
La hausse des taux obligataires, la reprise de l’économie et un plan de relance de plusieurs billions de dollars ont entraîné une hausse des bénéfices des banques américaines au premier trimestre. Kim Parlee et Monica Yeung, analyste, Services financiers mondiaux, Gestion de Placements TD, discutent des facteurs de croissance des bénéfices et des perspectives de rendement supérieur pour les services financiers américains en 2021.
Les banques américaines viennent d’annoncer un trimestre record. La valeur de certaines actions a plus que doublé par rapport au creux de la pandémie, et certaines affichent jusqu’à 20 % de hausse sur l’année écoulée, ce qui dépasse de loin les gains du S&P 500. Reste à savoir si les actions de ces banques sont montées trop haut, trop vite ou si nous n’avons pas encore vu le bout de cette envolée.
Monica Yeung nous donne son avis sur les paramètres fondamentaux. Elle est analyste, Services financiers mondiaux, à Gestion de Placements TD. Monica, c’est un plaisir de vous accueillir. Comme je l’ai dit, les banques américaines affichent des gains très solides, sans exception. Pourriez-vous nous parler des facteurs clés qui expliquent ces résultats?
D’abord, Kim, merci de m’avoir invitée. Je suis ravie d’être avec vous. Quelle semaine pour les banques américaines! Les six grandes banques ont toutes déclaré des gains trimestriels environ 50 % supérieurs aux prévisions des analystes. Des résultats dignes des manchettes.
Et j’aimerais attirer l’attention sur deux facteurs clés, le premier étant les revenus records des marchés des capitaux. Les services bancaires d’investissement, de négociation ou de prise ferme d’actions ont vraiment affiché des résultats excellents, voire exceptionnels. On a aussi constaté des chiffres records pour le crédit. Au total, les grandes banques ont débloqué 13 milliards de réserves de crédit de leurs bilans pour les intégrer aux résultats, ce qui reflète l’amélioration des perspectives économiques et ce qui a vraiment contribué à faire grimper les bénéfices ce trimestre.
Ce qui est intéressant, Kim, c’est que le cours des actions des grandes banques est resté stable ou a légèrement baissé en réaction à l’annonce de ce trimestre. Et c’est parce que le marché a tendance à voir au-delà des hausses dues au crédit et à la négociation. Si on regarde certains facteurs sous-jacents des bénéfices, comme la croissance des prêts, le revenu d’intérêts net, les gains, les dépenses, ils sont un peu plus faibles que prévu. Donc au final, des chiffres records neutralisés par la faiblesse de certains paramètres fondamentaux. Voilà pour les grandes banques américaines au premier trimestre.
C’est intéressant, parce que vous avez mentionné des choses dont les marchés ont tendance à ne pas tenir compte, comme le caractère temporaire d’une partie des revenus liés aux activités de négociation et des pertes converties en revenu. Voyez-vous quelque chose de plus permanent d’un point de vue fondamental? Des tendances positives ou négatives?
Oui. Par le passé, le marché a vu au-delà de certains revenus tirés des marchés des capitaux, mais il y a des facteurs favorables qui pourront prolonger cette hausse pendant trois ou quatre trimestres, au moins jusqu’à la fin de l’année. Si vous remontez au premier et au deuxième trimestres de 2020, le contexte était très volatile et les résultats liés aux activités de négociation ont monté en flèche. Ensuite, on a enregistré de forts revenus tirés des prises fermes de titres d’emprunt, car les sociétés ont fait appel aux marchés obligataires pour équilibrer leurs bilans.
Récemment, on a eu la prise ferme d’actions avec le boom des SAVS et le marché des PAPE. Et ce qu’il faut vraiment surveiller concernant les résultats des marchés des capitaux, ce sont les services de conseil. Les sociétés envisagent des fusions et acquisitions, les fonds de capital-investissement regorgent de liquidités, les SAVS ont le capital pour 300 milliards d’acquisitions. C’est donc synonyme de solides projets de fusion et acquisition et c’est très positif pour les services-conseils des banques d’investissement. Je m’attends donc une nouvelle série de bons résultats aux prochains trimestres.
Intéressant. J’allais dire que le secteur bancaire allait sans doute être touché par les fusions et acquisitions dans les mois qui viennent, avec la levée des restrictions. J’aimerais aborder – désolée de vous interrompre – je voulais aussi parler des taux d’intérêt. Que va-t-il se passer, selon vous?
Beaucoup de banques espèrent un relèvement des taux d’intérêt, bien sûr, mais la pandémie est arrivée. Qu’anticipez-vous? Oui, les taux d’intérêt ont un impact considérable sur les bénéfices des banques. La réalité, c’est qu’elles dégagent environ 50 % de leurs revenus d’éléments liés aux taux d’intérêt. Ce qu’on appelle le revenu d’intérêts net. Et on voit une baisse très nette en glissement annuel, avec un effondrement sur toute la courbe des taux. Mais je dirais que les perspectives sont peut-être un peu plus positives maintenant qu’il y a six mois.
Bank of America, par exemple, a dit que si l’évolution sous-entendue dans la courbe des taux devait se matérialiser, le revenu d’intérêts net – je vous rappelle que ça représente 50 % des revenus des banques – pourrait atteindre près de 10 % d’ici le quatrième trimestre. Dans quelques trimestres, nous pourrions commencer à voir un redressement. Tout cela se répercute sur le bénéfice net, de sorte que les bénéfices pourraient afficher une croissance à deux chiffres. Il suffirait que les attentes actuelles se concrétisent au cours des prochains mois.
Qu’en est-il des évaluations proprement dites? Cet afflux de revenu d’intérêts net donnerait un bon coup de pouce aux bénéfices nets. Tous ceux qui ont investi dans des banques ont hâte que ça arrive. Mais on a vu des rotations très brutales, avec un rebond des actions dépréciées au détriment des actions de croissance. Qu’est-ce que vous anticipez? Quel est l’impact sur les services financiers?
Les banques américaines sont en hausse de 20 % depuis le début de l’année. Et elles affichent une hausse de 50 % depuis l’annonce des vaccins, le 9 novembre de l’année dernière. Sur cette période, les évaluations ont vraiment été revues et sont passées de 10 à 12 fois le ratio cours/bénéfice.
La prochaine étape pour les actions des banques américaines va vraiment dépendre des bénéfices. Je reviens sur ce dont j’ai parlé tout à l’heure : un redressement de la croissance des prêts, une amélioration du revenu d’intérêts net, une maîtrise bien plus stricte des dépenses que ces derniers temps. Et, autre point important, les rachats d’actions qui sont un élément important pour les banques américaines.
J’aimerais insister un peu sur la croissance des prêts. J’ai dit tout à l’heure qu’elle était un peu plus faible que prévu ce trimestre. C’est vraiment quelque chose qui doit repartir pour les banques américaines, pour faire grimper leurs actions à la prochaine vague de résultats.
Ce trimestre, par exemple, la croissance des prêts a diminué de 5 % sur 12 mois. Et ça s’explique assez facilement : les consommateurs sont coincés chez eux. Ils accumulent des liquidités, sans vraiment dépenser ou avoir recours au crédit comme ils le faisaient auparavant.
Et d’un autre côté, les entreprises sont réticentes à utiliser leurs lignes de crédit, à contracter de nouveaux prêts en raison des incertitudes. Mais avec la réouverture de l’économie, il n’est vraiment pas raisonnable de penser qu’un tel contexte va perdurer. Je m’attends à ce que les prêts repartent, sans doute en 2022, peut-être même au second semestre de cette année.
Tout est en place pour que la croissance des prêts s’accélère, que les taux d’intérêt améliorent la situation globale des banques, et c’est vraiment positif sur le plan de la croissance des bénéfices pour les 12 prochains mois.
Des perspectives optimistes. Monica, nous devons nous arrêter ici, mais c’était un plaisir de vous écouter. Merci beaucoup.
Merci de m’avoir invitée.
[MUSIQUE DE FIN]