
La combinaison des forces liées à la pandémie, de la demande démographique et des taux d’intérêt très bas a stimulé le marché du logement, qui ne montre aucun signe de ralentissement. Anthony Okolie et Rishi Sondhi, économiste, Groupe Banque TD, discutent du marché immobilier canadien.
Oui, je le pense, Anthony. Merci de m’avoir invité, encore une fois, en passant. Alors jusqu’à présent, en 2021, c’est ce qui s’est produit. Les ventes et les prix ont continué d’augmenter. Le contexte robuste qui a commencé au deuxième semestre de l’année dernière s’est poursuivi et s’est maintenu au début de cette année.
Cela dit, au second semestre de cette année, un peu plus tard dans quelques mois, nous prévoyons que les ventes vont diminuer un peu, tout comme les prix. Mais le niveau des ventes et le niveau des prix devraient rester élevés.
Donc, peut-être que les taux de croissance seront plus faibles et que les ventes et les prix vont diminuer légèrement au deuxième semestre de cette année, et peut-être au début de l’année prochaine. Mais le niveau des ventes, le niveau d’activité et le niveau des prix vont demeurer élevés. Donc, dans l’ensemble, les marchés sont toujours en hausse.
Oui, vous parlez du niveau des prix qui était élevé. Ils semblent monter en flèche. Le prix moyen d’une maison à Toronto a dépassé le million de dollars. Croyez-vous que cette situation sera durable à l’avenir?
Oui, nous pensons que ces niveaux vont se maintenir et qu’ils vont se poursuivre. Comme je l’ai mentionné, nous prévoyons un certain assouplissement des prix à l’avenir. Et cela dépend de certaines choses.
Tout d’abord, nous prévoyons que les ventes vont cesser de grimper au deuxième semestre de cette année, parce que les taux d’intérêt vont baisser par rapport à leurs creux records. Il y a quelques autres facteurs que je pourrais mentionner. L’un de ces facteurs, c’est que nous vendons beaucoup trop de maisons par rapport à ce que les fondamentaux, comme la population et le revenu des ménages, peuvent soutenir. On peut donc s’attendre à ce que cette source exerce des pressions à la baisse.
Enfin, les stocks sont extrêmement faibles par rapport à la tendance du rythme des ventes. Au rythme actuel des ventes records qu’on observe en ce moment, les stocks disponibles sur le marché seraient épuisés très rapidement. Il n’y a donc pas beaucoup d’offre sur le marché pour maintenir ce rythme de vente très robuste.
Nous nous attendons à un certain assouplissement, qui aura pour effet de réduire les prix, selon nous. À ça s’ajoute le fait que l’offre, selon nous, va augmenter un peu. Les gens vont donc... nous pensons que les gens vont mettre leurs maisons en vente plus souvent au cours de la deuxième moitié de l’année et même plus tôt, en fait, dans ce contexte de prix élevés.
Aussi, un des facteurs qui, selon nous, va ralentir les ventes à l’avenir, c’est que nous pensons qu’il va y avoir une rotation plus importante des condos. Nous pensons donc que les ventes de condos seront meilleures cette année qu’en 2020. Et comme les condos sont moins chers en moyenne, cela va peser sur les prix moyens.
Quels sont les facteurs qui contribuent à la vigueur des prix des logements?
Il y a quelques facteurs. J’aimerais tout d’abord mentionner qu’en janvier, les prix au Canada ont atteint un autre niveau record. Comme vous l’avez mentionné, le marché est très, très vigoureux. Quelques facteurs pourraient expliquer ça.
Selon nous, la croissance des ventes et la demande de logements ont été très, très fortes. Il y a eu un changement de préférence. Je pense que c’est une histoire assez bien connue à ce stade-ci. Mais c’est un élément important des prix, alors je le répète.
Il y a eu une forte demande de maisons isolées dans les marchés à l’extérieur des grands centres urbains, les zones de villégiature, etc. Et ces habitations sont généralement plus chères, elles ont tendance à faire grimper les prix moyens simplement parce qu’elles sont elles-mêmes plus chères en moyenne. C’est donc un autre facteur.
Le troisième facteur, c’est que les marchés sont extrêmement serrés du point de vue de l’offre et de la demande. C’est l’impact le plus marqué de l’histoire qu’on a vu. Encore une fois, l’offre est limitée. Ça signifie qu’il y a un plus grand nombre d’offrants qui font des offres d’achat pour une habitation donnée, en particulier du côté des maisons isolées.
Voyez-vous des facteurs défavorables potentiels au prix des maisons à l’avenir?
Oui. Je n’appellerais pas nécessairement ça des facteurs défavorables. Je dirais simplement qu’il y a plus de risques ou de facteurs potentiels. Je dirais que, selon nous, ça va éliminer une partie de l’avantage des hausses rapides des prix qu’on observe.
J’y ai déjà fait allusion. Mais, je le répète, nous pensons que l’offre va augmenter au cours des prochains mois. Cela s’explique par le fait que le contexte des prix est assez robuste, et nous pensons que les gens vont mettre en vente leurs propriétés pour tirer parti de ce contexte-là.
Un autre facteur, c’est qu’à mesure que les vaccins vont être donnés, nous pensons que les gens seront un peu plus à l’aise à mettre en vente leurs propriétés. Il y aura donc des pressions à la hausse sur l’offre. Comme je l’ai déjà mentionné, nous nous attendons à ce que les ventes cessent de grimper et restent élevées, évidemment. Particulièrement au deuxième semestre de cette année, car les taux d’intérêt grimpent en quelque sorte après les creux records, et les contraintes de l’offre pèsent sur le rythme des ventes.
Nous allons donc voir une diminution des ventes, combinée à une augmentation de l’offre. En même temps, nous pensons qu’il y aura une rotation de ce côté-là, ou du côté des condos de moindre valeur. Et la combinaison de ces nouveaux facteurs, selon nous, va éliminer une partie de l’influence qu’on observe actuellement sur le marché. Mais nous ne prévoyons pas du tout une chute des prix, ni quoi que ce soit du genre.
Enfin, d’après vos évaluations, quels sont les risques d’un éventuel effondrement du marché de l’habitation?
Eh bien, on ne peut jamais dire qu’il y a un risque zéro. Mais nous considérons que c’est un petit risque, un risque relativement faible, et il y a quelques facteurs qui expliquent ça, selon nous. Tout d’abord, nous pensons que la forte demande va provenir des simples données démographiques des pays. C’est un des facteurs.
Un autre facteur, c’est que nous nous attendons à ce que la croissance de la population s’accélère. Cela va stimuler le marché locatif, les loyers. Et c’est positif pour la demande des investisseurs dans les condos. C’est un autre des facteurs. Un troisième facteur, c’est que même si nous nous attendons à ce que les taux grimpent par rapport aux creux records, ils vont rester faibles, ce qui est généralement favorable. C’est encore un autre facteur.
Enfin, selon nos estimations, les ménages avaient acquis une épargne accumulée ou excédentaire d’environ 200 milliards de dollars, en date du dernier trimestre de l’année dernière. Les ménages canadiens ont donc en réserve une quantité importante de liquidités. Nous pensons donc qu’une partie de cet argent ira dans le marché de l’habitation, qu’il va servir aux mises de fonds, etc., ce qui va aider à réduire les risques d’un effondrement.
Rishi, merci beaucoup pour votre temps.
Merci, Anthony.
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