Les récentes fluctuations des marchés boursiers ont ébranlé les marchés mondiaux, dans un contexte d’inquiétudes suscitées par l’inflation, l’économie et les bénéfices. Greg Bonnell de MoneyTalk reçoit Emin Baghramyan, vice-président, directeur et chef, Gestion quantitative de portefeuille à Gestion de Placements TD. Il nous explique en quoi une approche de placement à faible volatilité peut contribuer à atténuer certains risques de marché.
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[LOGO SONORE] * Les investisseurs ont subi un épisode de volatilité bref mais spectaculaire cet été. Avec les événements importants qui se profilent à l’horizon, le contexte est-il favorable à une approche de placement à faible volatilité? Pour répondre à cette question, j’accueille Emin Baghramyan, vice-président et directeur, chef, Gestion quantitative de portefeuille à Gestion de Placements TD. Emin, c’est toujours un plaisir de vous recevoir. * Merci de m’accueillir, Greg. * On a connu un bref épisode de volatilité qui amène à s’interroger. Pourquoi est-il pertinent d’envisager une approche à faible volatilité, même si les marchés se sont fortement redressés? * Avant d’évoquer les raisons pour lesquelles le moment est bien choisi pour envisager une stratégie à faible volatilité, permettez-moi de rappeler très brièvement ce qu’est un placement à faible volatilité. C’est donc une stratégie qui consiste à rechercher des sociétés à faible risque qui sont généralement bien établies, qui affichent des bénéfices stables, en général dans des secteurs défensifs comme les biens de consommation de base, les services publics et les soins de santé. Le but est de générer des rendements ajustés au risque les plus élevés possibles. * La principale caractéristique d’un portefeuille composé de ce type d’actions, c’est de générer le plus de valeur ajoutée possible dans un contexte de volatilité élevée des marchés et de faible croissance économique. Ce qui m’amène à la première raison pour laquelle les investisseurs devraient envisager des stratégies à faible volatilité. * Si on examine l’état de l’économie mondiale, la Chine subit un repli de son marché immobilier. Les marchés émergents dont la Chine est le premier partenaire commercial écopent de la baisse de la demande chinoise. En Europe, au Royaume-Uni et même en Amérique du Nord, où la croissance des États-Unis surpasse de loin celle des autres grandes économies, on observe aussi de premiers signes de faiblesse économique pour la fin de 2024, à l’approche de 2025. * On peut débattre de l’éventualité d’un atterrissage brutal ou en douceur, mais on peut être sûrs que la croissance économique s’affaiblit dans le monde entier. Et l’histoire nous enseigne que dans ce type de contexte, les grands indices boursiers ne se portent pas bien. Les récessions et la faible croissance entraînent une forte correction des indices, voire des marchés baissiers. C’est donc la première raison pour laquelle les investisseurs devraient envisager d’adopter des stratégies à faible volatilité. * Deuxièmement, les grands indices boursiers affichent actuellement une concentration extrême dans un nombre très restreint de thèmes surtout liés à l’IA. J’ai apporté une diapositive pour le démontrer. Ce graphique montre que – Regardons d’abord la ligne violette. On voit que cinq titres du S&P 500 ou de l’indice MSCI Monde tous pays représentent à eux seuls plus du tiers du risque de l’indice. * Il s’agit en général de valeurs volatiles, d’actions technologiques à mégacapitalisation. La première zone ombrée représente le secteur des TI. Les autres lignes représentent le secteur des services de communication et celui de la consommation discrétionnaire. On sait que ce secteur est dominé par Amazon, Tesla et Netflix. Là encore, des actions liées aux TI. * On voit que 70 % du risque de l’indice provient de cette catégorie d’actions ou d’un très petit nombre de secteurs. L’histoire montre aussi qu’un tel niveau de concentration ne dure jamais longtemps. Les niveaux extrêmes de concentration dans les indices boursiers, comme on l’a vu dans les années 70 avec l’énergie, puis à la fin des années 90 avec la bulle du NASDAQ et enfin au milieu des années 2000 avec les valeurs financières, s’achèvent toujours par une déconcentration. * Personne n’a de boule de cristal pour prédire quand ça arrivera exactement. Mais cette concentration de l’indice nous indique qu’investir en bourse pour tenter de profiter de la prime de risque des actions n’est pas très efficace à l’heure actuelle. On a un indice pondéré en fonction de la capitalisation boursière. Les placements à faible volatilité offrent une meilleure approche pour traverser ce genre de tempête. * Parlons un peu de l’efficacité. D’après ce que je comprends, quand vous parlez des placements à faible volatilité, vous dites qu’il s’agit d’une stratégie efficace à plus long terme. * Oui, tout à fait. C’est une stratégie à plus long terme. Peu importe le moment où vous commencez à investir. Vous pouvez commencer dans une période faste ou dans un creux. Peut-être que ce marché très concentré offrira encore de bons rendements pendant plusieurs mois ou plusieurs trimestres. Ceci dit, la stratégie à faible volatilité vise des résultats à long terme. * J’ai apporté une autre diapo pour montrer qu’au cours des 50 dernières années, si vous n’aviez investi que dans le quintile à faible volatilité des actions, sur le cycle complet du marché, sur les quelques périodes à long terme, cette stratégie aurait surpassé l’indice pondéré en fonction de la capitalisation. * Le graphique montre l’indice des États-Unis, mais aussi l’indice du Trésor américain, deux grandes catégories d’actif qui se sont très bien comportées depuis 50 ans. Aux États-Unis, où les actions et titres à revenu fixe ont le mieux performé, la stratégie de faible volatilité donne de très bons résultats à long terme. * Si on amorce une réflexion stratégique, quel type d’actions ou de secteurs doit-on envisager? * Tout dépend bien sûr de l’univers de placement et des objectifs de la stratégie. Selon l’univers de placement, selon que vous investissez dans des actions canadiennes à faible volatilité ou dans des actions américaines ou mondiales à faible volatilité, les caractéristiques seront un peu différentes. * Par exemple, certaines sociétés financières aux États-Unis ont tendance à présenter un risque accru. On l’a vu avec les banques régionales et même les grandes banques depuis l’an 2000. Elles sont souvent plus volatiles et donc assez peu représentées dans les stratégies à faible volatilité aux États-Unis. * Par contre, au Canada, elles sont beaucoup plus représentées. Nos services financiers et d’assurance sont bien plus sûrs et bien établis, tout comme nos banques. Ce type de sociétés est donc davantage représenté dans l’indice canadien. Le principal point commun, c’est qu’on trouve plus facilement de la stabilité dans les biens de consommation de base, l’épicerie, les détaillants, la production de boissons gazeuses et d’aliments. * Les sociétés de services publics ont elles aussi tendance à offrir des bénéfices stables. Elles sont souvent très stables. On trouve une qualité défensive dans les entreprises de soins de santé. On peut trouver de la défensivité dans tous les secteurs. Je ne dis pas qu’on ne trouve jamais de défensivité dans le secteur technologique ou de l’énergie, mais plutôt dans les télécoms, les services publics, la consommation de base et la santé. * Pour les investisseurs qui s’intéressent aux placements à faible volatilité, quels risques faut-il garder en tête? * L’un des principaux risques à garder en tête quand on commence à investir dans une stratégie à faible volatilité, c’est qu’il ne s’agit pas vraiment d’une stratégie à court terme. Il y aura des périodes défavorables. Prenez ce qui s’est passé dans la foulée des mesures d’aide liées à la pandémie ou juste après la crise financière de 2008-2009, ou dans un contexte où les taux d’intérêt tombent à zéro, quand les marchés se redressent fortement après des replis massifs. * Dans ces cas-là, les stratégies défensives seront à la traîne par rapport aux indices. Si les investisseurs réfléchissent en termes de rendement relatif, s’ils comparent leurs placements en actions à leurs placements à faible volatilité, s’ils regardent l’indice de référence, ils se diront qu’ils sont à la traîne. Mais il ne faut pas oublier que l’objectif de cette stratégie, c’ est l’asymétrie. Quand vous réduisez le risque de perte, vous le payez d’une façon ou d’une autre. * Vous le payez dans les périodes de rendement très élevé. Mais la capitalisation est mathématique. Vous baissez moins que l’indice de référence, tout en essayant de suivre autant que possible les redressements du marché. À très long terme, cette stratégie vous permet d’être très efficace et de générer le rendement ajusté au risque le plus élevé possible. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]