
Anthony Okolie récapitule les faits saillants de la journée, notamment les dernières nouvelles sur la COVID-19, puis discute avec James Orlando, économiste principal, Groupe Banque TD, de l’efficacité et des répercussions potentielles des mesures de relance massives des États-Unis, des perspectives pour le huard ainsi que de l’économie canadienne.
[MUSIQUE]
Bonjour et bienvenue au bulletin quotidien COVID-19 de Parlons Argent du mardi 24 mars. Je m’appelle Anthony Okolie.
Dans quelques instants, j’échangerai avec James Orlando, économiste principal au Groupe Banque TD, au sujet des tensions financières du marché et de ses perspectives concernant le Canada et le huard.
Mais avant, faisons un bref tour des nouvelles de la journée. Les marchés ont ouvert solidement vu l’imminence d’un plan de sauvetage américain. Et les grandes compagnies aériennes américaines travailleraient à un plan pour l’éventuelle interruption volontaire de tous les vols-passagers, selon le Wall Street Journal.
L’activité économique de l’Union européenne s’est effondrée en mars, vu la propagation accrue du coronavirus. L’indice des directeurs d’achat dans la zone euro a chuté de 51,6 en février à 31,4 en mars. Une valeur inférieure à 50 indique une contraction de l’économie.
L’Italie a rapporté moins de décès dus au coronavirus pour une 2e journée consécutive. En Chine, le confinement de deux mois d’une grande partie du Hubei a été levé. Bombardier arrête sa production aéronautique et ferroviaire en Ontario et au Québec jusqu’au 26 avril pour limiter l’impact financier de la pandémie de coronavirus.
Bombardier se joint ainsi à GM, à Twitter et à un nombre croissant de sociétés qui ont suspendu leurs prévisions 2020 en termes de revenus et de bénéfices. Afin de parler des possibles implications de tout ça pour les marchés et investisseurs, je me tourne vers James Orlando, économiste principal au Groupe Banque TD.
James, bienvenue.
Merci.
James, on observe un stress financier généralisé. Les marchés sont en hausse aujourd’hui compte tenu du vaste plan de relance attendu aux États-Unis. Mais parlons des autres zones de stress apparentes.
Oui, c’est précisément ça : les marchés boursiers attirent tous les regards à l’heure actuelle. Les pertes sont énormes depuis le sommet de mi-février. Mais le stress s’étend à d’autres marchés, particulièrement dans les domaines ciblés par la Réserve fédérale.
C’est ce qui donne lieu à cette aide sous forme de liquidités. On a vu un resserrement du côté des écarts et des marchés monétaires. La Fed a donc réagi en injectant des liquidités sur ces marchés.
On a vu ça aussi sur le marché des titres adossés à des créances hypothécaires. Vous savez, en 2008, l’épicentre de la crise financière était le marché hypothécaire. Les écarts de taux hypothécaires se sont approchés des niveaux de la crise financière mondiale, tout récemment. Et quand la Réserve fédérale réitère l’assouplissement quantitatif pour les titres adossés à des créances hypothécaires, c’est sérieux.
Un autre gros problème en ce moment touche les titres de créance de sociétés. Les écarts de taux des obligations de sociétés se sont vraiment élargis, surtout du côté des notations inférieures. Et la décision de la Réserve fédérale d’entamer le rachat d’actifs comme des obligations de sociétés ou des FNB d’obligations de sociétés, est importante pour absorber le stress financier qui mine tous ces marchés.
Et pour ce qui est du vaste plan de relance tant attendu de Washington, est-ce que ça va fonctionner? Quelles seront les conséquences du plan de relance?
Évidemment, on espère que ça va fonctionner. Tout dépend en grande partie de l’ampleur de la relance et de la rapidité d’acheminement des fonds et de l’aide aux gens et aux entreprises.
De notre point de vue, on se retrouve dans une situation où des gens perdent des revenus. Les revenus étant réduits, les gens ont moins d’argent à dépenser. Ils ont besoin d’argent pour acheter ne serait-ce que des denrées courantes.
L’objectif du plan de relance gouvernemental est d’aider les gens et les entreprises à pallier le manque entre la période actuelle, marquée par une perte de recettes et de revenus, et plus tard – quand les choses rentreront plus ou moins dans l’ordre et qu’on aura des revenus, qu’on reprendra le travail… Il s’agit donc pour les gouvernements d’aider les gens à gérer cette période extrêmement pénible.
En outre, les prévisions pour le deuxième trimestre aux États-Unis sont très sombres. C’est du jamais vu. N’est-ce pas?
Pour le moment, l’impact sur la croissance économique en mars – et sans doute pour une grande partie du deuxième trimestre – sera considérable. Des restaurants ferment leurs portes. Personne ne prend l’avion – pas de voyages. Des entreprises, des usines de fabrication ferment.
Ce sera énorme. Et c’est pourquoi il faut une relance budgétaire pour aider tout le monde.
De toute évidence, on voit les répercussions aux États-Unis. Et qu’en est-il du Canada? Qu’est-ce que vous observez de ce côté?
Au Canada, on observe plus ou moins les mêmes mesures qu’aux États-Unis. On est probablement beaucoup plus nombreux ici à pratiquer l’isolation sociale que dans bien des États aux États-Unis actuellement. Mais un problème au Canada, c’est qu’on est très exposés aux prix des produits de base. On l’a vu avec les prix du pétrole. Les prix du pétrole ont baissé. On voit une accumulation de risques et de difficultés au Canada, surtout dans les provinces de l’Ouest et même celles de l’Est.
Le dollar canadien est à son plus bas niveau des temps récents. James, quelles sont vos perspectives concernant le huard?
Eh bien, le huard est malmené parce que, d’une part, les investisseurs ont fui le risque en grand nombre. Comme c’est le cas ici, ce mouvement accroît souvent la demande pour le billet vert. Ce n’est donc pas favorable pour le dollar canadien.
D’autre part, l’économie du pays dépend grandement des prix des produits de base. Et en situation de faible croissance économique, où la production ralentit et les gens circulent moins sur les routes, la demande baisse pour les produits de base. Et tout ça entraîne une diminution des prix du pétrole.
Quand les prix du pétrole piquent du nez, généralement, le dollar canadien suit. On parle à peu près de 0,68 $, au plus bas. Jusqu’ici, l’aversion au risque est comparable à ce qu’on a vu en 2015.
La baisse n’est pas aussi marquée qu’au début des années 2000, où le huard a glissé à environ 0,62 $, comparativement au dollar américain. Mais selon nous, le dollar canadien va fort probablement se négocier à la baisse tant que l’aversion au risque persistera.
Dans un tel contexte, les faibles prix du pétrole risquent de compliquer les choses étant donné les énormes réserves à venir qui découlent d’une guerre de prix entre l’Arabie saoudite et la Russie.
Cela dit, on entrevoit un moment dans le futur, où l’on sortira éventuellement de l’épisode de pandémie. Ce qui favorisera la croissance économique et, idéalement, un retour à la normale. C’est ce qui permettrait aux prix du pétrole de rebondir dans la foulée d’une reprise générale de l’économie mondiale.
Si les prix du pétrole remontent, la demande pour les actifs canadiens devrait croître. C’est ce qui pourrait raviver le dollar canadien par la suite.
James, merci de nous avoir accordé ce temps.
Merci à vous.
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