Le raffermissement des données économiques américaines entraîne des spéculations selon lesquelles la Réserve fédérale américaine pourrait s’éloigner de sa stratégie actuelle de hausses de taux massives. Greg Bonnell s’entretient avec Robert Pemberton, chef, Titres à revenu fixe, Gestion de Placements TD, qui affirme qu’il n’y aura probablement pas de virage de la part de la Fed de sitôt.
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Suite au raffermissement des données économiques aux États-Unis, certains observateurs pensent que la Fed pourrait se détourner des taux d’intérêt massifs. Mais est-ce vraiment le cas?
Notre invité d’aujourd’hui, Robert Pemberton, chef, Titres à revenu à Gestion de Placements TD vient nous éclairer sur le sujet. Robert, c’est un plaisir de vous avoir avec nous. C’est vraiment la grande question de l’été. On a un indice d’inflation légèrement inférieur aux attentes, et tout de suite on parle de virage. Mais quelle est la réalité?
Alors, d’abord, je suis très heureux d’être ici. C’est en effet de ce balancier dont tout le monde parle en ce moment, la bataille entre l’inflation et la croissance. En gros, je dirais qu’un chiffre ne crée pas une tendance. Hier, selon les statistiques canadiennes, l’IPC global a baissé, mais l’inflation de base continue d’augmenter.
Et ce sur quoi la Fed, la Banque du Canada, la Banque d’Angleterre et la BCE se concentrent, c’est l’inflation et la faible croissance de l’inflation. Selon mon interprétation actuelle, pour qualifier de virage ce qui a été annoncé par la Fed, il s’agirait d’un virage de la fin du début au début de la fin des hausses de taux de la Fed. Or, ce virage est toujours en cours. Et on est loin de voir la fin de la hausse des taux.
GREG BONNELL : J’allais dire que le début de la fin, ça donne l’impression que la route sera longue. Je pense qu’on est habitués à des réponses très rapides et à ce que les banques centrales répondent à nos besoins très rapidement. Ça fait un moment et elles viennent toujours à la rescousse. Mais il semble que maintenant, le message, c’est que l’on a un problème d’inflation et que l’on va faire tout notre possible. J’ai l’impression que cela rétablit la crédibilité, qui avait peut-être été perdue pendant la pandémie.
Avec les réponses que nous avons eues du point de vue monétaire et fiscal durant la pandémie, la croissance économique que nous avons observée à son issue a pris les banques centrales au dépourvu en matière d’inflation et de pressions inflationnistes. Et je suis certain que lorsque les historiens de l’économie reviendront sur cette période, ils diront que les banques centrales ont été lentes à réagir.
Depuis, la réaction a été très positive pour ce qui est de regagner cette crédibilité. Et on l’a vu dans les deux cas où les taux finaux… Ce dont le marché tient compte pour savoir ce que les banques centrales vont faire… et ce qu’on commence à voir du point de vue de l’inflation.
À mon avis, en ce moment, l’inflation devrait diminuer relativement rapidement probablement dans une fourchette de 4 et 1/2 % à 5 %. Mais pour passer de 5 et 1/2 %, ou plutôt de 5 à 2 % ça pourrait être beaucoup plus long que ce que prédit le marché actuellement.
Parlons du long terme, car, de toute évidence, certains pensent non seulement au virage, mais aussi au fait que ce sera bientôt terminé. Et puis il y aura une autre réduction parce qu’il faudra réagir à la faiblesse de l’économie.
Certains disent que ça ne sera pas si rapide. L’inflation et sa réduction à la cible seront difficiles. Ce sera long. On ne peut pas simplement retourner à une politique monétaire expansionniste. On ne répondra pas à tous nos besoins dans les prochains jours ou prochaines semaines.
Exact. Une bonne façon de le formuler, c’est que les gens qui s’attendent à ce que la Fed revienne sur le marché seront probablement déçus au cours des deux ou trois prochaines années. On pense que le marché évalue mal les baisses de taux en 2023 et en 2024 afin de réduire l’inflation. Certaines des composantes cycliques de l’inflation vont certainement reculer et s’assouplir.
Mais certains des problèmes à long terme qui y sont associés, notamment les salaires, le logement, l’équivalent loyer pour les propriétaires, vont rester compliqués et plus élevés pendant longtemps, ce qui signifie que l’inflation globale demeurera plus élevée. Comme je l’ai mentionné, l’idée que la Fed réduira les taux d’intérêt en 2023 est, à mon avis, un peu exagérée à ce stade.
Je pense que le marché essaie de deviner quel style d’ancien gouverneur de la Fed… ou président de la Fed, on aura, si ce sera le Arthur Burns du milieu des années 1970 ou le Paul Volcker des années 1980. Arthur Burns était réticent à relever les taux de façon significative pour contenir l’inflation, tandis que Paul Volcker avait une grande crédibilité pour relever les taux et prendre les mesures nécessaires pour améliorer les résultats de l’économie à long terme.
Ces points de vue divergents sur le marché en ce moment, ces pressions et les gens qui tentent de déterminer exactement où ils veulent être… qu’est-ce que cela signifie pour le segment des titres à revenu fixe? Comment doit-on aborder la question en tant qu’investisseurs?
Eh bien, selon nous, certains facteurs clés sont survenus, l’idée qu’il y a eu une hausse marquée au début du présent cycle. Et on continue à penser qu’on aura des 50 ou 75 durant les prochaines années. Les banques centrales d’Amérique du Nord veulent atteindre au moins 3 et 1/2 % du financement à un jour, ce qui représente un écart de 100 points de base. Donc ça va continuer, mais du point de vue des titres à revenu fixe, cela signifie que la volatilité devrait augmenter, en partie parce que la volatilité des données sur l’inflation et la croissance économique augmentera, ainsi que les actifs, de façon générale. Et les chiffres connaîtront également une plus grande volatilité du fait que la Fed a revu à la baisse ses prévisions.
Les chiffres d’aujourd’hui sur les ventes au détail, les chiffres d’hier de l’IPC, les données sur le logement et l’emploi, tout cela influencera les résultats du marché, ce qui signifie qu’il est probable que la fourchette soit plus large, en particulier sur la portion à court terme de la courbe des taux, car les investisseurs visent à fixer le prix à 50 ou à 75. À mon avis, on coupe les cheveux en quatre. Ce sera au moins 50. Et cela pourrait être 75, selon ce que les données nous montrent. Mais la volatilité sera plus élevée.
Fait intéressant, toutefois : les échéances à long terme sur le marché obligataire seront probablement un peu moins volatiles simplement parce que l’on a déjà pris en compte les réductions des banques centrales. Et on peut considérer les taux à long terme comme une série de taux à court terme avec des points d’équilibre sur le marché des obligations à rendement réel ou sur le marché des TIPS et qui continuent de contrôler l’inflation à long terme.
On pense que la portion à long terme de la courbe des taux est susceptible de mieux se comporter que le segment à court terme de la courbe des taux, ce qui explique pourquoi vous voyez l’inversion de la courbe des taux, avec les taux à court terme plus élevés que ceux à long terme. Et c’est vraiment uniquement si les banques centrales agissent énergiquement dès le début. À long terme, il est probable que la situation revienne à une fourchette de financement à un jour à un niveau 2 1/2 %. Mais ça ne sera que dans plusieurs années.
Pour certaines personnes, cette inversion de la courbe des taux n’est pas un bon signe de ce qui attend l’économie. Les gens disent toujours que cette fois-ci, les choses sont différentes. Les choses sont-elles vraiment différentes? Ou est-ce un mauvais signe?
ROBERT PEMBERTON : Je ne sais pas si j’utiliserais le mot «mauvais». Mais l’inversion de la courbe des taux signifie généralement qu’il y aura des difficultés économiques. La courbe des taux sur deux ans et sur 10 ans est inversée. Celle qui m’intéresse le plus, c’est trois mois, 10 ans. Et elle demeure positive à la marge. Mais elle ne s’est pas encore inversée. Je m’attends à ce qu’elle s’inverse avant la fin de l’année, ce qui indique un ralentissement économique en 2023 et 2024.
À titre de rappel à l’intention de nos auditeurs, la banque centrale a un outil très brutal en matière de politique monétaire. Ils cherchent à réduire la demande dans l’ensemble de l’économie. S’ils le font, il y aura un ralentissement. Il s’agit juste de déterminer si le ralentissement sera douloureux, modéré ou faible.
Il y a différentes façons de voir les choses. Il faudra que le taux de chômage augmente afin d’atténuer la pression sur le marché du travail. Il faudra que la demande finale diminue dans plusieurs services. C’est ce qu’ils tentent de mettre au point.
Une analogie que j’ai utilisée dans une conversation il n’y a pas si longtemps, c’est que la banque centrale tente de poser un avion C-130 Hercule sur un timbre-poste. Ce sera difficile d’avoir un atterrissage en douceur. Et c’est ce qu’ils essaient de faire. On pense que la probabilité d’une récession est supérieure à 50 % dans les 12 à 18 prochains mois.
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Suite au raffermissement des données économiques aux États-Unis, certains observateurs pensent que la Fed pourrait se détourner des taux d’intérêt massifs. Mais est-ce vraiment le cas?
Notre invité d’aujourd’hui, Robert Pemberton, chef, Titres à revenu à Gestion de Placements TD vient nous éclairer sur le sujet. Robert, c’est un plaisir de vous avoir avec nous. C’est vraiment la grande question de l’été. On a un indice d’inflation légèrement inférieur aux attentes, et tout de suite on parle de virage. Mais quelle est la réalité?
Alors, d’abord, je suis très heureux d’être ici. C’est en effet de ce balancier dont tout le monde parle en ce moment, la bataille entre l’inflation et la croissance. En gros, je dirais qu’un chiffre ne crée pas une tendance. Hier, selon les statistiques canadiennes, l’IPC global a baissé, mais l’inflation de base continue d’augmenter.
Et ce sur quoi la Fed, la Banque du Canada, la Banque d’Angleterre et la BCE se concentrent, c’est l’inflation et la faible croissance de l’inflation. Selon mon interprétation actuelle, pour qualifier de virage ce qui a été annoncé par la Fed, il s’agirait d’un virage de la fin du début au début de la fin des hausses de taux de la Fed. Or, ce virage est toujours en cours. Et on est loin de voir la fin de la hausse des taux.
GREG BONNELL : J’allais dire que le début de la fin, ça donne l’impression que la route sera longue. Je pense qu’on est habitués à des réponses très rapides et à ce que les banques centrales répondent à nos besoins très rapidement. Ça fait un moment et elles viennent toujours à la rescousse. Mais il semble que maintenant, le message, c’est que l’on a un problème d’inflation et que l’on va faire tout notre possible. J’ai l’impression que cela rétablit la crédibilité, qui avait peut-être été perdue pendant la pandémie.
Avec les réponses que nous avons eues du point de vue monétaire et fiscal durant la pandémie, la croissance économique que nous avons observée à son issue a pris les banques centrales au dépourvu en matière d’inflation et de pressions inflationnistes. Et je suis certain que lorsque les historiens de l’économie reviendront sur cette période, ils diront que les banques centrales ont été lentes à réagir.
Depuis, la réaction a été très positive pour ce qui est de regagner cette crédibilité. Et on l’a vu dans les deux cas où les taux finaux… Ce dont le marché tient compte pour savoir ce que les banques centrales vont faire… et ce qu’on commence à voir du point de vue de l’inflation.
À mon avis, en ce moment, l’inflation devrait diminuer relativement rapidement probablement dans une fourchette de 4 et 1/2 % à 5 %. Mais pour passer de 5 et 1/2 %, ou plutôt de 5 à 2 % ça pourrait être beaucoup plus long que ce que prédit le marché actuellement.
Parlons du long terme, car, de toute évidence, certains pensent non seulement au virage, mais aussi au fait que ce sera bientôt terminé. Et puis il y aura une autre réduction parce qu’il faudra réagir à la faiblesse de l’économie.
Certains disent que ça ne sera pas si rapide. L’inflation et sa réduction à la cible seront difficiles. Ce sera long. On ne peut pas simplement retourner à une politique monétaire expansionniste. On ne répondra pas à tous nos besoins dans les prochains jours ou prochaines semaines.
Exact. Une bonne façon de le formuler, c’est que les gens qui s’attendent à ce que la Fed revienne sur le marché seront probablement déçus au cours des deux ou trois prochaines années. On pense que le marché évalue mal les baisses de taux en 2023 et en 2024 afin de réduire l’inflation. Certaines des composantes cycliques de l’inflation vont certainement reculer et s’assouplir.
Mais certains des problèmes à long terme qui y sont associés, notamment les salaires, le logement, l’équivalent loyer pour les propriétaires, vont rester compliqués et plus élevés pendant longtemps, ce qui signifie que l’inflation globale demeurera plus élevée. Comme je l’ai mentionné, l’idée que la Fed réduira les taux d’intérêt en 2023 est, à mon avis, un peu exagérée à ce stade.
Je pense que le marché essaie de deviner quel style d’ancien gouverneur de la Fed… ou président de la Fed, on aura, si ce sera le Arthur Burns du milieu des années 1970 ou le Paul Volcker des années 1980. Arthur Burns était réticent à relever les taux de façon significative pour contenir l’inflation, tandis que Paul Volcker avait une grande crédibilité pour relever les taux et prendre les mesures nécessaires pour améliorer les résultats de l’économie à long terme.
Ces points de vue divergents sur le marché en ce moment, ces pressions et les gens qui tentent de déterminer exactement où ils veulent être… qu’est-ce que cela signifie pour le segment des titres à revenu fixe? Comment doit-on aborder la question en tant qu’investisseurs?
Eh bien, selon nous, certains facteurs clés sont survenus, l’idée qu’il y a eu une hausse marquée au début du présent cycle. Et on continue à penser qu’on aura des 50 ou 75 durant les prochaines années. Les banques centrales d’Amérique du Nord veulent atteindre au moins 3 et 1/2 % du financement à un jour, ce qui représente un écart de 100 points de base. Donc ça va continuer, mais du point de vue des titres à revenu fixe, cela signifie que la volatilité devrait augmenter, en partie parce que la volatilité des données sur l’inflation et la croissance économique augmentera, ainsi que les actifs, de façon générale. Et les chiffres connaîtront également une plus grande volatilité du fait que la Fed a revu à la baisse ses prévisions.
Les chiffres d’aujourd’hui sur les ventes au détail, les chiffres d’hier de l’IPC, les données sur le logement et l’emploi, tout cela influencera les résultats du marché, ce qui signifie qu’il est probable que la fourchette soit plus large, en particulier sur la portion à court terme de la courbe des taux, car les investisseurs visent à fixer le prix à 50 ou à 75. À mon avis, on coupe les cheveux en quatre. Ce sera au moins 50. Et cela pourrait être 75, selon ce que les données nous montrent. Mais la volatilité sera plus élevée.
Fait intéressant, toutefois : les échéances à long terme sur le marché obligataire seront probablement un peu moins volatiles simplement parce que l’on a déjà pris en compte les réductions des banques centrales. Et on peut considérer les taux à long terme comme une série de taux à court terme avec des points d’équilibre sur le marché des obligations à rendement réel ou sur le marché des TIPS et qui continuent de contrôler l’inflation à long terme.
On pense que la portion à long terme de la courbe des taux est susceptible de mieux se comporter que le segment à court terme de la courbe des taux, ce qui explique pourquoi vous voyez l’inversion de la courbe des taux, avec les taux à court terme plus élevés que ceux à long terme. Et c’est vraiment uniquement si les banques centrales agissent énergiquement dès le début. À long terme, il est probable que la situation revienne à une fourchette de financement à un jour à un niveau 2 1/2 %. Mais ça ne sera que dans plusieurs années.
Pour certaines personnes, cette inversion de la courbe des taux n’est pas un bon signe de ce qui attend l’économie. Les gens disent toujours que cette fois-ci, les choses sont différentes. Les choses sont-elles vraiment différentes? Ou est-ce un mauvais signe?
ROBERT PEMBERTON : Je ne sais pas si j’utiliserais le mot «mauvais». Mais l’inversion de la courbe des taux signifie généralement qu’il y aura des difficultés économiques. La courbe des taux sur deux ans et sur 10 ans est inversée. Celle qui m’intéresse le plus, c’est trois mois, 10 ans. Et elle demeure positive à la marge. Mais elle ne s’est pas encore inversée. Je m’attends à ce qu’elle s’inverse avant la fin de l’année, ce qui indique un ralentissement économique en 2023 et 2024.
À titre de rappel à l’intention de nos auditeurs, la banque centrale a un outil très brutal en matière de politique monétaire. Ils cherchent à réduire la demande dans l’ensemble de l’économie. S’ils le font, il y aura un ralentissement. Il s’agit juste de déterminer si le ralentissement sera douloureux, modéré ou faible.
Il y a différentes façons de voir les choses. Il faudra que le taux de chômage augmente afin d’atténuer la pression sur le marché du travail. Il faudra que la demande finale diminue dans plusieurs services. C’est ce qu’ils tentent de mettre au point.
Une analogie que j’ai utilisée dans une conversation il n’y a pas si longtemps, c’est que la banque centrale tente de poser un avion C-130 Hercule sur un timbre-poste. Ce sera difficile d’avoir un atterrissage en douceur. Et c’est ce qu’ils essaient de faire. On pense que la probabilité d’une récession est supérieure à 50 % dans les 12 à 18 prochains mois.
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