
La volatilité est revenue sur les marchés boursiers, les indices ayant enregistré la plus forte baisse d’une journée depuis mars, suivie d’une reprise rapide. Kim Parlee s’entretient avec David Sykes, chef, Actions cotées, de la forme de la reprise économique et des stratégies pour divers objectifs de placement.
Dave, j’aimerais commencer par faire un petit résumé de ce qui s’est passé.
Nous avons connu une hausse spectaculaire des marchés après un délestage massif, et maintenant on commence à observer des délestages quotidiens, mais ça rebondit aussitôt. Les gouvernements et les banques centrales ont pris des mesures sans précédent. On a, bien sûr, vu beaucoup de troubles sociaux aux États-Unis après la diffusion de certaines vidéos assez dévastatrices, et la montée en puissance de Black Lives Matter pour une très bonne raison. Il y a aussi la COVID-19 qui revient avec de nouveaux cas.
En tant qu’investisseur, comment doit-on interpréter ça? Comment concilier tous les signaux contradictoires?
Donc oui, Kim, vous avez raison. Il y a beaucoup de signaux contradictoires. Et je fais ça depuis longtemps, depuis plus de 20 ans. Au cours de ma carrière, c’est la plus grande incertitude que j’aie jamais vue.
Mais je pense que la façon de gérer cette incertitude est de prendre du recul et de vous demander : « Qu’est-ce que j’essaie d’accomplir en tant qu’investisseur? » De nombreux investisseurs ont des objectifs différents. Il y a des spéculateurs. Je ne nous place pas dans ce camp, mais lorsque vous tentez de créer des portefeuilles de grande qualité qui résistent à l’épreuve du temps, ces situations vous offrent de nombreuses occasions.
J’aimerais qu’on parle de certains points de données qui ont été soulevés. J’en ai mentionné quelques-uns, mais l’un d’entre eux concerne les données sur l’emploi qui ont été publiées. Une hausse surprise très importante. Qu’est-ce que vous en tirez comme conclusion?
De nombreux prévisionnistes ont dit qu’il y aurait d’importantes pertes d’emplois aux États-Unis. En fait, ils se sont carrément trompés. Ils n’ont pas vu juste sur ce coup-là, et deux millions et demi d’emplois ont été créés. La moitié de ces emplois sont revenus dans les secteurs des loisirs et de l’hôtellerie.
Je crois que ce qu’il faut retenir, c’est que la COVID-19 a un impact important, mais à mesure qu’on commence tranquillement à rouvrir l’économie, ces emplois vont revenir. Et je crois que c’est un signe très positif pour l’économie. Le taux de chômage est encore très élevé, à 13,5 %. Nous sommes en récession. Mais ça rappelle aux gens qu’il faut se tourner vers l’avenir et se dire qu’on va commencer lentement à nous améliorer sur le plan économique à mesure que l’économie reprend de la vigueur.
Qu’en est-il de la Fed? Selon ce qu’elle a annoncé, et je crois que bien des gens sont très surpris de voir pendant combien de temps elle veut maintenir les taux à leur niveau actuel et la période sur laquelle elle est prête à prendre des mesures. Je veux dire, sur une longue période, on parle d’années ici.
Oui, le président de la Fed a publié ses directives mercredi dernier. La partie la plus intéressante a été la période des questions. Et le président de la Fed a été très clair. Il a dit qu’il ne songeait même pas à augmenter les taux d’intérêt. Les taux d’intérêt vont donc rester très près de zéro jusqu’en 2023.
Je crois que cela a deux effets. Ça indique que oui, nous sommes en récession, mais aussi que la Fed va se montrer incroyablement accommodante. Il ne faut pas oublier que la politique monétaire accuse un retard. Mais les taux d’emprunt et les taux hypothécaires vont être très faibles. Ça va stimuler le marché de l’habitation et les emprunts des consommateurs. Et, encore une fois, cela nous ramène à ce thème, lentement, mais sûrement, nous allons nous en sortir et commencerons à revenir à un niveau d’activité économique plus élevé.
Quelles sont les conséquences de ces faibles taux, sur... je veux dire, vous avez mentionné les prêts hypothécaires, mais les dividendes et, je suppose, la croissance à long terme? Je veux dire, on va voir ces pics dans différents domaines.
Oui, bien sûr, avec des taux d’intérêt plus bas pendant plus longtemps, ce n’est pas très bon pour les épargnants. C’est bon pour les emprunteurs. Et je pense que l’un des aspects sur lesquels les investisseurs doivent vraiment se concentrer, c’est : « Est-ce que je peux obtenir des dividendes durables aujourd’hui et est-ce que ces dividendes vont augmenter à l’avenir? » Je crois que si vous le pouvez, c’est certainement une des façons d’investir que je recommande.
Parlons des chiffres que nous voyons concernant les cas de coronavirus. Bien sûr, les taux d’ouverture varient selon les régions du monde. Certains soutiennent que nous en sommes encore à la première vague, d’autres disent qu’on commence à entrer dans la deuxième vague. Que pensez-vous de ça? Je sais que vous surveillez de très près les données médicales... il s’agit d’une crise des soins de santé. Mais selon vous, quelles seront les répercussions sur l’économie?
C’est intéressant. Et je crois qu’une grande partie du débat... c’est de déterminer s’il va y avoir une deuxième vague. Et je ne crois pas qu’il y ait un débat. Je crois qu’il va y avoir une deuxième vague. Mais je crois que ce que les gens doivent comprendre, c’est si la deuxième vague va être aussi importante que la première.
Et je crois qu’on a beaucoup appris. Nous avons fermé l’économie en mars. Mais je crois qu’on a découvert que le port d’un masque peut être avantageux. Je pense qu’avec la distanciation sociale, le lavage fréquent des mains, il y a des moyens de lutter contre ça.
Et quand on regarde la réouverture de l’économie américaine, il est vrai que les cas de certains États ont augmenté. Les cas positifs ont augmenté au Texas, en Arizona et en Floride. Mais ils ont aussi chuté de façon spectaculaire dans l’État de New York.
Et je pense qu’une chose sur laquelle je me concentre, ce n’est pas nécessairement le nombre de nouveaux cas, parce qu’on fait beaucoup plus de tests qu’avant. Aux États-Unis, ils faisaient 150 000 tests par jour. Ils en font maintenant 500 000 par jour. On s’attend donc à ce que le nombre de cas augmente. Mais ce qui est vraiment intéressant, c’est que la gravité des cas, les hospitalisations, les intubations et les décès diminuent. Et je pense que cela nous indique que nous faisons plus de tests, que nous découvrons plus de cas, mais que ce ne sont pas des résultats aussi graves que ceux que nous avons vus plus tôt dans la crise.
Comment avez-vous... en fait, je suppose qu’il s’agit de points de données majeurs. Quelle est votre approche pour intégrer toutes ces données? Encore une fois, et on en a déjà parlé, vous avez établi un horizon de trois à cinq ans pour vos prévisions. Et on dirait que le marché exclut parfois entièrement tout ce qui se passe actuellement et qu’il passe directement à la période de trois à cinq ans, ou peut-être une période plus courte. Mais comment est-ce que vous déterminez ce qui est important, et à quel moment?
C’est toujours difficile. Je veux dire, il y a tellement d’informations qui arrivent à tout moment. Mais encore une fois, cela nous ramène à l’objectif. Pour nous, il s’agit de créer un portefeuille de titres de grande qualité qui vont traverser des périodes difficiles. Ils vont produire des flux de trésorerie disponibles, qui vont se transformer en dividendes, et qui vont les faire croître au fil du temps. Il y a donc beaucoup à faire actuellement concernant les investisseurs de type Robin des Bois, les milléniaux, les opérateurs à la journée et les spéculateurs.
Et c’est parfait. Ils ont leur place. Mais ce n’est pas ce que mon équipe et moi essayons de faire. On se concentre vraiment sur les grandes entreprises dont les titres se négocient probablement à escompte aujourd’hui et qui vont être là pendant longtemps. Et peut-être qu’aujourd’hui, elles n’offrent pas de valeur, mais peut-être que oui demain. Nous surveillons donc constamment la situation, mais nous ne réagissons peut-être pas toujours en ce qui a trait à nos achats ou à nos ventes.
Dernière question pour vous, David. Les élections américaines... ce qui s’est produit a manifestement déclenché un certain nombre de réactions. C’est un peu... encore plus, je dirais, imprévisible, quant à ce qui va se passer avec les élections américaines. Avez-vous une idée, et surtout, de ce que la victoire de l’une ou l’autre des parties pourrait signifier pour les marchés?
Oui. Alors, pour ce qui est de la façon dont les choses vont se dérouler dans quatre mois et demi, c’est vraiment un coup de dés. Je pense que cela dépendra d’un grand nombre d’États pivots. Il y en a beaucoup, mais si vous suivez les États du Michigan, de la Pennsylvanie, du Wisconsin et de la Floride, ça va vraiment se jouer dans ces États clés, et je crois que ça va être extrêmement serré.
Je pense que si c’est encore la même administration, si Trump est réélu, on va savoir qu’il y aura un programme favorable aux entreprises, une baisse des impôts et moins de règlements. Je crois que c’est assez certain. Bien sûr, que le Sénat soit républicain ou démocrate, on a matière à débattre.
Toutefois, je crois que si on a Biden à la tête du pouvoir exécutif et de la Maison-Blanche, il a dit très clairement qu’il aimerait que les taux d’imposition des entreprises remontent. Il a parlé de 28 %, et non de 21 %. Il a assurément parlé d’un programme plus vert, d’une réglementation accrue. De ce point de vue, on peut dire que ce serait moins favorable pour les entreprises, et moins favorable pour les marchés.
Mais, encore une fois, il ne faut pas trop mettre l’accent là-dessus, parce que les gens croyaient qu’Obama serait terrible pour les marchés, et ça n’a pas été le cas. Et les gens ont pensé que George Bush allait être excellent, et les marchés se sont un peu embrouillés sous son administration. Il est donc très difficile d’établir une ligne bien précise. Mais je dirais qu’avec Trump, ça sera pas mal la même chose, et avec Biden, ça sera moins favorable pour les entreprises.
Dave, c’est toujours un plaisir. Merci beaucoup.
Merci, Kim.
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