
Ne pouvant pas s’éloigner très loin de leur domicile, les Canadiens et Canadiennes ont beaucoup dépensé pour rénover leur maison. Anthony Okolie et Sri Thanabalasingam, économiste principal. Groupe Banque TD, discutent des facteurs qui influencent les dépenses liées aux rénovations résidentielles et des perspectives de croissance des dépenses au Canada.
- Sri, commençons par une vue d’ensemble. Dans votre dernier rapport sur les dépenses au Canada, vous dites que la croissance des dépenses a augmenté de 11,5 % en août pour s’établir à 13 % en septembre, en excluant les secteurs durement touchés comme les voyages, les transports, les loisirs et le divertissement.
Quelles sont les catégories qui sont à l’origine de ces dépenses?
- La vigueur observée en septembre provient principalement des catégories liées à la rénovation domiciliaire. On parle ici de mobilier, de matériel de rénovation et d’achats dans les centres de rénovation. Toutes ces catégories sont en hausse, d’environ 30 % sur 12 mois sur une base hebdomadaire moyenne. Et c’est ce qui explique la hausse des dépenses au cours des trois premières semaines de septembre.
ANTHONY OKOLIE : Pourquoi les dépenses liées à l’habitation sont-elles si élevées?
- Eh bien, ça nous ramène au marché du logement en plein essor. Le marché de l’habitation, comme vous le savez probablement, a été assez vigoureux durant les mois d’été en raison de l’absence d’un tel marché au printemps et pendant la période de confinement. Nous avions donc toute cette demande comprimée, et les préférences en matière de logement en temps de pandémie sont passées des tours d’habitation aux immeubles de faible hauteur. Le marché du logement est donc très vigoureux.
Et comme les gens veulent acheter une maison, ils veulent aussi la rénover, après l’avoir achetée. Et les gens qui cherchent à vendre leur maison la rénovent pour pouvoir en tirer un prix plus élevé. Tous ces facteurs jouent donc un rôle dans l’augmentation des dépenses liées au logement, et il y a aussi le fait que les gens ne peuvent pas partir autant de temps en vacances. Ils restent donc près de chez eux. Avec toutes ces économies-là, on observe une augmentation des dépenses liées au logement.
ANTHONY OKOLIE : Et lorsque vous parlez de cette augmentation des dépenses, quelles provinces ont enregistré l’augmentation la plus importante au cours de cette période?
- Au cours des trois premières semaines de septembre, c’est en Ontario qu’il y a eu la plus forte augmentation. La croissance des dépenses en Ontario est entrée en territoire positif pour la première fois depuis le début d’août, ce qui est probablement lié à la réouverture des commerces en Ontario. En chiffres absolus, le Québec demeure en tête pour ce qui est de la croissance des dépenses. La croissance de leurs dépenses est pratiquement revenue à ce qu’elle était avant la pandémie.
ANTHONY OKOLIE : Passons maintenant aux dépenses des entreprises. Quelles tendances observez-vous?
- Du côté des entreprises, la croissance des dépenses s’améliore. Elle est passée en territoire positif au début de septembre. Je crois que c’était la troisième fois depuis la fin du confinement. C’est donc une bonne nouvelle pour les perspectives de dépenses des entreprises. Par contre, ça demeure assez faible par rapport à ce que c’était avant la pandémie. Ça va peut-être prendre encore un certain temps avant que ça revienne comme au début.
ANTHONY OKOLIE : Alors, quelles sont vos perspectives de dépenses à l’avenir et voyez-vous des risques à court terme?
- Eh bien... Du côté des dépenses de consommation, la croissance ne sera probablement pas aussi forte que celle observée durant la période de reprise, ou de rebond. Au cours de cette période de rebond, nous avons eu une demande comprimée, dont une grande partie a été libérée durant les mois d’été. Maintenant que l’automne est là, cette demande comprimée se dissipe. Il y a donc encore beaucoup d’incertitude par rapport au virus. Étant donné que le taux d’infections au virus augmente et que nous entrons dans la deuxième vague, ça pourrait nuire à la reprise de la consommation, surtout si les provinces imposent des mesures plus strictes dans des secteurs incertains de l’économie.
Et les consommateurs et les entreprises pourraient aussi freiner leurs dépenses en raison de toute cette incertitude causée par le virus. C’est donc vraiment un risque à court terme. À moyen terme, le gouvernement fournit également des suppléments de revenu. Ils vont probablement prendre fin au début de l’année prochaine. Et s’ils viennent à échéance et que les taux de chômage sont encore assez élevés, cela pourrait aussi peser sur le profil de croissance de la consommation. On parle donc plus d’un risque à court ou à moyen terme.
ANTHONY OKOLIE : Sri, merci beaucoup pour vos explications.
- Merci, Anthony.
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