
Les actions des secteurs des métaux et des mines ont enregistré de solides gains au premier trimestre de l’année, mais elles reculent maintenant. Greg Barnes, directeur général, Valeurs Mobilières TD, affirme à Greg Bonnell que même si les perspectives du secteur demeurent positives, certaines sociétés sont en meilleure position que d’autres, en vue d’un possible ralentissement économique.
[MUSIQUE]
La valeur de nombreux métaux de base a atteint des sommets records au printemps, mais vu la peur grandissante que suscite la récession chez certains investisseurs, les prix du cuivre, du nickel et d’autres métaux ont chuté, tout comme les actions minières. Selon notre invité d’aujourd’hui, le secteur serait en fait en bonne santé et pourrait ralentir, mais certaines sociétés sont mieux placées que d’autres pour ce scénario. Greg Barnes, directeur général à Valeurs Mobilières TD, est parmi nous.
Greg, c’est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui. Commençons par le boom des derniers mois. On dirait qu’on a perdu la foi récemment? Que se passe-t-il?
Greg, je crois qu’il s’agit de la récession. Et votre commentaire sur la volatilité [RIRE] est très pertinent. Ces actions ont beaucoup fluctué et c’est ce qu’on voit normalement lorsque les gens s’inquiètent de la croissance mondiale, et s’il y aura une récession ou non, ce que la Fed va faire, etc. Il n’est pas rare que ces actions agissent ainsi. Et les produits de base eux-mêmes ont été très volatils, comme vous l’avez mentionné, le cuivre et le nickel ont fortement diminué.
Mais je pense que les produits de base à long terme demeurent très solides et la demande est alimentée par la transition vers un monde à faibles émissions de carbone. À mon avis, les perspectives à long terme sont solides, mais à court et à moyen terme, on doit s’inquiéter de la croissance mondiale et il s’agit juste d’un scénario ou d’un cycle normal qu’on verrait dans le secteur minier. Ce n’est pas quelque chose qu’on n’a jamais vu auparavant et on le verra de nouveau. Oui, malheureusement, je pense qu’on commence à s’habituer à la volatilité…
Oui. [RIRES] …
et à un chemin difficile pour se rendre là où on doit aller. Que peuvent faire les sociétés minières dans un tel contexte? Parce que c’est encore très variable, non? On n’est pas certain de tomber en récession. Et même ceux qui le pensent indiquent que ce sera court, léger, etc. Que doivent faire les entreprises dans une période comme celle-ci?
Eh bien, je pense que les sociétés minières se sont organisées au cours des dernières années. Les prix des métaux ont été élevés et elles ont renforcé leur bilan. Elles génèrent beaucoup de flux de trésorerie disponibles. Elles remboursent leurs dettes. Elles remettent du capital aux actionnaires.
Et lorsque je regarde, en particulier, les titres canadiens, je ne vois aucun bilan avec un réel problème ou un problème de liquidité. Elles sont donc bien positionnées, mais si on entre davantage dans un ralentissement et si on a un atterrissage brutal, elles réduiront le CapEx. Elles retarderont les projets.
Bon nombre d’entre elles ont mis en place des dividendes de rendement, un dividende de base, puis un dividende en plus, si elles se portent bien financièrement. Et elles réduiront probablement ces dividendes de rendement, pas le dividende de base, mais le dividende de rendement sera probablement réduit. Donc, dans l’ensemble, elles sont en bonne posture. Elles ont des leviers pour compenser la baisse des prix des métaux. Encore une fois, je n’en vois aucune aux prises avec un problème particulier du point de vue du bilan, qui est très différent de ce qu’on a connu dans des cycles antérieurs.
Pensons à 2008, 2009 et à quelques sociétés qui ont fait face à d’énormes difficultés financières. Elles ont vraiment dû tout faire pour éviter une faillite.
GREG BONNELL : Absolument.
On n’est pas dans cette situation cette fois-ci.
Il est bon d’entendre que la situation est meilleure cette fois-ci après le carnage financier de 2008 et 2009. Vous avez mentionné qu’elles pourraient devoir réduire leurs dépenses en immobilisations. Qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir? Parce qu’on sait, comme vous l’avez dit, qu’à long terme, le monde veut ce que ces sociétés extraient du sol. Mais si elles traversent une période où elles n’investissent pas autant, est-ce que cela crée un déséquilibre par la suite?
GREG BARNES : Absolument. Si les projets sont retardés et que les équipes de direction décident qu’elles ne vont pas approuver un projet en 2022 ou 2023, ça prolonge automatiquement d’un an ou deux le temps nécessaire à la fin de la construction de la mine. Et cela fait pression ou prolonge la période de resserrement de l’offre qu’on prévoit déjà après 2024. Je pense que si l’on regarde les prix des métaux et que l’on est optimiste à long terme, cela devrait souligner cet optimisme, car on n’obtiendra pas la réponse à l’offre à laquelle on s’attend sans retard. Le retard sera plus long.
GREG BONNELL : D’accord.
On a donc besoin de plus de cuivre et de plus de nickel. Un ralentissement marqué en 2023 ou en 2024 repoussera cette réaction de l’offre.
On examine le panier de matériaux, les actions minières, mais, de toute évidence, elles ne sont pas toutes identiques. Si on entre dans une période de ralentissement économique ou même de contraction, certains segments du secteur minier sont-ils mieux positionnés que d’autres?
Non, ils sont à peu près tous dans la même situation. Lorsque les prix des produits de base baissent, ils baissent tous [RIRE] en même temps, qu’il s’agisse de cuivre, de nickel ou de zinc. L’or, dans certaines récessions, recule, dans d’autres, il monte. Il n’y a pas de véritable raison à cela. Tout dépend de l’effet de l’inflation, de ce que fait la Fed et de ce que font les taux d’intérêt et ce que font les taux de change.
Il est donc un peu plus difficile d’évaluer la direction de l’or, mais les sociétés aurifères aussi, comme les sociétés de métaux sont bien positionnées financièrement.
Elles n’ont aucun problème du point de vue du bilan.
L’or pourrait faire mieux en cas de récession, mais, pour être honnête avec vous, c’est un peu du pile ou face…
GREG BONNELL : Je croyais avoir compris l’or à un moment de ma carrière…
[RIRES]
bon dans les grandes lignes, mais je savais qu’en période de turbulences, c’est un refuge. Et puis, ces dernières années, je ne comprends plus rien. Qu’est-ce qui se passe avec l’or?
GREG BARNES : Beaucoup de produits de base sont en forte baisse cette année, le cuivre est en baisse de 10, 15, et peut-être un peu plus, en pourcentage. L’or est stable. L’or a donc servi de valeur refuge en 2022.
Lorsqu’il s’est passé beaucoup de choses, l’indice S&P a reculé de 21 % tout récemment, au cours des six derniers mois, l’or est resté stable. Le bitcoin a reculé de 70 % par rapport à son pic. L’or a donc été un refuge. C’est une réserve de valeur. Il a fait exactement ce qu’il était censé faire.
Mais vous avez mentionné dans votre introduction l’inquiétude par rapport à la Fed, qui pourrait ne pas aller aussi loin que ce qu’on pensait, avec l’augmentation des taux. Je pense que ça représente une pression pour l’or. Il est donc très difficile de prédire l’évolution du prix de l’or.
Vous avez brièvement fait mention de l’inflation, des intrants du prix de l’or, mais qu’en est-il du secteur minier et des sociétés minières? On a entendu tant de sociétés et de chefs de file du secteur des affaires nous dire que la situation est difficile dans ce contexte, à cause des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et de la montée en flèche de l’inflation. Qu’est-ce que cela apporte au secteur minier?
L’inflation est un véritable problème. Les coûts ont probablement augmenté de 10 % sur 12 mois. Cette année, les sociétés s’attendent à des rendements de 5 % à 7 %. C’est aggravé par la guerre en Ukraine et les problèmes de chaînes d’approvisionnement. Les coûts d’exploitation devraient donc augmenter de 10 % sur 12 mois.
Et comme je l’ai dit, les coûts en capital, le coût de construction d’une nouvelle mine vont encore plus augmenter, de 15 % à 20 %. C’est simplement une pénurie de personnel et un manque d’équipement. Ce sont aussi les redevances et les impôts qui augmentent. De nombreux facteurs exercent des pressions sur les coûts.
Donc vous comprenez pourquoi les produits de base ou les actions sont en baisse, les actions minières sont en baisse. Les prix des produits de base augmentent, puis baissent et les coûts augmentent. Il y a une compression des marges. Encore une fois, ce n’est pas si inhabituel dans le scénario actuel.
Récemment, Bart Malek est venu et il a parlé d’un point de tension dans le commerce de l’énergie lorsqu’on parle de la demande physique réelle de barils de pétrole brut par rapport à la façon dont les gens évoluent sur les marchés financiers et la financiarisation de l’espace. Le secteur minier en souffre-t-il, en matière de contrats pour certains métaux, qui peut-être ne reflètent pas vraiment la demande de métaux?
C’est une bonne question. On tente de déterminer où se dirige la demande. On ne le sait pas. Est-ce que ce sera une légère récession? Est-ce qu’on va éviter complètement une récession?
À mon avis, les marchés ne tiennent pas compte d’un atterrissage brutal et la demande résiste. Ce matin, je discutais avec des représentants d’une société minière. La demande pour le cuivre qu’elle produit n’a pas diminué. Aucune diminution.
Les stocks sont extrêmement faibles. Le marché est tendu. La demande résiste. Mais où se situera la demande au cours des 6, 12 ou 24 prochains mois? Voilà la question.
Et le marché dit qu’elle baissera beaucoup. Le marché se trompe peut-être. Il faudra attendre de voir. [RIRE] Il est donc un peu difficile de se prononcer en ce moment.
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