L’inflation canadienne a chuté à 2,5 % en juillet, son plus bas niveau depuis mars 2021. Robert Both, stratège principal, Macroéconomie au sein de Valeurs Mobilières TD, discute de ce que cela signifie pour les taux d’intérêt en prévision de la prochaine réunion de la Banque du Canada en septembre.
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L'inflation canadienne est tombée à deux et demis pour cent en juillet, atteignant son niveau le plus bas depuis plus de 3 ans. Cela ouvrira-t-il la porte à une nouvelle baisse des taux par la Banque du Canada en septembre? Robert Both, de Gestion de Patrimoine TD, nous rejoint pour en discuter. Bonjour, Greg. Ça me fait plaisir d'être de nouveau sur votre plateau. Deux et demis pour cent, on se rapproche de deux. Les marchés semblent satisfaits de ce rapport. Passons en revue le rapport sur l'inflation: contient-il des surprises? La tendance avait été à la baisse. Oui, comme vous l'avez dit au début, l'IPC global était conforme aux prévisions, conforme aux prévisions des marchés et aux nôtres. Mais les détails étaient un peu moins porteurs que prévu. Je fais allusion au fait que les mesures privilégiées de l'inflation de base, donc pour la Banque du Canada, se sont établies à 2,55 % en moyenne, l'une étant à 2,4 et l'autre à 2,7. Mais c'est un dixième de pour cent de moins que les marchés ne l'avaient prévu. Cela signifie que le taux d'inflation de base sur trois mois, que privilégie la Banque du Canada comme repère de la tendance inflationniste, semble avoir un peu reculé dans une plus grande mesure que nous ne l'avions prévu. Globalement, c'est très positif. Qu'est-ce qui a permis de réaliser cette amélioration depuis le mois dernier? Il s'agit de nombreux éléments cycliques dont on s'attendrait à ce qu'ils soient davantage sous pression: des éléments discrétionnaires, comme les véhicules à moteurs, les hôtels, les billets d'avion, les gros appareils électroménagers... Ce sont des secteurs dont on s'attendrait à ce qu'ils soient sous pression dans une phase inflationniste. C'est cela qui fait reculer l'inflation sur 12 mois et cela devrait inspirer davantage confiance à la Banque du Canada que l'on progresse vers la cible des 2 %. Quand on a parlé de l'inflation globale, quand on réduit les coûts de logement, on en est descendus à 1,2 %: C'était l'un des éléments que la Banque du Canada... sur lequel la Banque du Canada a souvent été interrogée. On lui demande si cela est important pour elle. L'inflation hors logement était à 1,2 %, contre 1,3 le mois dernier: pas un gros changement. Mais les coûts de logement eux aussi commencent à évoluer dans la bonne direction. Si vous considérez l'indice global, il a progressé davantage que celui hors logement. Il s'agit d'éléments qui montrent que l'augmentation des loyers ralentit, les coûts hypothécaires également. Tandis que l'écart entre le logement et tous les autres composants se rétrécit, il sera beaucoup plus facile de parvenir de 2,5 et de redescendre à 2,0. La Banque du Canada scrute certainement ce rapport. Dans deux semaines, trois semaines, début septembre, une annonce sera faite. Qu'est-ce que cela signifie pour la Banque du Canada? Après ces deux coupures de taux cet été, l'on s'est demandé s'il y en aurait ou non en septembre. Est-ce que cela change la donne? La Banque va scruter dans ce rapport les signes avant-coureurs de progrès en ce qui concerne les prix du logement. Elle va scruter les résultats plus modestes en ce qui concerne les indicateurs d'inflation de base privilégiés par la Banque. Ces deux facteurs vont lui permettre de tirer des conclusions quant à l'inquiétude en matière de persistance de l'inflation, en ce qui concerne le logement et les services de base, l'inquiétude à l'idée que ces deux secteurs pourraient entretenir une inflation plus élevée jusqu'à l'an prochain. Ces inquiétudes, dis-je, pourraient commencer à refluer. Les marchés avaient déjà prévu une réduction de 25 points de base en septembre. Donc, ils n'attendaient pas des éléments de preuve, des données probantes, mais cela va, je pense, achever de convaincre la Banque que cette trajectoire est toujours valable. Nous pensons que ce rapport va donner à la Banque le feu vert pour réduire les taux encore une fois en septembre. S'il y a une nouvelle réduction en septembre, il y aura eu 3 réductions de taux déjà accomplies. Que prévoit-on pour le reste de l'année? Nous prévoyons de réduction de taux en septembre, puis une réduction en octobre, soit 4 de suite, pour 100 points de base de réduction. Mais nous pensons toujours qu'il y aura une pause cette année. Nous prévoyons que cette pause intervienne en décembre. Notre pronostic antérieur la prévoyait en septembre. Mais nous pensons que même avec les progrès que nous avons constatés dans le rapport sur l'IPC paru aujourd'hui, les arguments en faveur d'une nouvelle réduction de taux ne sont pas nécessairement aussi invincibles que les marchés ne l'envisagent. On peut considérer que la croissance des salaires demeure assez élevée. Ou quelque peu élevée. Il y a certains secteurs de la corbeille des services qui sont toujours sous pression. Les attentes en matière d'inflation ont été quelque peu mitigées depuis quelques trimestres également. La Banque du Canada semble accorder beaucoup plus de poids à la capacité excédentaire sur le marché du travail. Cela devrait permettre d'aborder les pressions sous-jacentes persistantes qui s'exercent sur les prix. Mais globalement, l'objectif de 2 % est désormais visible. Nous avons franchi une nouvelle étape aujourd'hui, et nous pensons que cela va étayer la possibilité pour la Banque de réduire les taux en septembre et en octobre. Je ne vais pas parler d'anxiété, mais est-ce qu'il y a des inquiétudes persistantes quant à la Banque du Canada et sa crainte de se tromper? Vous avez parlé d'une réduction en septembre et en octobre. Lorsque l'inflation a commencé, les banques centrales l'ont déclarée transitoire, ensuite elles se sont efforcées de la réduire. Est-ce que vous pensez que l'inquiétude de la Banque à l'égard de la possibilité de faire une erreur s'estompe? Je pense que l'inquiétude de la Banque change d'objet. Elle est réorientée, si vous voulez. Quand il y a eu ses deux premières réductions de taux, de 5 à 4,75, et 4,75 à 4,5, il n'était pas encore certain que la Banque continuerait de réduire les taux jusqu'à ce que nous parvenions à un taux neutre. Il y a eu des périodes au printemps pendant lesquelles les pressions inflationnistes se sont manifestées très nettement. L'inflation de base a en fait augmenté nettement depuis le mois de mars, jusqu'au mois de mai. Alors, même alors que la première réduction de taux a été pratiquée par la Banque du Canada, l'on pouvait encore se demander s'il n'existait aucun risque que la Banque serait obligée de rehausser les taux une nouvelle fois. Toute possibilité de relance de l'inflation à partir d'ici prend un certain moment l'importance de la délibération de la Banque pour l'avenir. Ces délibérations vont vraisemblablement être reportées jusqu'en 2025. Et porteront sur la possibilité ou l'opportunité de nous arrêter à un taux neutre, ou si la Banque va envisager de franchir le seuil de la neutralité si l'inflation semble en bonne voie de se situer en deçà du seuil de 2 %, ce qui n'est pas notre scénario de base. Vous parlez du retour au taux neutre. Il n'est plus question d'enrayer l'économie pour juguler l'inflation. Il n'est pas non plus question de relancer une croissance trop lente. Où se situe le taux neutre? La Banque considère que le taux neutre s'établit à 2,75 %. En envisageant 2025 et 2026 à l'heure actuelle, les marchés envisagent un certain risque que l'on descende en-deçà du niveau neutre. La fin de la série de réductions de taux selon les marchés serait de 2 et demis pour cent. Nous pensons que le taux neutre serait de 3 %. La Banque a rehaussé le taux neutre de 2,5 à 2,75 % en mai de l'an dernier. Nous pensons qu'elle le rehaussera à 3 %. Mais on ne peut pas observer le taux neutre, nous saurons que nous y sommes une fois que nous y parviendrons.