Toutes les grandes banques canadiennes, sauf une, ont surpassé les estimations au premier trimestre. Kim Parlee discute avec Mario Mendonca, directeur général, Valeurs Mobilières TD, des perspectives du secteur des services financiers canadien en période de ralentissement économique et de toute répercussion potentielle de l’effondrement de la Silicon Valley Bank.
Print Transcript
[LOGO SONORE]
Je pense que toutes les banques aux États-Unis font face à une baisse des dépôts. C’est tout à fait logique. Durant la pandémie, l’assouplissement quantitatif a fait bondir les dépôts aux États-Unis. C’est maintenant le contraire. Le resserrement quantitatif a un effet sur les dépôts. Il y a une baisse.
Certaines banques ont des activités de dépôt peut-être moins durables ou fiables, et c’est le cas pour la SVB. Ce problème de baisse des dépôts les a amenés à vendre des titres et à réaliser une perte. Ils mobilisent des capitaux propres, ou tentent de le faire, et je ne crois pas que ce soit un problème pour nos banques canadiennes au Canada.
Il ne fait toutefois aucun doute que les dépôts diminuent aux États-Unis. On observe une transition vers des dépôts à coûts plus élevés au Canada, tous ces facteurs indiqueraient une période où les marges cessent d’augmenter. Nous avons connu une période de forte augmentation des marges. Ça ralentit probablement.
Et je pense qu’on peut aussi affirmer que la croissance du bilan doit ralentir. Mais c’est tout à fait logique, car pendant la pandémie, les bilans ont vraiment explosé, pour atteindre une forte hausse. Et maintenant, on voit l’effet négatif, le déclin. Mais je ne ciblerai pas les problèmes de la SVB et peut-être d’autres banques régionales comme un indice de ce à quoi nous serions confrontés au Canada, non.
Très bien. Eh bien, parlons de ce qui s’est passé au Canada. Les résultats du premier trimestre ont donc été publiés. Toutes les banques, à l’exception de Scotia, ont dépassé les prévisions. Votre billet parle de l’approche de la fin de l’augmentation de la marge d’intérêt nette. Et de la normalisation graduelle du crédit. Rien à signaler encore du côté des prêts hypothécaires.
Premièrement, vous êtes un bon rédacteur de manchettes, alors merci de le faire. Deuxièmement, pouvez-vous nous parler de ce qui s’est passé dans l’ensemble?
Oui. Les marges continuent d’augmenter ce trimestre, mais les dirigeants des banques indiquent clairement qu’on est plus près de la fin que du début. Et c’est logique. C’est pour les raisons que je viens d’évoquer qu’on observe une baisse marquée des dépôts aux États-Unis. Le coût des dépôts augmente, tout comme les bêtas des dépôts.
On observe une transition vers des dépôts à coûts plus élevés, tous ces facteurs témoignent d’un contexte où les marges ont presque cessé d’augmenter. Ça va peut-être continuer un peu plus. Mais les marges ont beaucoup augmenté, alors c’est logique que les marges se stabilisent, voire diminuent au fil du temps. Ça fait partie de l’histoire.
L’autre facteur dont j’ai parlé est la normalisation des pertes sur créances. Il n’y a toutefois pas de détérioration. On observe une augmentation des pertes sur créances liées aux prêts à la consommation. Pensez aux prêts personnels, comme les lignes de crédit pour les automobiles. Ça se produit au Canada et aux États-Unis.
Mais je veux être très clair : on ne voit pas une augmentation importante des pertes sur créances. Les provisions pour pertes sur prêts douteux sont toujours à environ 20 points de base, ce qui est très inférieur à ce que je considère comme normal, soit environ 36 points de base. Pour ce qui est des prêts hypothécaires, on peut en parler plus en détail. En ce moment, on ne voit aucune détérioration des portefeuilles de prêts hypothécaires.
C’est intéressant. Je pense que vous avez en partie raison. On est loin de la normale, je dirais. Mais en même temps, on en est loin depuis si longtemps, même le retour à la normale rend mal à l’aise. Examinons chaque banque.
Commençons par la BMO. Vous avez parlé d’un ralentissement de l’activité sur les marchés financiers, mais sur une base d’évaluation, c’est toujours ok. Qu’entrevoyez-vous pour BMO?
Oui, la Banque de Montréal a publié de bons résultats. Ils ont surpassé les résultats attendus. Mais, de toute évidence, certains craignent que les marchés financiers ralentissent. Ils ont obtenu de très bons résultats sur les marchés financiers en 2021 et en 2022, et c’est le revers de la médaille. Je suis convaincu qu’au deuxième semestre de cette année, les données des marchés financiers s’amélioreront un peu, d’une année à l’autre.
Il y a une raison pour laquelle je demeure quelque peu optimiste à l’égard de BMO, c’est l’opération de la Bank of the West. Selon moi, cette opération aura un effet sur le bilan et sur la croissance des bénéfices à un moment où celle des prêts et du bilan sont difficiles à obtenir. Ce qu’il faut reconnaître, selon moi, c’est qu’il y a beaucoup de dépôts dans le compte américain de BMO.
Ça s’élève à 145 milliards de dollars aujourd’hui. Ajoutez à ça l’opération de la Bank of the West, qui a été conclue le 1er février, ça nous amène bien au-delà de 200 milliards de dollars en dépôts. Les dépôts de BMO pourraient diminuer dans le cadre de leurs activités aux États-Unis, mais ça pourrait les pousser à une augmentation de leurs coûts de financement, à une concurrence plus féroce pour les dépôts. Je pense donc que l’histoire des marges pour BMO, qui a été très bonne, est probablement terminé, comme pour beaucoup de banques.
Mario, vous recommandez de conserver les titres de la Banque Scotia, bien sûr, et c’est l’un de ceux qui n’ont pas surpassé les estimations. Et vous avez des préoccupations. Vous parlez des marges de capital, du manque de clarté quant à l’orientation stratégique.
Oui, la situation de Scotia est très complexe. Il y a environ un an, peut-être un peu plus d’un an, j’ai abaissé la note de Scotia. Et j’ai alors soutenu que leurs marges seraient faibles alors que celles de ses pairs seraient solides. Et c’est ce qui s’est produit. Depuis un certain temps, leurs marges sont à la traîne.
Bien que, selon moi, leur rendement sur marge semble relativement un peu plus reluisant, car les marges cesseront d’être un facteur important; le fait que les marges de Scotia ne sont pas solides et que celles de ses pairs le sont est moins important maintenant. Mais le problème, c’est que Scotia doit faire l’objet d’un examen stratégique approfondi. Le nouveau chef de la direction Scott Thomson a dit que Scotia doit revoir sa façon de faire des affaires.
Par conséquent, ce qu’on pourra voir du côté de la Banque Scotia à l’avenir c’est une croissance du bilan assez faible à une époque où ses pairs, comme Royal ou BMO, profitent de leurs acquisitions. La croissance du bilan de Scotia pourrait sembler plutôt faible, car elle se retire des prêts hypothécaires ou des prêts automobiles personnels, ce qui explique probablement leur légère surpondération. Selon moi, Scotiane fera pas bonne figure.
Une période durant laquelle son bilan pourrait se stabiliser ou diminuer pendant que ses pairs sont en croissance ne sera pas très reluisante; la position prudente que j’ai adoptée à l’égard de Scotia semble donc encore appropriée.
Qu’en est-il de la CIBC? Il est très intéressant de noter que la croissance enregistrée en 2021, 2022 pourrait constituer une vulnérabilité en 2023?
Oui. En 2021 et en 2022... au début de 2022, je soulignais que la croissance des prêts commerciaux de la CIBC, en particulier les prêts immobiliers commerciaux aux États-Unis, dépassaient les attentes. Leurs résultats étaient meilleurs que ceux des autres et de loin. C’était logique. La banque disposait de beaucoup de capitaux excédentaires. Elle voulait en profiter, et elle l’a fait.
Le problème en ce moment c’est l’immobilier commercial, en particulier aux États-Unis, l’exposition aux immeubles de bureaux semble vouloir diminuer. Les placements de la CIBC aux États-Unis se chiffrent à environ 18,5 milliards $ US en immobilier commercial américain. 20 % de cette somme est investie dans des bureaux, où la vulnérabilité est la plus grande. Et de ces 18,5 milliards, 40 % seraient de qualité inférieure.
Je ne crois donc pas qu’il s’agisse d’une grande préoccupation pour la CIBC en ce moment, mais, assurément... je crois fermement que la croissance de leurs prêts aux États-Unis pourrait vraiment faiblir à mesure qu’ils seront un peu plus loin dans cette entreprise.
Passons aux deux dernières... Nationale et Royale. Qu’est-ce que vous avez vu avec Nationale?
Les résultats de la Banque Nationale restent surprenants. Elle a enregistré de solides rendements sur marges pour ses activités de détail au pays, ça nous a tous surpris, car ils ont beaucoup plus de prêts que de dépôts pour leurs activités nationales, on ne s’attendait pas à ce qu’elle ait de bonnes marges, mais elle l’a fait. D’un autre côté, elle a une importante activité de dépôts dans le cadre de ses activités de gestion de patrimoine, ce qui se traduit par de solides marges.
Mais ce qui distingue la Nationale, ce sont les entreprises que personne d’autre n’a. Elle détient une importante société au Cambodge, où les prêts augmentent de 35 % par année et les pertes sur créances sont extrêmement faibles. Et Credigy, qui est en difficulté... moins d’actifs en difficulté. Auparavant, il s’agissait davantage d’actifs en difficulté.
C’est une sous-entreprise où ils achètent ces portefeuilles et les font progresser. La Nationale a fait de l’excellent travail pour faire croître ces deux entreprises. Ce qui m’a le plus marqué pour la Nationale ce trimestre, mis à part la très forte marge des commerces de détail canadiens, c’est que leurs pertes sur créances n’étaient que de quatre points de base. Et c’est probablement insoutenable, et ils sont les premiers à dire que ce serait insoutenable.
Il s’agit d’un excellent résultat pour la Nationale. Je serais un peu plus prudent à l’approche du deuxième trimestre, principalement parce que la vigueur exceptionnelle de leurs marges au cours du trimestre ne semble pas viable au deuxième trimestre. Je suis toujours prudent à l’égard de la Nationale et du groupe dans son ensemble.
Et pour la Banque Royale, du point de vue des actions, elle a surpassé le groupe. Il se négocie à prime. Il reste à savoir si la prime est justifiée.
Oui. Et je n’appellerais pas ça un solide trimestre pour la Banque Royale. Ils ont surpassé les attentes, mais ils l’ont fait sur certains points sur lesquels le marché pourrait est frileux, comme des revenus de négociation très élevés et des pertes sur créances moins élevées. Les marges n’ont pas été aussi bonnes que nous l’aurions souhaité.
Pour la Banque Royale, je pense que les marges cesseront de contribuer grandement à leur rendement différencié, mais je croyais que ça arriverait un peu plus tard dans l’année. On l’a vu clairement au premier trimestre : la direction a géré un trimestre difficile au deuxième trimestre à partir des marges, puis les choses se sont améliorées à la deuxième moitié. Je ne suis pas certain d’être d’accord. Je pense que les marges ont cessé d’augmenter, un point c’est tout, et on ne verra pas nécessairement de reprise au deuxième semestre.
Mais la Banque Royale est un joueur très solide. On s’attend à ce qu’ils profitent de l’acquisition de HSBC. On s’attend à ce qu’ils continuent d’accroître leur portefeuille d’actifs ou de prêts; tandis que d’autres pourraient devoir restreindre la croissance. Même si l’évaluation est assez élevée, ce n’est pas une banque sur laquelle j’aime miser.
Ce que vous voulez obtenir de la Royale, toutefois, pour consolider les perspectives, c’est qu’elle a pu régler ses dépenses. La croissance des dépenses a été très élevée ce trimestre, la plus forte dans le groupe dans plusieurs catégories de dépenses. Je m’attends à mieux de la part de la Royale du côté des dépenses.
Je vois. Je devrais mentionner, bien sûr, qu’on ne parle pas de la TD, pour des raisons évidentes. Permettez-moi de vous poser la dernière question. Beaucoup de gens regardent les banques et se demandent comment ils vont traverser le repli... Récession, pas de récession, peu importe, comment ça se passe. Mais comment voyez-vous les banques dans un an, dans deux ans, lorsqu’on pense à l’avenir sur le plan de la gestion?
Eh bien, j’ai clairement adopté une approche plus prudente à l’égard du groupe. Je les ai ramenés au niveau du marché le 20 mars. Et pour certaines personnes, ça pourrait ne pas sembler beaucoup. Mais ça compte beaucoup pour moi, car ma prédisposition pour les banques est presque toujours positive. Je pense donc que les banques vont traverser une période où les bilans cessent de croître ou augmentent, mais la croissance est très lente, par rapport à ce qu’on a vu dans le passé, ce qui limite la croissance des bénéfices avant impôts.
Projetons maintenant la situation dans un an. Supposons que l’économie a ralenti, qu’on traverse une période de légère récession, que les taux hypothécaires sont élevés et que les gens ont de la difficulté à rembourser leur prêt hypothécaire. Je ne crois pas que les prêts hypothécaires entraîneront nécessairement une augmentation des pertes sur créances de nos banques. Mais dans la mesure où vous devez payer beaucoup pour votre prêt hypothécaire, c’est de l’argent que vous pourriez dépenser pour des vacances, des repas au restaurant, de l’argent que vous injectez généralement dans l’économie.
Donc, si les taux d’intérêt demeurent aussi élevés, il est évident qu’on... Je crois qu’on traverse une période de faible croissance économique, ce qui entraînera des pertes sur créances, mais peut-être pas sur les prêts hypothécaires eux-mêmes, les cartes de crédit ou les prêts personnels peut-être, vu le ralentissement économique. Mais je pense que le gouverneur de la banque le sait. Je pense qu’on sait que cette économie ne fonctionnera pas particulièrement bien si les taux hypothécaires demeurent aussi élevés dans un an ou deux.
Je crois donc que nous finirons par voir une baisse des taux d’intérêt au Canada pour amortir le choc subi par ces emprunteurs hypothécaires.
Mario, c’est toujours un plaisir. Merci beaucoup.
Merci. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]
Je pense que toutes les banques aux États-Unis font face à une baisse des dépôts. C’est tout à fait logique. Durant la pandémie, l’assouplissement quantitatif a fait bondir les dépôts aux États-Unis. C’est maintenant le contraire. Le resserrement quantitatif a un effet sur les dépôts. Il y a une baisse.
Certaines banques ont des activités de dépôt peut-être moins durables ou fiables, et c’est le cas pour la SVB. Ce problème de baisse des dépôts les a amenés à vendre des titres et à réaliser une perte. Ils mobilisent des capitaux propres, ou tentent de le faire, et je ne crois pas que ce soit un problème pour nos banques canadiennes au Canada.
Il ne fait toutefois aucun doute que les dépôts diminuent aux États-Unis. On observe une transition vers des dépôts à coûts plus élevés au Canada, tous ces facteurs indiqueraient une période où les marges cessent d’augmenter. Nous avons connu une période de forte augmentation des marges. Ça ralentit probablement.
Et je pense qu’on peut aussi affirmer que la croissance du bilan doit ralentir. Mais c’est tout à fait logique, car pendant la pandémie, les bilans ont vraiment explosé, pour atteindre une forte hausse. Et maintenant, on voit l’effet négatif, le déclin. Mais je ne ciblerai pas les problèmes de la SVB et peut-être d’autres banques régionales comme un indice de ce à quoi nous serions confrontés au Canada, non.
Très bien. Eh bien, parlons de ce qui s’est passé au Canada. Les résultats du premier trimestre ont donc été publiés. Toutes les banques, à l’exception de Scotia, ont dépassé les prévisions. Votre billet parle de l’approche de la fin de l’augmentation de la marge d’intérêt nette. Et de la normalisation graduelle du crédit. Rien à signaler encore du côté des prêts hypothécaires.
Premièrement, vous êtes un bon rédacteur de manchettes, alors merci de le faire. Deuxièmement, pouvez-vous nous parler de ce qui s’est passé dans l’ensemble?
Oui. Les marges continuent d’augmenter ce trimestre, mais les dirigeants des banques indiquent clairement qu’on est plus près de la fin que du début. Et c’est logique. C’est pour les raisons que je viens d’évoquer qu’on observe une baisse marquée des dépôts aux États-Unis. Le coût des dépôts augmente, tout comme les bêtas des dépôts.
On observe une transition vers des dépôts à coûts plus élevés, tous ces facteurs témoignent d’un contexte où les marges ont presque cessé d’augmenter. Ça va peut-être continuer un peu plus. Mais les marges ont beaucoup augmenté, alors c’est logique que les marges se stabilisent, voire diminuent au fil du temps. Ça fait partie de l’histoire.
L’autre facteur dont j’ai parlé est la normalisation des pertes sur créances. Il n’y a toutefois pas de détérioration. On observe une augmentation des pertes sur créances liées aux prêts à la consommation. Pensez aux prêts personnels, comme les lignes de crédit pour les automobiles. Ça se produit au Canada et aux États-Unis.
Mais je veux être très clair : on ne voit pas une augmentation importante des pertes sur créances. Les provisions pour pertes sur prêts douteux sont toujours à environ 20 points de base, ce qui est très inférieur à ce que je considère comme normal, soit environ 36 points de base. Pour ce qui est des prêts hypothécaires, on peut en parler plus en détail. En ce moment, on ne voit aucune détérioration des portefeuilles de prêts hypothécaires.
C’est intéressant. Je pense que vous avez en partie raison. On est loin de la normale, je dirais. Mais en même temps, on en est loin depuis si longtemps, même le retour à la normale rend mal à l’aise. Examinons chaque banque.
Commençons par la BMO. Vous avez parlé d’un ralentissement de l’activité sur les marchés financiers, mais sur une base d’évaluation, c’est toujours ok. Qu’entrevoyez-vous pour BMO?
Oui, la Banque de Montréal a publié de bons résultats. Ils ont surpassé les résultats attendus. Mais, de toute évidence, certains craignent que les marchés financiers ralentissent. Ils ont obtenu de très bons résultats sur les marchés financiers en 2021 et en 2022, et c’est le revers de la médaille. Je suis convaincu qu’au deuxième semestre de cette année, les données des marchés financiers s’amélioreront un peu, d’une année à l’autre.
Il y a une raison pour laquelle je demeure quelque peu optimiste à l’égard de BMO, c’est l’opération de la Bank of the West. Selon moi, cette opération aura un effet sur le bilan et sur la croissance des bénéfices à un moment où celle des prêts et du bilan sont difficiles à obtenir. Ce qu’il faut reconnaître, selon moi, c’est qu’il y a beaucoup de dépôts dans le compte américain de BMO.
Ça s’élève à 145 milliards de dollars aujourd’hui. Ajoutez à ça l’opération de la Bank of the West, qui a été conclue le 1er février, ça nous amène bien au-delà de 200 milliards de dollars en dépôts. Les dépôts de BMO pourraient diminuer dans le cadre de leurs activités aux États-Unis, mais ça pourrait les pousser à une augmentation de leurs coûts de financement, à une concurrence plus féroce pour les dépôts. Je pense donc que l’histoire des marges pour BMO, qui a été très bonne, est probablement terminé, comme pour beaucoup de banques.
Mario, vous recommandez de conserver les titres de la Banque Scotia, bien sûr, et c’est l’un de ceux qui n’ont pas surpassé les estimations. Et vous avez des préoccupations. Vous parlez des marges de capital, du manque de clarté quant à l’orientation stratégique.
Oui, la situation de Scotia est très complexe. Il y a environ un an, peut-être un peu plus d’un an, j’ai abaissé la note de Scotia. Et j’ai alors soutenu que leurs marges seraient faibles alors que celles de ses pairs seraient solides. Et c’est ce qui s’est produit. Depuis un certain temps, leurs marges sont à la traîne.
Bien que, selon moi, leur rendement sur marge semble relativement un peu plus reluisant, car les marges cesseront d’être un facteur important; le fait que les marges de Scotia ne sont pas solides et que celles de ses pairs le sont est moins important maintenant. Mais le problème, c’est que Scotia doit faire l’objet d’un examen stratégique approfondi. Le nouveau chef de la direction Scott Thomson a dit que Scotia doit revoir sa façon de faire des affaires.
Par conséquent, ce qu’on pourra voir du côté de la Banque Scotia à l’avenir c’est une croissance du bilan assez faible à une époque où ses pairs, comme Royal ou BMO, profitent de leurs acquisitions. La croissance du bilan de Scotia pourrait sembler plutôt faible, car elle se retire des prêts hypothécaires ou des prêts automobiles personnels, ce qui explique probablement leur légère surpondération. Selon moi, Scotiane fera pas bonne figure.
Une période durant laquelle son bilan pourrait se stabiliser ou diminuer pendant que ses pairs sont en croissance ne sera pas très reluisante; la position prudente que j’ai adoptée à l’égard de Scotia semble donc encore appropriée.
Qu’en est-il de la CIBC? Il est très intéressant de noter que la croissance enregistrée en 2021, 2022 pourrait constituer une vulnérabilité en 2023?
Oui. En 2021 et en 2022... au début de 2022, je soulignais que la croissance des prêts commerciaux de la CIBC, en particulier les prêts immobiliers commerciaux aux États-Unis, dépassaient les attentes. Leurs résultats étaient meilleurs que ceux des autres et de loin. C’était logique. La banque disposait de beaucoup de capitaux excédentaires. Elle voulait en profiter, et elle l’a fait.
Le problème en ce moment c’est l’immobilier commercial, en particulier aux États-Unis, l’exposition aux immeubles de bureaux semble vouloir diminuer. Les placements de la CIBC aux États-Unis se chiffrent à environ 18,5 milliards $ US en immobilier commercial américain. 20 % de cette somme est investie dans des bureaux, où la vulnérabilité est la plus grande. Et de ces 18,5 milliards, 40 % seraient de qualité inférieure.
Je ne crois donc pas qu’il s’agisse d’une grande préoccupation pour la CIBC en ce moment, mais, assurément... je crois fermement que la croissance de leurs prêts aux États-Unis pourrait vraiment faiblir à mesure qu’ils seront un peu plus loin dans cette entreprise.
Passons aux deux dernières... Nationale et Royale. Qu’est-ce que vous avez vu avec Nationale?
Les résultats de la Banque Nationale restent surprenants. Elle a enregistré de solides rendements sur marges pour ses activités de détail au pays, ça nous a tous surpris, car ils ont beaucoup plus de prêts que de dépôts pour leurs activités nationales, on ne s’attendait pas à ce qu’elle ait de bonnes marges, mais elle l’a fait. D’un autre côté, elle a une importante activité de dépôts dans le cadre de ses activités de gestion de patrimoine, ce qui se traduit par de solides marges.
Mais ce qui distingue la Nationale, ce sont les entreprises que personne d’autre n’a. Elle détient une importante société au Cambodge, où les prêts augmentent de 35 % par année et les pertes sur créances sont extrêmement faibles. Et Credigy, qui est en difficulté... moins d’actifs en difficulté. Auparavant, il s’agissait davantage d’actifs en difficulté.
C’est une sous-entreprise où ils achètent ces portefeuilles et les font progresser. La Nationale a fait de l’excellent travail pour faire croître ces deux entreprises. Ce qui m’a le plus marqué pour la Nationale ce trimestre, mis à part la très forte marge des commerces de détail canadiens, c’est que leurs pertes sur créances n’étaient que de quatre points de base. Et c’est probablement insoutenable, et ils sont les premiers à dire que ce serait insoutenable.
Il s’agit d’un excellent résultat pour la Nationale. Je serais un peu plus prudent à l’approche du deuxième trimestre, principalement parce que la vigueur exceptionnelle de leurs marges au cours du trimestre ne semble pas viable au deuxième trimestre. Je suis toujours prudent à l’égard de la Nationale et du groupe dans son ensemble.
Et pour la Banque Royale, du point de vue des actions, elle a surpassé le groupe. Il se négocie à prime. Il reste à savoir si la prime est justifiée.
Oui. Et je n’appellerais pas ça un solide trimestre pour la Banque Royale. Ils ont surpassé les attentes, mais ils l’ont fait sur certains points sur lesquels le marché pourrait est frileux, comme des revenus de négociation très élevés et des pertes sur créances moins élevées. Les marges n’ont pas été aussi bonnes que nous l’aurions souhaité.
Pour la Banque Royale, je pense que les marges cesseront de contribuer grandement à leur rendement différencié, mais je croyais que ça arriverait un peu plus tard dans l’année. On l’a vu clairement au premier trimestre : la direction a géré un trimestre difficile au deuxième trimestre à partir des marges, puis les choses se sont améliorées à la deuxième moitié. Je ne suis pas certain d’être d’accord. Je pense que les marges ont cessé d’augmenter, un point c’est tout, et on ne verra pas nécessairement de reprise au deuxième semestre.
Mais la Banque Royale est un joueur très solide. On s’attend à ce qu’ils profitent de l’acquisition de HSBC. On s’attend à ce qu’ils continuent d’accroître leur portefeuille d’actifs ou de prêts; tandis que d’autres pourraient devoir restreindre la croissance. Même si l’évaluation est assez élevée, ce n’est pas une banque sur laquelle j’aime miser.
Ce que vous voulez obtenir de la Royale, toutefois, pour consolider les perspectives, c’est qu’elle a pu régler ses dépenses. La croissance des dépenses a été très élevée ce trimestre, la plus forte dans le groupe dans plusieurs catégories de dépenses. Je m’attends à mieux de la part de la Royale du côté des dépenses.
Je vois. Je devrais mentionner, bien sûr, qu’on ne parle pas de la TD, pour des raisons évidentes. Permettez-moi de vous poser la dernière question. Beaucoup de gens regardent les banques et se demandent comment ils vont traverser le repli... Récession, pas de récession, peu importe, comment ça se passe. Mais comment voyez-vous les banques dans un an, dans deux ans, lorsqu’on pense à l’avenir sur le plan de la gestion?
Eh bien, j’ai clairement adopté une approche plus prudente à l’égard du groupe. Je les ai ramenés au niveau du marché le 20 mars. Et pour certaines personnes, ça pourrait ne pas sembler beaucoup. Mais ça compte beaucoup pour moi, car ma prédisposition pour les banques est presque toujours positive. Je pense donc que les banques vont traverser une période où les bilans cessent de croître ou augmentent, mais la croissance est très lente, par rapport à ce qu’on a vu dans le passé, ce qui limite la croissance des bénéfices avant impôts.
Projetons maintenant la situation dans un an. Supposons que l’économie a ralenti, qu’on traverse une période de légère récession, que les taux hypothécaires sont élevés et que les gens ont de la difficulté à rembourser leur prêt hypothécaire. Je ne crois pas que les prêts hypothécaires entraîneront nécessairement une augmentation des pertes sur créances de nos banques. Mais dans la mesure où vous devez payer beaucoup pour votre prêt hypothécaire, c’est de l’argent que vous pourriez dépenser pour des vacances, des repas au restaurant, de l’argent que vous injectez généralement dans l’économie.
Donc, si les taux d’intérêt demeurent aussi élevés, il est évident qu’on... Je crois qu’on traverse une période de faible croissance économique, ce qui entraînera des pertes sur créances, mais peut-être pas sur les prêts hypothécaires eux-mêmes, les cartes de crédit ou les prêts personnels peut-être, vu le ralentissement économique. Mais je pense que le gouverneur de la banque le sait. Je pense qu’on sait que cette économie ne fonctionnera pas particulièrement bien si les taux hypothécaires demeurent aussi élevés dans un an ou deux.
Je crois donc que nous finirons par voir une baisse des taux d’intérêt au Canada pour amortir le choc subi par ces emprunteurs hypothécaires.
Mario, c’est toujours un plaisir. Merci beaucoup.
Merci. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]