Les comptes conjoints sont parfois utiles entre conjoints ou pour aider un parent âgé à gérer ses finances. Mais que se passe-t-il lorsqu’on utilise ces comptes comme stratégie de planification successorale? Mindi Banach, planificatrice spécialiste de la fiscalité et des successions à Gestion de patrimoine TD, se joint à Kim Parlee pour parler des situations dans lesquelles l’ouverture d’un compte conjoint est judicieuse et des situations qui risquent d’entraîner des complications.
*Le 12 août, le gouvernement fédéral a publié un avant-projet de loi proposant d’éliminer les exigences de déclaration des simples fiducies pour l’année d’imposition 2024. L’avant-projet de loi comprend également des modifications qui pourraient réduire le nombre de personnes touchées par les exigences de déclaration des simples fiducies.
Oui, les comptes conjoints peuvent être un bon outil de planification successorale, surtout dans le contexte de deux conjoints sans circonstances particulières, comme une famille recomposée ou une citoyenneté américaine. Souvent, on recommande aux conjoints de détenir des comptes conjoints. Mais dans d’autres contextes, comme entre un parent et un enfant adulte, ce n’est pas forcément aussi simple. Il existe des risques importants auxquels il faut bien réfléchir.
Je tiens à préciser que je comprends pourquoi beaucoup de parents veulent ajouter un enfant adulte comme titulaire. En vieillissant, ils s’inquiètent de savoir qui pourra gérer leurs finances, qui pourra payer leurs factures. Ils se disent qu’en ayant un compte conjoint avec leur enfant, ce sera plus simple. Mais encore une fois, j’aimerais parler des risques lorsqu’un parent ajoute un enfant comme titulaire de compte conjoint.
Je veux vraiment souligner que l’une des questions les plus litigieuses qui se jouent devant les tribunaux, c’est celle des comptes conjoints. Quand les choses tournent mal, elles tournent parfois très mal. Alors, quels sont les risques? Il y a les questions relatives aux créanciers. Si l’enfant a des problèmes financiers, le parent court réellement un risque, parce que les créanciers peuvent saisir le compte conjoint que le parent a ouvert avec l’enfant.
Il existe aussi un risque de perte de contrôle ou d’utilisation abusive des fonds. Selon les modalités du compte, un titulaire peut souvent accéder au compte et prendre des décisions, notamment retirer des fonds du compte sans obtenir l’autorisation préalable de l’autre titulaire, c’est-à-dire du parent. Il peut donc arriver que les fonds ne soient pas utilisés comme le parent le souhaiterait, sans compter les possibles conséquences fiscales. Quand un parent ajoute le nom d’un enfant au compte, on peut considérer qu’il s’agit d’une cession du montant qui a été transféré à l’enfant, ce qui peut entraîner de l’impôt sur les gains en capital.
Il y a un certain nombre de risques. Je ne vous en cite que quelques-uns. Mais avant qu’un parent n’ajoute un enfant, il faut tenir compte de ces risques.
Et la liste est longue. Il faut garder beaucoup de choses en tête. J’ai souvent entendu dire que si quelqu’un décède, le gouvernement doit s’occuper de la succession. Il faut passer par le processus d’homologation. Il y a des frais associés. Certains se demandent si un compte conjoint permet peut-être d’éviter le processus d’homologation.
Dans certaines circonstances, c’est possible. Revenons au compte détenu par deux conjoints. Souvent, au décès d’un conjoint, le conjoint survivant hérite des fonds détenus dans le compte conjoint en raison de ce qu’on appelle le droit de survie. Ça veut dire que le conjoint survivant peut accéder aux fonds sur le compte conjoint en vertu du concept de droit de survie, sans passer par le processus d’homologation. Il n’a pas de frais d’homologation à payer. Mais il est important de noter que le Québec ne reconnaît pas le droit de survie et que certaines provinces ne sont pas nécessairement – Elles s’intéressent aux frais d’homologation.
Mais dans d’autres contextes, comme entre parent et enfant, vous n’éviterez pas toujours les frais d’homologation en ouvrant un compte conjoint. Par exemple, même si une banque n’exige pas le suivi du processus d’homologation pour débloquer des fonds au profit du titulaire survivant, comme un enfant survivant, si le liquidateur du parent décédé doit homologuer tout autre actif de la succession et faire tout l’inventaire de la succession sur la demande d’homologation, ce liquidateur peut quand même être tenu de déclarer le compte conjoint que le parent détenait avec l’enfant. Dans ce cas, des frais d’homologation peuvent s’appliquer.
Est-ce que dans certains cas, un compte conjoint entre parent et enfant permet d’éviter les frais d’homologation? Oui, mais il faut habituellement des éléments qui prouvent l’intention du parent au moment où le parent a ouvert le compte conjoint.
Une dernière chose que je tiens vraiment à souligner, c’est que les parents incluent souvent leurs enfants sur le titre de propriété de leurs biens immobiliers en pensant éviter les frais d’homologation. Mais si la propriété est admissible à l’exemption pour résidence principale, lorsque vous ajoutez votre enfant au titre de propriété, vous risquez de perdre en partie la possibilité de mettre à l’abri de l’impôt la totalité des gains en capital en vertu de l’exemption pour résidence principale si l’enfant figure sur le titre de propriété. Là encore, les parents doivent vraiment réfléchir aux conséquences. Et les frais d’homologation sont minimes par rapport à l’impôt sur les gains en capital.
Je crois que vous avez attiré l’attention de beaucoup de gens en parlant de la résidence principale. Il ne me reste que quelques minutes, et on pourrait y consacrer une conversation entière. Les simples fiducies. Les médias ont beaucoup parlé de ce qui constitue ou non une simple fiducie, parce que l’ARC est encore en train de déterminer la définition exacte. À quoi faut-il réfléchir quand on ouvre ces types de comptes conjoints?
Il faut avoir conscience de ces nouvelles exigences de déclaration des fiducies. Beaucoup de Canadiens ne savent pas que s’ils ajoutent un titulaire au compte, ils créent un type de fiducie pouvant désormais entraîner de nouvelles obligations de déclaration. L’ARC a levé l’obligation de déclarer les simples fiducies pour l’année 2023. Comme vous l’avez dit, on attend les directives pour l’année d’imposition 2024 et les suivantes. Mais il faut en être conscient, parce qu’il y aura peut-être de nouvelles obligations en matière de déclaration de fiducie.
Si vous nous écoutez et que pour vous, un compte conjoint comporte trop de risques, quelles sont les solutions de rechange?
Vous pouvez envisager une procuration. Tout dépend des faits et de votre situation.
Très bien. Et la chose à faire, c’est de ne pas oublier d’en parler à quelqu’un, au besoin. Mais à qui? À qui s’adresser, dans ce cas?
Il y a un certain nombre de professionnels à qui vous devriez vous adresser, parce qu’ils peuvent vous donner des conseils sur mesure en fonction des faits et de votre situation. Par exemple, un notaire ou un avocat spécialisé en planification successorale peut vous informer des conséquences juridiques, ainsi que des documents juridiques qui pourraient être nécessaires. Un comptable peut vous conseiller sur les questions de conformité et les questions fiscales. Enfin, un conseiller financier peut vous indiquer si un compte conjoint vous aidera dans le cadre de votre plan successoral global et vous donner plus d’information sur les politiques et procédures d’une institution financière.
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