
Les tensions entre les États-Unis et l’Iran ont atteint un point critique à l’issue d’un tir de missiles iraniens contre les forces américaines en Irak en guise de représailles pour l’assassinat du général le plus haut gradé d’Iran. Les pressions croissantes au Moyen-Orient pourraient-elles pousser les prix du pétrole vers les trois chiffres? Et l’or sera-t-il une valeur refuge de choix? Kim Parlee s’entretient à ce sujet avec Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD.
Je suis heureux d’être ici.
Bonne année! Nous pouvons quand même nous souhaiter la bonne année, malgré tout ce qui se passe. J’aimerais commencer par les répercussions sur les prix du pétrole. En effet, ils ont augmenté après l’assassinat du général iranien, puis sont tombés en deçà de leurs niveaux initiaux quand les choses ont semblé se calmer un peu. Qu’en pensez-vous?
Eh bien, nous traversons peut-être une période de répit. Nous étions un peu pessimistes quant au pétrole en novembre, mais nous avons récemment revu nos perspectives à la hausse. En effet, nous prévoyons plus de risques pour le prix du pétrole. Et nous pensons qu’il y a maintenant une prime de risque.
Nous ne prévoyons pas une escalade des hostilités entre les deux pays à ce point. Mais cela est une possibilité. Maintenant, le marché s’attend à de nouveaux développements en 2020. Nous ne sommes pas sûrs qu’il y en aura, mais le risque est là.
KIM PARLEE : Pouvez-vous nous parler un peu plus de ces risques? C’est vrai qu’il y a une prime pour le risque géopolitique au Moyen-Orient, mais de quoi s’agit-il? Qu’est-ce qui pourrait se passer?
BART MELEK : Bien sûr, le marché s’inquiétait que la situation ne dégénère en règlement de compte après l’assassinat du général par les États-Unis. Par exemple, que l’Iran n’attaque des installations en Arabie saoudite. Nous avons des exemples où la capacité de production a été entamée de 5 millions de barils par jour. En fait, ce type de scénario pourrait entraîner une pénurie mondiale de pétrole propulsant facilement le prix du WTI dans la centaine de dollars.
Un autre scénario qui effrayait les marchés était la possibilité d’un arrêt du transit du pétrole du golfe par le détroit d’Ormuz ce qui interromprait le trafic pétrolier. Cela suspendrait la circulation quotidienne de près de 20 millions de barils de distillat et de pétrole. Il serait impossible de les remplacer et cela pourrait créer un énorme déficit sur le marché et sans aucun doute faire augmenter les prix.
D’accord, ce sont les cas où le prix du pétrole pourrait atteindre trois chiffres. Si rien de cela n’arrive, quel serait le prix du pétrole cette année, selon vous?
Alors, il devrait se situer à environ 60 $ pendant le reste de l’année. La prime liée au risque géopolitique, d’environ 4 $, pendant le premier semestre est incluse dans ce prix et elle devrait baisser dans la seconde partie de l’année.
KIM PARLEE : Les investisseurs qui souhaitent profiter de la situation peuvent le faire de différentes manières. Mais de votre côté, que suggérez-vous? Parfois, c’est mieux de regarder. Pour les personnes qui connaissent les produits de base comme vous, même si tous ne pourront pas en profiter, qu’en est-il des FNB, voire des sociétés pétrolières? Comme vous le savez, ce n’est qu’à un certain niveau qu’elles deviennent rentables pour les producteurs.
Évidemment, à ces niveaux, beaucoup de petites sociétés qui étaient en difficulté à 50 $ ou 55 $, ce qui était la limite pour elles, sont maintenant viables. Comme cela dépend de la différence entre le coût et le prix, à 60 $, je pense que de nombreuses petites entreprises de schiste pourront faire des profits tout comme les producteurs à coûts élevés. Plus les prix sont élevés, plus ils sont rentables et devraient également en profiter.
Très bien, nous surveillerons les nouvelles pour voir ce qui se passe. Passons maintenant à l’or, une valeur refuge pour tout le monde évidemment. Le prix de l’or a beaucoup fluctué la nuit dernière et les variations ont été importantes, mais les choses semblent se calmer un peu. Et vous, qu’en pensez-vous? Quelle est la situation pour l’or et quelles sont vos perspectives?
L’or se portait bien avant ces attaques, principalement en raison de l’hypothèse que les taux d’intérêt resteraient très faibles et que la Réserve fédérale et, potentiellement les autres banques centrales continueront de mener des politiques monétaires accommodantes. La Réserve fédérale a injecté des liquidités pour colmater quelques brèches du système. Quoi qu’il en soit, ces mesures ont fourni des liquidités à tout le système.
Et nous sommes également dans un contexte où, oui, la croissance n’atteindra pas des niveaux de récession, selon nous, mais elle sera certainement plus faible que l’année dernière. De plus, il est probable que la Réserve fédérale, en fait, Valeurs Mobilières TD pense que la Réserve fédérale réduira encore deux fois les taux.
À cela s’ajoute le problème des frappes de missiles et de la ruée vers l’or. En fait, le problème est que nous sommes dans une économie qui faiblit en raison du choc négatif lié à l’offre de pétrole. Les prix du pétrole pourraient continuer d’augmenter et ralentir l’économie. Parallèlement, les prix pourraient subir des pressions. Et je pense que la croyance de la majorité était que...
KIM PARLEE : Pardons, vous parlez d’une pression sur les prix de l’or? Non, en fait—
Sur ceux du pétrole.
Ah, l’infla-- d’accord!
--sur l’inflation. Et l’hypothèse est que la Réserve fédérale et les banques centrales à l’échelle mondiale absorberont le choc négatif lié à l’offre grâce à leurs politiques accommodantes. Dans ce cas, vous aurez une baisse des taux réels et des taux faibles. Théoriquement, les prix seront relativement élevés, l’activité économique ralentira et les taux seront maintenus à la baisse, soit un scénario classique de stagflation. Ce qui selon nous, serait favorable à l’or. Par contre, la situation changera quand les risques diminueront.
KIM PARLEE : D’accord. Pour le moment, l’or se situe dans la fourchette de 1 550 à 1 557, je pense. Selon vous, à quel niveau-- enfin, je ne vais pas vous demander une prévision sur l’année, c’est très long. Mais, d’après vous, à court terme, quelle serait la fourchette?
Je pense qu’il y aura probablement une faible correction, le temps que ces tensions soient prises en compte. Essentiellement, les taux d’intérêt devraient rester faibles et les marchés boursiers solides. Ainsi, nous pensons qu’une partie de cette prime disparaîtra.
Qui plus est, ce marché attire énormément d’investisseurs et comprend beaucoup de positions acheteur. Je pense que nous liquiderons certaines d’entre elles, probablement à profit. À long terme, cependant, nous apprécions l’or. Nous l’aimons à un prix de 1 650, mais ce sera probablement vers la fin de l’année.
KIM PARLEE : D’accord, nous aurons le temps de vous revoir pour savoir comment cela se passe. C’est toujours un plaisir de vous recevoir, Bart.
Merci.
- Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base de Valeurs Mobilières TD. Même si le conflit au Moyen-Orient pourrait avoir des répercussions importantes sur l’or, Michael Craig, chef de la répartition des actifs de Gestion de Placements TD, indique que le contexte est très favorable aux marchés boursiers actuellement, car il prévoit une reprise de la croissance. Si vous souhaitez revoir l’entrevue au complet, vous pouvez le faire sur moneytalkgo.com.
[THÈME MUSICAL]