
Anthony Okolie récapitule l’actualité du jour, notamment les dernières nouvelles sur la COVID-19, puis, avec Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD, il discute du repli des marchés, des perspectives pour l’or dans un contexte de taux d’intérêt qui resteront longtemps faibles et des raisons qui expliquent la remontée des prix de l’or.
Autre ralentissement des demandes d’assurance-chômage aux États-Unis la semaine dernière. Avec 1,5 million de demandes, c’est la 10e semaine de baisse consécutive. Ces chiffres sont directement liés à la pandémie de coronavirus, qui a dépassé la barre sinistre des 2 millions de cas aux États-Unis, avec des hausses dans plus de 20 États et à Porto Rico.
L’Union européenne prévoit accuser formellement Amazon de non-respect des lois antitrust en raison de la façon dont la société de commerce électronique traite ses vendeurs tiers. Encore une fusion! Grubhub rejoint l’européenne Just Eat Takeaway.com par une transaction en actions de 7,3 milliards de dollars, après des semaines de négociations infructueuses avec Uber Eats. Enfin, le royaume enchanté revient à la vie. Walt Disney prévoit rouvrir le parc Disneyland originel en Californie le 17 juillet, c’est-à-dire le jour du 65e anniversaire de son inauguration.
Voilà pour les nouvelles du jour. À suivre : mon entrevue avec Bart Melek. Bart, ce matin, les marchés sont en baisse, mais l’or est en hausse. Pouvez-vous nous expliquer cette dichotomie?
Oui, bien sûr. En fait, généralement l’or se porte mieux quand l’appétit pour le risque diminue. Au cours des derniers jours, le marché des actions était très solide et l’or ne brillait pas particulièrement. Mais en ce moment, la tendance s’inverse. On voit beaucoup de ventes sur l’indice S&P, et l’or est considéré comme une valeur refuge. On voit aussi que la courbe des taux d’intérêt baisse, ce qui est un très bon indicateur d’une hausse de l’or.
Je voulais aussi vous parler des taux d’intérêt. La Fed a indiqué qu’ils allaient rester bas encore un certain temps. Et suite à cette annonce, le prix de l’or a grimpé de près de 25 $. Pourquoi le fait de maintenir les taux d’intérêt proches de 0 en 2020 a cet effet-là sur le prix de l’or?
C’est surtout parce qu’on prévoit une baisse des taux d’intérêt réels. La Réserve fédérale a déclaré qu’elle n’envisageait même pas de les augmenter. Le raisonnement, c’est que les mesures de relance de la Fed, des autres banques centrales du monde, et des gouvernements vont finir par rapprocher l’économie de son potentiel.
Les prix vont remonter. À ce moment-là, presque mécaniquement, nous allons avoir des taux d’intérêt négatifs. En termes de coût d’opportunité, l’or sera très très bon marché. Et bien sûr, il y a d’autres enjeux. Il y a des questions et des préoccupations sur la dévaluation de la monnaie. On s’inquiète des dettes massives. Donc, l’action de la Fed n’est qu’une partie de l’équation. Il y a aussi des considérations fiscales importantes que les négociants en or étudient.
Pour les taux d’intérêt justement, Ils pourraient rester près de 0 au-delà de 2022 si l’économie américaine réussit à se replacer pour atteindre ses objectifs d’emploi maximum et de stabilité des prix. Qu’est-ce qui pourrait arriver au prix de l’or si les taux restent aussi bas presque indéfiniment?
Pour l’instant, nous prévoyons que l’or va continuer d’augmenter en 2020. L’année prochaine, on s’attend à ce qu’il soit à 2 000 $, peut-être plus vers la fin de l’année. D’ici là, nous prévoyons que les pressions inflationnistes vont s’accentuer.
Pas seulement en raison de la politique monétaire forte, mais aussi parce que nous nous attendons à des changements structurels au sein de l’économie mondiale, avec le retour dans des pays développés de chaînes d’approvisionnement, qui sont en Chine et dans d’autres pays. Des produits pharmaceutiques essentiels comme les respirateurs, des choses comme ça.
On pense que, comme ces chaînes d’approvisionnement vont s’effriter un peu, il risque d’y avoir un choc négatif sur l’offre, et les banques centrales devraient s’adapter. Il devrait donc y avoir pas mal de pression inflationniste... pas tout de suite, mais à l’avenir.
Puisque vous parlez d’inflation, s’il n’y a pas de risque réel, ça ne va pas avoir un effet négatif sur les prix de l’or?
En fait, pas forcément. Parce que, fondamentalement, le prix de l’or réagira aux taux d’intérêt réels. Ce n’est pas tellement le taux d’inflation en tant que tel qui compte, mais plus précisément, ce que les banques centrales ou les autorités monétaires vont faire.
En fait, si l’inflation est faible, nous pourrions très bien voir les banques centrales faire tout ce qu’elles peuvent pour remonter les attentes d’inflation, parce qu’une spirale déflationniste est extrêmement dangereuse. Donc ironiquement, il est possible que si l’inflation baisse, l’or ne s’en porte que mieux, car les taux d’intérêt réels pourraient baisser encore plus.
Ce qui est très intéressant, c’est que M. Powell n’a pas parlé des taux d’intérêt négatifs, mais qu’il n’a pas dit non plus que ce n’était pas du tout dans les plans. On a connu en Amérique du Nord une période où les contrats à terme de la Fed affichaient des taux négatifs. Nous ne disons pas que c’est le scénario le plus probable, mais clairement il pourrait y avoir un risque en cas de déflation.
Même si on ne s’y attend pas. En tous cas, l’or est en quelque sorte dans une impasse positive. Si l’inflation monte et que la Fed garde les taux autour de 0, c’est bon pour l’or. Si elle baisse, la Fed remuera ciel et terre pour la faire remonter et la stimuler par tous les moyens, avec des outils qu’elle n’a pas encore utilisés.
En tant qu’investisseur, si je crois en l’or, qu’est-ce que je fais? Comment je mise sur l’or?
Je pense qu’il y a plusieurs approches possibles. Il y a bien sûr l’approche traditionnelle qui consiste, depuis des milliers et des milliers d’années, à acheter des lingots physiques. Vous pouvez aussi acheter des produits, comme des FNB, qui sont adossés à des lingots, qui suivent le cours de l’or ou qui intègrent un lingot comme garantie. Et bien sûr, les sociétés minières – donc les producteurs – devraient finir par avoir un bêta positif par rapport au sous-jacent.
Il ne nous reste que quelques minutes, mais le prix du pétrole a aussi beaucoup baissé. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?
Je pense à plusieurs choses. Le cours du marché a été établi en fonction du scénario idéal. Mais on voyait des baisses importantes des ressources américaines. L’Arabie saoudite a récemment réduit sa production d’un million de barils et il y a l’entente conclue en fin de semaine pour prolonger les réductions d’environ 9,7 millions.
Mais l’Arabie saoudite a aussi clairement fait savoir à certains alliés que les réductions ne vont pas durer. Et en même temps, la production tirée du gaz de schiste aux États-Unis pourrait augmenter. Et, bien sûr, il y a quelques incertitudes sur la demande, puisque les taux de contamination augmentent dans certains États.
Les cours ont donc été fixés selon le scénario idéal. Mais les annonces de l’OPEP+ n’ont pas été dans ce sens. Je pense que pour certains, ça a été un peu décevant. Et on constate maintenant que c’est en dessous. Dans notre portefeuille modèle, on a réduit notre écart à long terme là-dessus.
Bart, merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé.
Ça m’a fait plaisir. Merci.
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