses droits accordés par la succession dans le cas d’un décès sans testament. Ce régime prévalait encore en Ontario.
Les nouvelles règles s’appliquent maintenant aux conjoints mariés qui se sont séparés. Avant la modification, si un couple se séparait, les anciens conjoints avaient encore droit à la succession de l’autre advenant son décès sans testament. En Ontario, les règles sur la succession ab intestat permettent à un conjoint d’hériter d’au moins la première tranche de 350 000 $ de la succession. Cette modification des règles est donc majeure pour les couples séparés.
Aussi, la loi rend permanente la pratique des témoins virtuels pour les testaments et les procurations, une mesure temporaire adoptée en raison de la COVID-19 et des règles de distanciation physique. Cette pratique devient donc permanente. L’Ontario emboîte le pas à la Colombie-Britannique, où la pratique est permanente depuis août 2020.
Et, finalement, l’Ontario applique des règles strictes liées à l’exécution d’un testament afin qu’il soit valide. Auparavant, ne pas respecter ces exigences pouvait faire en sorte que le testament soit réputé non valide. La nouvelle loi permet à un juge de déterminer si un testament répond aux règles minimales nécessaires pour être valide. Cette modification assouplit grandement la règle précédente, qui obligeait à remplir tous les critères pour que le testament soit réputé valide.
Quelles raisons ont motivé l’adoption de ce projet de loi et de tous ces changements? Pourquoi modifier les lois?
Je pense que la raison principale de ces changements repose sur la volonté de mieux adapter la loi au mode de vie en 2022 et d’améliorer l’accès à la justice dans la province. Dans les cas de séparation, bien des couples qui vivent cette situation ne donnent pas nécessairement suite à leur intention de divorcer. Ils ne se rendent pas jusque-là.
De toute évidence, les règles précédentes ne protégeaient pas les couples, surtout s’ils n’avaient pas non plus mis à jour leur testament. De la sorte, l’ancien conjoint pouvait hériter d’une part importante de la succession de l’autre, dont ce n’était pas l’intention. La nouvelle règle vient protéger ces personnes et,
du point de vue de la présence virtuelle des témoins pour les testaments et les procurations, on peut comprendre que cette pratique facilitera la vie de ceux qui vivent en région éloignée dans la province ou qui éprouvent des problèmes de mobilité. Ils auront accès plus facilement aux services juridiques. En ce qui a trait à la règle qui révoquait un testament après le mariage, elle avait été instaurée afin de protéger un nouveau conjoint à l’occasion d’un remariage.
Ce nouveau conjoint ne figurait sans doute pas dans un testament précédent rédigé par l’autre membre du couple. La règle permettait de protéger le nouveau conjoint en révoquant tout conjoint précédent. Et, s’il n’y avait pas de testament, le nouveau conjoint avait au moins droit à une part d’héritage en vertu des règles sur la succession intestat.
Malheureusement, on constate une hausse des mariages de prédation dans les provinces qui appliquent encore cette règle. Les prédateurs financiers profitent de cette règle. Ils marient des conjoints qui sont plus vulnérables ou âgés et se servent de cette règle pour avoir accès à une part de la succession du conjoint à son décès. La modification visait à protéger les conjoints vulnérables ou âgés qui peuvent être la cible de ces prédateurs financiers.
Pierre, il nous reste environ 30 secondes. Quels derniers aspects faut-il prendre en compte?
Je crois qu’il faut surtout retenir l’importance de réviser son testament, surtout pour ceux qui sont touchés par les nouvelles règles. Toute personne qui se marie cette année ou ultérieurement doit songer à mettre à jour son testament. Si vous êtes séparé et que vous voulez tout de même que votre ancien conjoint reçoive votre succession, veillez à rédiger un nouveau testament qui reflète cette volonté parce que les nouvelles règles modifient cette conséquence.
Et je recommande à tous, même ceux qui ne sont pas touchés par ces règles, de revoir leur testament tous les trois à cinq ans – c’est important. Votre situation risque de changer au fil des années. Votre testament doit donc refléter vos volontés.
Vous avez raison. Les quelques efforts consacrés maintenant épargnent bien des difficultés plus tard. Le temps file en agréable compagnie, Pierre. Merci beaucoup.
Je vous en prie.
[TRAME MUSICALE]