
Anthony Okolie récapitule les faits saillants de la journée, notamment les dernières nouvelles sur la COVID-19, puis discute avec Derek Burleton, économiste en chef adjoint, Groupe Banque TD, des pertes d’emploi massives et lui demande si les mesures budgétaires des gouvernements suffiront pour redresser l’économie.
Bonjour et bienvenue au bulletin quotidien Parlons Argent COVID-19 du jeudi 9 avril. Ici Anthony Okolie. Dans un moment, Derek Burleton, économiste en chef adjoint, Groupe Banque TD, nous communiquera les plus récentes statistiques sur l’emploi au Canada et aux États-Unis. Mais d’abord, résumons les nouvelles du jour qui concernent les marchés.
Plus d’un million de Canadiens ont perdu leur emploi en mars, le taux de chômage grimpant à 7,8 %, le double des prévisions. Toutes les provinces ont perdu des emplois, mais surtout l’Ontario et le Québec. Même portrait aux États-Unis, où les demandes hebdomadaires de prestations d’assurance-chômage ont atteint 6,6 millions et totalisent pour les trois dernières semaines plus de 16 millions. Par ailleurs, la Réserve fédérale américaine a publié les détails d’un nouveau plan de 2 300 milliards de dollars pour appuyer l’économie. Les mesures prévoient plus de soutien pour les collectivités locales, les petites entreprises et les consommateurs.
À propos des consommateurs, selon un nouveau rapport, leur confiance a atteint son niveau le plus bas en neuf ans aux États-Unis en raison des conséquences du coronavirus sur l’économie et le marché de l’emploi. Et, finalement, les autorités fédérales de santé publique à Ottawa estiment que, malgré les mesures sanitaires actuelles, de 11 000 à 22 000 Canadiens risquent de mourir de la COVID-19 au cours des prochains mois. Voilà qui résume les nouvelles du jour. Comme promis, Parlons Argent s’entretient maintenant avec Derek Burleton à propos des plus récentes statistiques sur l’emploi.
Derek, le Canada a perdu un million d’emplois, un chiffre record. Aux États-Unis, les demandes de prestations d’assurance-chômage ont augmenté de 6,6 millions et, après trois semaines, dépassent maintenant 50 millions, le total le plus élevé jamais enregistré. J’aimerais que vous replaciez en contexte l’ampleur réelle de ces chiffres.
C’est astronomique. On n'a jamais rien vu de tel. Jamais non plus a-t-on connu une situation où les économies ont été paralysées si abruptement. Ce qu’on observe tout au long du mois de mars, c’est que la situation dépend de la semaine dont il est question. On savait ce qui s’en venait dès le milieu de mars, moment où les mesures de confinement ont été resserrées. Les données sur l’emploi au Canada publiées aujourd’hui méritent qu’on s’y attarde. L’enquête s’est déroulée une semaine après les données de la semaine dernière sur la paie pour le mois de mars. Si vous vous posez la question, les ménages au Canada ont perdu un million d’emplois. Aux États-Unis, on parle de seulement trois millions, selon les données par habitant, soit beaucoup moins. Mais, c’était une semaine plus tôt. Le nombre de demandes hebdomadaires de prestations d’assurance- chômage aux États-Unis, selon les données les plus récentes, est encore en hausse.
Il faut espérer que le virus sera bientôt mieux maîtrisé et que les économies vont redémarrer, du moins dans une certaine mesure. Les données économiques d’avril risquent d’être désastreuses. Une fois franchi le cap du très court terme, certains de ces chiffres vont commencer à se stabiliser.
Je voudrais revenir sur les chiffres au Canada. Quels secteurs ont été les plus touchés? Lesquels ont perdu le plus d’emplois?
Sans surprise, le secteur des services a été le plus durement frappé et représente environ 95 % des pertes d’emplois. De très grande taille, ce secteur a été plus affecté par la COVID-19. Il s’est avéré le talon d’Achille. Pas mal tous les secteurs ont écopé, même s’il fallait bien s’attendre à ce que les loisirs, l’hébergement et la restauration soient les plus touchés.
L’une des données les plus intéressantes tirées de l’enquête d’aujourd’hui révèle que les salaires ont progressé de plus de 6 % sur douze mois en mars. Ça semble contradictoire, compte tenu de la chute spectaculaire de l’emploi. Mais, si on soustrait les pertes d’emplois lourdement imputables au travail à temps partiel et aux services, on comprend mieux pourquoi les salaires ont augmenté. Les statistiques sont particulièrement étranges ces temps-ci. Et il faudra s’y faire, parce que les enquêtes vont avoir de la difficulté à rendre compte d’une bonne part de ces activités par rapport à ce à quoi nous étions habitués.
ANTHONY OKOLIE : La riposte financière du gouvernement fédéral est impressionnante jusqu’à présent. Est-ce suffisant? Ou s’agit-il simplement d’un garrot pour enrayer l’hémorragie?
On verra bien. On assiste actuellement à un véritable phénomène de rupture. Les taux de chômage vont exploser. En avril, on pourrait atteindre 15 % ou 20 % aux États-Unis et au Canada. Mais, les interventions massives des gouvernements américain et canadien, entre autres les transferts, vont contribuer à amortir le choc pour les revenus. Des programmes permettent d’ailleurs de reporter le paiement des prêts des ménages, ce qui va assurément leur enlever une certaine pression à court terme.
Ces mesures devraient aider. Pour savoir si c’est suffisant, il faudra attendre. On observe certainement une tendance. Cette semaine, les deux gouvernements ont bonifié leurs programmes de soutien. Au Canada, le programme de subventions salariales va permettre aux employeurs de retenir les travailleurs et de rappeler ceux en congé grâce à une subvention de 75 % des salaires. Le gouvernement a assoupli certaines conditions cette semaine afin de faciliter l’admissibilité. Et c’est la même chose pour certains des principaux programmes aux États-Unis. Le programme de la SBA destiné aux petites entreprises fonctionne selon le même principe et encourage les entreprises à maintenir les travailleurs sur la liste de paie. Ce programme a aussi été bonifié.
Jusqu’à présent, les mesures de relance déployées sont sans précédent et représentent plus de 10% du PIB, en plus des aides accordées par les deux gouvernements. Ce pourcentage pourrait augmenter dans les prochaines semaines.
En grande partie, la réponse du gouvernement fédéral repose sur une estimation du temps nécessaire avant de remettre en marche le pays. Que pensez-vous de l’échéancier établi par le gouvernement?
C’est la grande question. Les directives demeurent très floues. De toute évidence, personne ne s’attend à ce que le gouvernement prenne une décision immédiatement, comme le nombre de personnes infectées par la COVID-19 continue d’augmenter aux États-Unis et au Canada. Mais, au cours des prochaines semaines, faut-il espérer, nous verrons des signes de recul du virus, et nous aurons besoin de directives claires pour la suite des choses de la part des instances fédérales et provinciales. C’est la même chose aux États-Unis.
À l’heure actuelle, en Europe, certains pays, comme l’Autriche et le Danemark, commencent à assouplir leurs restrictions parce que le nombre de cas diminue et que les taux de rétablissement sont en hausse. Nous pourrons en tirer certaines conclusions quant à ce qui fonctionne. Chose certaine, la levée des restrictions sera très graduelle. Le retour à la normale va prendre du temps. Les choses vont se faire par étapes.
Au début, on parlait d’une reprise en « V » pour les économies et les marchés de l’emploi. Mais, ce que je comprends, c’est qu’il faudra plus de temps pour se rapprocher de la normalité. Au plus tôt, en 2021. La reprise sera très lente.
Il nous reste quelques secondes. Parlons brièvement de l’annonce par la Fed d’un programme de prêts de 2 300 milliards de dollars aux entreprises et aux collectivités locales, peu après la publication des données hebdomadaires sur l’emploi aux États-Unis. En quelques secondes, quelles seront les retombées sur l’économie?
Je pense que l’économie en bénéficiera largement. Les aides accordées soutiendront la dette des municipalités américaines et l’emprunt par les États. Le programme de prêts aux petites entreprises va bénéficier des investissements du Trésor américain à hauteur de 2 000 milliards de dollars. La somme est colossale. On constate déjà un allègement de la pression sur le marché du crédit. C’est une première étape nécessaire pour endiguer la crise économique, et ça semble fonctionner. Il faut espérer que ce sera suffisant.
Les banques centrales un peu partout dans le monde affirment qu’elles vont employer tous les outils possibles. Quant à la Fed, sa responsabilité est encore plus lourde, compte tenu de la réserve de change de facto qu’elle gère. Cette étape me paraît très importante et c’était bon d’obtenir plus de détails dans l’annonce d’aujourd’hui.
Merci beaucoup, Derek.
Je vous en prie.
Et merci à vous d’avoir été des nôtres. Ici Anthony Okolie. Ne manquez pas notre prochain rendez-vous. Protégez-vous bien.
[TRAME MUSICALE]