
L’économie canadienne a ajouté près d’un million d’emplois en juin. Le rebond est-il temporaire? Anthony Okolie et Brian DePratto, économiste principal, Groupe Banque TD, discutent de l’ampleur de la reprise économique ainsi que de l’état des investissements par les entreprises et de la confiance des consommateurs.
Il est tentant de ne parler que de la vigueur des données, mais le rebond de la main-d’œuvre est encore plus important, selon moi. Près de 800 000 personnes ont réintégré le marché, en cherchant du travail ou en retournant au travail. C’est un changement important. C’était un marché où, au plus fort de la pandémie, des gens s’y retiraient complètement; ils ne cherchaient même pas de travail. On les comprend, bien sûr.
Nous avons été témoins de cette grande vigueur, du fait que le taux de chômage s’est amélioré, un peu plus que prévu, simplement parce que plus de personnes reviennent sur le marché. Nous avons confiance que les gens sont prêts à retourner au bureau et dans les magasins de détail. Je crois que c’est un signe très encourageant.
Pour moi, l’autre aspect est l’histoire initiale. Nous avons vu plus de preuves selon lesquelles, à mesure que les confinements sont levés et que la courbe s’aplatit, les gens commencent à retourner au travail. On constate bel et bien une reprise. Le Nouveau-Brunswick se démarque à cet égard. Ils ont bien contrôlé le virus assez tôt. Ils ont procédé à une réouverture anticipée, et maintenant, leur taux d’emploi n’est qu’à 3 % environ de son niveau d’avant la pandémie - une très forte reprise.
Nous savons que nous avons recouvré environ 40 % des emplois perdus depuis mars. À votre avis, quand atteindrons-nous un plafond?
Je ne crois pas que ce soit une question de plafond, mais plutôt de délai. À quel moment retournerons-nous à ce niveau? Nous pouvons facilement envisager de revenir au niveau de février, sinon plus. La question est de savoir combien de temps ça prendra. Le risque pour moi, ou ce qui m’inquiète, c’est que ce que nous observons actuellement sont, en grande partie, les occasions les plus faciles. Beaucoup de secteurs peuvent rouvrir assez facilement en s’adaptant quelque peu, mais il y en a beaucoup d’autres... je pense aux restaurants, de façon plus générale, les salles à manger intérieures, aux événements sportifs, ce genre de choses... qui devront attendre plus longtemps et seront confrontés à un contexte plus difficile. Je crois qu’on doit s’attendre à au moins un an, un an et demi avant de revenir à ce niveau d’avant la crise, sans parler d’une croissance significative en plus de cela.
J’aimerais maintenant parler du plus récent sondage de la Banque du Canada sur les investissements des entreprises et les attentes des consommateurs. Commençons par le sondage sur les investissements des entreprises. Qu’en pensez-vous?
Il n’y a pas eu de grande surprise. Nous connaissons actuellement une récession, ou du moins nous en sortons, il n’est donc pas trop surprenant de voir des indicateurs semblables. Par exemple, 30 % (données nettes) des répondants planifient réduire leurs dépenses en matériel et équipement, sans grande surprise, compte tenu de l’incertitude extrême et de l’incertitude au-delà de nos frontières, le secteur des exportations, notamment. Il ne fait aucun doute que les frontières resteront fermées encore un certain temps.
Ce qui m’a surpris dans ce sondage, c’est le profil d’embauche assez solide. Ça ne ressemble pas à un profil de récession. Nous avons assisté à un repli, mais les données restent en territoire positif. C’est peut-être davantage une question d’option. Mais encore une fois, nous observons un niveau élevé de prudence.
Une autre chose qui m’a étonné est que les entreprises ont indiqué qu’elles prévoyaient augmenter leurs dépenses en TI et en technologie. Qu’est-ce qui explique cela? Qu’est-ce qui motive cette décision?
Regardez simplement la façon dont nous avons cette conversation. Tout se passe à distance. Les choses se font par vidéo, au moyen de divers outils, comme Zoom et ce genre de choses. Je crois que les entreprises s’adaptent à cela. Et, encore une fois, c’est une question d’option. Bon nombre de ces services sont généralement offerts par abonnement. Tout comme on peut augmenter le niveau de service pour faciliter la distanciation nécessaire, c’est assez facile d’éliminer ces options également. Mais je pense que c’est une solution assez intéressante pour de nombreuses entreprises.
Pour ce qui est des tendances de consommation au Canada, y a-t-il des éléments notables?
Vous savez, c’est ce que nous avons tous vécu. Quand on observe les données sur les habitudes de dépenses, les choses à faire à l’extérieur de la maison ont été délaissées au profit des choses à faire à la maison. Toutes les dépenses liées aux voyages, à l’hébergement et aux restraurants sont très, très faibles. On observe une reprise dans certains restaurants, mais pour les voyages, il y a stagnation. En revanche, les gens dépensent beaucoup plus pour l’épicerie et les rénovations, par exemple. Puisqu’on est forcé de rester à la maison pendant un certain temps, beaucoup de gens tentent de rendre leur chez-soi un peu plus confortable, je crois.
Il ne nous reste que quelques minutes, mais compte tenu de ce que nous savons du sondage et des données sur l’emploi, qu’est-ce que les Canadiens devraient retenir de cette nouvelle?
Nous sommes sur la bonne voie, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Nous avons encore environ 1,8 million d’emplois de moins qu’avant. De nombreux problèmes persistent dans de nombreux secteurs. Je crois donc que nous pouvons être un peu optimistes, ou plus optimistes que nous l’aurions été, mais il est très clair que nous devons nous attendre à ce que ce soit long.
Brian, merci beaucoup pour vos explications.
Merci de m’avoir invité.
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