
Anthony Okolie récapitule l’actualité du jour, notamment les dernières nouvelles sur la COVID-19, puis Kim Parlee et le Dr Vipan Nikore, médecin en chef, Groupe Banque TD, discutent de la relance des économies et du niveau de préparation du pays pour faire face à une éventuelle deuxième vague du virus.
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De plus en plus de provinces, et même de pays, commencent à relâcher leurs politiques de confinement pour retrouver une certaine normale, et beaucoup de gens se demandent s’il est sécuritaire de recommencer à sortir.
C’est une excellente question, que je modifierais légèrement. Cette idée de recommencer à sortir – ce n’est pas nécessairement dangereux de sortir en ce moment. Le hic, c’est si beaucoup de gens sortent sans pratiquer la distanciation sociale, et se retrouvent cordés. Plus il y a de gens en société, plus il y a de risques que le virus se répande dans la population. Alors je reformulerais légèrement la question, mais vous me demandez s’il est approprié pour les gens de recommencer à sortir? Je sais que c’est ce qui vous intéresse ici.
La réponse dépend vraiment de la région – de plusieurs facteurs régionaux différents, en fait, comme le nombre de cas, le taux réel de diminution des cas quotidiens, le taux de diminution des décès, la recherche des contacts, en particulier, et la capacité de test de votre région, qui a un rôle critique dans le contrôle du virus. Alors ça dépend.
Si on pense au Nouveau-Brunswick et aux mesures de déconfinement qu’ils ont prises, il n’ont eu aucun décès. Le nombre de cas est en baisse depuis 11 jours. Ils ont agi très rapidement. Alors dans leur cas : oui, le déconfinement est sensé. Si on prend la ville de New York, probablement pas. Tout dépend de la région.
Je soulignerais que quand je vois des gens protester tous en tas, sans pratiquer la distanciation sociale, j’ai moins confiance dans la réussite d’un déconfinement dans cette région puisque la population montre qu’elle ne comprend pas la science derrière la maladie et derrière le virus, et la nécessité de maintenir une distance de six pieds pour réduire le risque de transmission. Je préfère voir une population qui milite pour le déconfinement en s’appuyant sur une diminution du nombre de décès et de cas, et qui continue de pratiquer la distanciation en plus d’avoir un plan réfléchi. Je me sens plus convaincu que si je vois des gens en groupe brandir des pancartes – vous voyez ce que je veux dire.
Oui. Oui, c’est très sensé, et c’est bien dit. Alors dites-moi : si le déconfinement est une question régionale, un enjeu qui devra être traité région par région, qu’est-ce qui se passera quand la 2e, la 3e ou la 4e vague vont frapper? Et je ne crois pas qu’on parle de « si », mais de « quand ». Comment évoluera la situation quand la COVID s’ajoutera à la grippe saisonnière?
Excellente question; très pertinent. Le virus n’a pas changé, alors on peut s’attendre à de nouvelles vagues, et la question est très pertinente.
J’ai été directeur médical d’un hôpital achalandé, et je peux vous dire qu’en période de grippe, la plupart des milieux sont bondés, particulièrement ici, en Ontario, mais aussi un peu partout dans le monde. Le volume supplémentaire à gérer, les files d’attente qui s’allongent, toutes les mesures à mettre en place... Les gens sont souvent – Ce n’est pas le cas partout, mais beaucoup d’hôpitaux atteignent leur capacité maximale en période de grippe, alors ajoutez à cela, pas de petits foyers d’infection, mais un pic de coronavirus, et il y a de quoi s’inquiéter.
J’en tire deux leçons : un, les gens doivent vraiment se faire vacciner contre la grippe cette année pour réduire leurs probabilités de l’attraper, et deux, le système de santé doit se préparer très sérieusement pour l’hiver.
Au sujet des vaccins, on a entendu des nouvelles encourageantes sur le remdesivir, sur certains progrès accomplis, même si on est encore loin d’avoir une réelle solution en main. Mais on observe des hausses sur le marché dès qu’il y a des nouvelles positives. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il en est du point de vue vaccin, le temps que ça pourrait prendre, et ce que ça implique?
Certainement. Premièrement, au sujet du remdesivir, on parle ici d’un traitement. Ceux d’entre nous qui suivent le coronavirus depuis début janvier se souviendront que le remdesivir fait parler de lui depuis longtemps.
Je le vois comme un signe positif de se dire que le remdesivir montre du potentiel depuis janvier, même à petite échelle. C’est beau de voir un essai sur mille sujets qui s’est conclu par des résultats positifs.
Au final, il a un effet sur la durée des symptômes, la durée de l’infection, essentiellement. On passe de 15 à 11 jours selon ce petit bassin de données, ce qui est manifestement encourageant. Quand on y pense, 15 jours, c’est long. Imaginez avoir des symptômes de grippe ou autre chose pendant 15 jours. De pouvoir réduire à 11 – est-ce que ça pourrait faire la différence dans le réseau de la santé, pour soulager les hôpitaux débordés? Peut-être en partie. C’est difficile à dire, mais peut-être dans les milieux vraiment débordés.
Ça pourrait faire toute une différence sur le taux de mortalité. L’écart dans le cadre de l’essai n’était pas très grand statistiquement, seulement une légère diminution, mais à plus grande échelle, l’effet pourrait être plus important. C’était petit, comme essai, mais le fait qu’on ait pu constater une réduction de la durée des symptômes a de quoi encourager. Il reste encore beaucoup d’étapes, on en a souvent parlé.
Il y a des centaines d’autres essais et d’autres solutions qui pourraient émerger, aussi. Mais oui : c’est positif. C’est une bonne nouvelle.
Deuxièmement, il y a la question du vaccin. On a différents candidats, probablement une soixantaine en ce moment. La plupart des gens ont entendu parler de celui d’Oxford, qui est en développement. On parle d’essais sur 6 000 sujets humains, alors encore de quoi se réjouir.
On pourrait avoir environ un million de doses de prêtes d’ici septembre, ce qui est super, mais quand on y pense, c’est loin d’être fait. Il reste que c’est positif.
Je suis optimiste, mais normalement, il faut des années pour développer un vaccin. Il y a eu une étude, il y a sept ou huit ans, sur le délai moyen de développement d’un vaccin, et on parle de dix ans. Les plus rapides, comme celui des oreillons, ont pris quatre ans. Cinq ans, pour celui contre l’ebola.
Alors douze à dix-huit mois, c’est un objectif ambitieux. Je pense qu’on peut y arriver, mais il faut tenir compte de tout ce que ça implique : faire des essais sur de petits groupes, puis des groupes de plus en plus gros. Et puis il y a le volet de fabrication et de distribution à des milliards de personnes dans le monde : tout un défi. Mais j’ai bon espoir. On peut y arriver, mais pas du jour au lendemain. Il faut compter au moins un an.
D’accord. Votre réponse m’éclaire, et c’est vrai que les gens doivent bien saisir la situation. Il me reste une question pour vous. C’est plutôt large comme question, mais je crois que c’est important. Qu’est-ce qui est ignoré dans les conversations actuelles, et qui devrait être abordé en lien avec la COVID-19? Parce que le débat a tendance à tourner autour des mêmes sujets. Qu’est-ce qui vous semble important?
Hum. Je pense à la question du déconfinement. On a parlé des traitements, des vaccins, de l’importance critique des tests et de la recherche de contacts.
Tout ça est essentiel, mais j’ajouterais deux points : d’abord, notre comportement comme société. L’évolution du déconfinement dépend beaucoup du comportement des gens à leur retour au travail, et des systèmes et politiques qui seront mis en place. Si on déconfine et qu’on se retrouve avec des rassemblements de milliers de personnes, le virus sera difficile à contrôler. Imaginez des milliers de personnes à un concert, ou ailleurs.
Et puis, il y a la question des personnes âgées et de celles avec des maladies chroniques : comment les protéger? On apprend beaucoup en ce moment en prenant soin des gens atteints de la COVID. C’est important – si on a instauré la distanciation sociale et même le confinement, c’était pour ralentir le virus, mais aussi pour se donner le temps d’apprendre sur le plan scientifique. Et une question importante demeure : comment prendre soin de nos aînés et des personnes atteintes de maladies chroniques au cours des douze mois et plus avant qu’on ait un vaccin?
Vipan, merci infiniment de votre temps. C’est apprécié.
Ça a été un plaisir.
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