
Les tendances des dépenses de consommation en Amérique du Nord semblent faire des progrès, certains secteurs prospérant plus que d’autres. Anthony Okolie et Brian DePratto, économiste principal, Groupe Banque TD, discutent du rebond des dépenses de consommation et de la viabilité de ces tendances.
Brian, commençons par une vue d’ensemble. La croissance des dépenses au Canada est entrée en territoire positif pour la première fois depuis le début de la pandémie dans la semaine se terminant le 10 juillet. Qu’est-ce qui motive les dépenses impulsives cet été?
Ce changement a été bien accueilli. Il n’y a peut-être eu qu’une croissance d’environ 2 % au cours de la première semaine. Mais ça s’est produit après trois mois de baisse. Et quand on examine ces baisses et ce qui les a causées, c’est un peu la même chose pour ce qui est de cette remontée-là. Quand le confinement a été imposé, c’est devenu très serré. C’est à ce moment-là qu’on a vu ce recul important. Au fur et à mesure que la situation a commencé à se résorber, que les gens ont pu retourner dans les magasins, revenir à une routine un peu plus normale, on a vu les habitudes de dépenses aller dans le même sens. Mais je pense que ce qui explique vraiment ça, c’est que les gens ont eu la confiance nécessaire pour sortir à nouveau et revenir à la normale.
Dans quelles catégories les dépenses sont-elles les plus à la hausse ou à la baisse quand les commerces ont commencé à rouvrir?
Vous savez, c’est un peu l’inverse, encore une fois. Au début du confinement, les épiceries et les magasins de rénovation ont accaparé une grande partie de cette part-là, donc essentiellement des ressources essentielles.. Au fur et à mesure que les commeres ont commencé à rouvrir, on a assisté à une certaine normalisation, pour employer ce terme. Dans certains secteurs qui n’étaient pas disponibles, les gens peuvent maintenant dépenser ces gains-là. Les épiceries ont perdu un peu de terrain.
Un secteur que je veux mentionner, ce sont les services professionnels, comme les chiropraticiens, les dentistes, etc. Vous savez, comme de plus en plus de provinces ont commencé à rouvrir et que beaucoup de fournisseurs de services ont planifié différentes façons de faire, les gens y retournent pour y dépenser. C’est un changement important.
Je dirais qu’il y a deux exceptions intéressantes, même si les choses se sont normalisées. Comme on pouvait s’en y attendre, il y a très très peu de dépenses dans la catégorie des voyages. Et inversement, les magasins de rénovation... on a parlé de ça plus tôt, vous savez, les gens coincés à la maison, qui essaient de faire de petites rénovations ici et là, de terminer certains projets qu’ils avaient mis de côté... ils tiennent encore très bien le coup, même au début de l’été.
Qu’en est-il des dépenses d’entreprise? Quelles sont les tendances que vous constatez?
De ce côté-là, c’est un peu plus souple. On observe toujours une tendance positive. Vous savez, nous ne sommes plus dans ces creux-là, mais nous sommes encore en baisse d’environ 7 %, 8 % sur 12 mois au cours de la première semaine de juillet. Je crois que le problème, c’est que ça reflète les difficultés des petites entreprises. Certaines de leurs associations nous ont appris que seulement 60 % de ces entreprises étaient ouvertes à ce moment-là. Il semble y avoir une légère distorsion pour certains des secteurs les plus touchés. Les voyages et le tourisme se démarquent un peu, en particulier dans certains des grands centres urbains. Je crois donc qu’il y a cette différence clé... que les habitudes de dépense se sont déplacées du côté des consommateurs, ce qui cause un peu de tort à certaines de ces petites entreprises.
Quels sont les risques ou les obstacles à une nouvelle hausse des dépenses?
Je reviens à ce qui a permis d’engendrer les gains en matière de dépenses qu’on a observés. Il s’agit de contrôler la courbe des infections, après quoi les gouvernements peuvent avoir confiance dans la réouverture, puis avoir l’assurance que les consommateurs se sentent à l’aise de sortir, sachant que, de toute évidence, le risque n’est pas éliminé, mais on a un certain contrôle à cet égard. Ce n’est pas tout à fait ce que c’était.
Alors, comme le nombre de cas a remonté, les provinces de l’Ouest se démarquent, l’Ontario aussi, je crois qu’il y a un risque que les réouvertures soient retardées ou ralenties, pour ce qui reste à rouvrir. Mais même au-delà de ça, je pense que c’est la question fondamentale de la confiance des consommateurs. Les gens se sentent-ils à l’aise de sortir même si les magasins sont ouverts?
Et donc il y a ce risque, que l’augmentation des infections mette vraiment cette confiance-là en péril. Et puis il y a les répercussions d’autres secteurs, comme le marché de l’emploi et l’immobilier. Toutes les tendances positives qu’on a observées au cours du dernier mois, mois et demi, c’est le risque qu’une hausse des infections mette vraiment cette confiance-là à rude épreuve.
Brian, compte tenu de tout ce qu’on sait, qu’est-ce que les auditeurs devraient retenir de ces données sur les dépenses?
Eh bien, vous savez, je suis heureux de pouvoir vous faire part de quelques bonnes nouvelles, du fait qu’on observe cette tendance encourageante. Mais je crois qu’il ne faut pas perdre de vue ces changements. Donc, même si les dépenses globales évoluent dans la bonne direction, elles ne sont pas réparties également. Vous savez, certains secteurs ont clairement profité de ces tendances-là. D’autres sont plus touchés. Je crois que c’est très important de tenir compte de cette différenciation quand on examine ces données et ces tendances-là.
Brian, merci beaucoup pour vos explications.
Merci de m’avoir invité.
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