
Les sociétés d’acquisition à vocation spécifique, communément appelées SAVS, ont connu une année record en 2020, amassant plus de fonds au cours de la dernière année que durant les dix dernières années combinées. Anthony Okolie s’entretient avec Anna Castro, gestionnaire de portefeuille principale, Gestion de Placements TD, pour savoir si le marché des SAVS peut continuer sur cette lancée en 2021.
L’an dernier, les sociétés d’acquisition à vocation spécifique, mieux connues sous le nom de SAVS, ont éclipsé les PAPE traditionnels, ce qui en dit long sur l’attrait d’accroître les liquidités et de conclure des transactions. Ma prochaine invitée est ici pour vous parler de ses perspectives à l’égard des SAVS et de ce qui nous attend en 2021. Je suis accompagné aujourd’hui d’Anna Castro, gestionnaire de portefeuille principale, Gestion de Placements TD. Anna, il y a eu un niveau d’activité élevé en ce qui concerne les SAVS. Vous attendez-vous à ce que cela se poursuive en 2021?
Bonjour, Anthony. Oui, vous avez raison. Ça a été une période intense d’investissement de fonds dans les SAVS, les PAPE et les fusions et acquisitions en général au cours de la dernière année. Je m’attends à ce que ça se poursuive en 2021. Et, comme vous l’avez dit, 2020 a été une année record, mais janvier 2021 est une autre période record avec le nombre d’émissions, presque au niveau de la moitié de l’année 2019.
D’accord. Alors qu’est-ce qui engendre cette activité? Qu’est-ce qui la déclenche? Quelle en est la cause?
D’abord et avant tout, les SAVS ont fourni aux investisseurs des moyens intéressants d’accéder à des placements privés, comme des rendements, des scénarios de croissance précoces et une protection contre les baisses dans la structure. Et pour les sociétés qui veulent être cotées en bourse, c’est devenu une solution de rechange rapide aux PAPE. Cette combinaison crée plus de transactions fructueuses qui sont très bien reçues par le marché, et le succès appelle le succès. Vous avez plus de choix, de promoteurs de qualité, de sociétés de capital-investissement, et des équipes de gestion qui dirigent ces transactions, et les bons rendements attirent également plus d’investisseurs. Donc des choix et de la liquidité, assurément.
Il y a aussi beaucoup de façons d’utiliser les SAVS maintenant, pour accéder à certaines occasions de croissance, ou des sociétés à forte croissance qui veulent être cotées en bourse. Et elles sont surtout concentrées dans quelques secteurs, comme les technologies automobiles, que ce soit les véhicules électriques ou les véhicules autonomes. Il y en a beaucoup d’autres qu’on perçoit comme des bénéficiaires des politiques de lutte contre les changements climatiques. Les technologies financières en sont un autre, et il y a aussi les jeux vidéo et les paris sportifs. Il y a bien sûr le commerce électronique et aussi quelques titres du secteur des soins de santé. L’autre aspect, mis à part... ces transactions sont bien accueillies par les investisseurs du marché qui apprécient cette forte croissance, c’est que vous avez des promoteurs et des équipes de gestion chevronnés des SAVS qui possèdent une expertise opérationnelle et financière, qui en sont à leur deuxième ou troisième SAVS. Au cours du dernier mois, on en a pu en voir des exemples, comme ce qui se passe avec Social Capital, qui, avec sa cinquième SAVS, a conclu une entente très médiatisée avec SoFi, une société de haute technologie, de technologie financière, je veux dire, en forte croissance.
Il y a aussi Bill Foley, un dirigeant très respecté du secteur des services financiers, qui a fait en sorte que Paysafe devienne cotée en bourse, une autre opération en matière de technologie financière très bien adaptée à son expérience. Et récemment, TPG, avec sa SAVS, a annoncé l’acquisition de EVBox, un chef de file de la technologie de recharge des véhicules électriques. En revanche, pour les investisseurs, cela demeure très intéressant, car les taux sont assez bas. La faiblesse des taux d’intérêt réduit le coût d’opportunité pour les investisseurs. Et dans une SAVS, vous pourriez avoir... vous avez un faible coût d’opportunité parce que les taux d’intérêt sont bas, mais vous avez la possibilité de participer à une opération avantageuse. Dans cette structure, le fait d’avoir cette option de rachat ou la possibilité de voter au moment de la conclusion d’une transaction, de choisir d’avoir des liquidités en fiducie et de récupérer votre capital ou de récupérer 10 $ est une option intéressante en cas de baisse.
Donc quels sont les avantages et les inconvénients d’investir dans les SAVS, par exemple, comparativement aux PAPE, les premiers appels publics à l’épargne?
C’est une excellente question, Anthony, parce qu’elles sont différentes d’un PAPE. Pour un investisseur, quand vous investissez dans un PAPE, vous connaissez la société en exploitation dans laquelle vous investissez. Vous savez ce qu’il faut analyser et ce que vous allez obtenir. Dans le cas d’une SAVS, lorsqu’une SAVS effectue un PAPE, aucune opération n’est effectuée. C’est littéralement un montant de 10 $ conservé dans une fiducie.
Et vous comptez sur... l’investisseur compte sur la capacité du promoteur et de l’équipe de gestion à conclure des transactions et à créer de la valeur. C’est seulement lorsqu’une transaction est annoncée qu’un investisseur peut vraiment apprécier, analyser et évaluer la société en exploitation et ce qu’il obtiendrait, et décider à ce moment-là s’il souhaite détenir des actions de cette nouvelle société ou conserver le montant de 10 $ en fiducie. Pour nous, la façon dont on voit les choses, c’est qu’on acquiert des SAVS de façon sélective en déposant 10 $ dans une fiducie, ou on les ajoute lorsqu’elles sont inférieures à ce montant conservé en fiducie.
Anna, compte tenu de tout ça, qu’est-ce que ça signifie pour les investisseurs?
C’est très important pour les investisseurs de demeurer très sélectifs. Il existe de nombreuses SAVS, plus de 200, qui sont en attente d’une transaction. Il y a beaucoup de capitaux à la recherche de transactions. Il est donc possible que certaines transactions ne se produisent pas ou ne soient pas bonnes. De toute façon, il y a toujours des gagnants et des perdants. Il faut donc faire très attention et se demander si ça cadre avec notre tolérance au risque. Pour ce qui est de notre processus de placement, comme vous l’avez mentionné, les SAVS sont très populaires et nouvelles pour 2020, mais elles ne sont pas nouvelles du tout.
Nous avons été parmi les premiers à les intégrer dans les portefeuilles. J’analyse les transactions de SAVS depuis près de 10 ans. De mon point de vue, les occasions de placement peuvent changer à mesure que les conditions du marché évoluent. Et c’est encore... le processus demeure sélectif, c’est encore une base de recherche, et c’est au cas par cas. On passe du temps à analyser la société, à rencontrer la direction, à comprendre l’entreprise, la stratégie, la transaction et l’évaluation. Au bout du compte, on doit évaluer la possibilité d’une hausse des rendements, et aussi gérer le risque.
Anna, merci beaucoup pour votre temps.
Merci de m’avoir invitée.
[MUSIQUE]