
Le déficit commercial du Canada s’est aggravé pendant la crise de la COVID-19, entraînant une baisse des exportations et des importations bien au-dessous des niveaux observés avant la pandémie. Anthony Okolie et Brian DePratto, économiste principal, Groupe Banque TD, discutent de quelques tendances positives dans la balance commerciale de marchandises et de la viabilité de ces tendances.
Je pense que nous allons dans la bonne direction. Quand on lit ça dans les nouvelles : « un déficit accru d’environ 3,2 milliards de dollars », ce qu’on voit vraiment, c’est une reprise de la chaîne d’approvisionnement. Nous avons constaté une forte augmentation de l’activité du côté des exportations et du côté des importations, mais un peu plus du côté des importations, bien sûr. C’est ce qui explique cet accroissement du déficit. Mais en réalité, nous commençons à voir une légère amélioration, même si nous avons encore beaucoup de chemin à faire, soit environ 20 %, 15 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie pour les exportations et les importations, respectivement. Mais encore une fois, je dirais que c’est plus un signe positif qu’une réelle inquiétude.
Excellent. Quels ont été les principaux moteurs du commerce en juin? Commençons par les exportations.
Bien sûr. Le grand thème, encore une fois, c’est la reprise de la chaîne d’approvisionnement. Et pour le Canada et les États-Unis, notre principal partenaire commercial, le secteur le plus performant, c’est l’automobile. On a donc vu une forte résurgence des livraisons de voitures et de pièces automobiles. Cela représente environ les deux tiers de la hausse des exportations, alors c’est vraiment le point central. On a aussi constaté un gain pour certains métaux, une faible reprise pour l’or et d’autres métaux. Le signal de ce côté-là est un peu moins clair. Mais je pense que si on se concentre sur ce facteur important, c’est vraiment la normalisation des chaînes d’approvisionnement au-delà des frontières.
Où en est notre balance commerciale avec les États-Unis, notre principal partenaire commercial?
Nous commençons à voir une reprise des échanges bilatéraux. Encore une fois, comme le secteur de l’automobile est vraiment le principal moteur, la majeure partie de ce commerce se fait avec les États-Unis. Ce qu’on a vu... on parle ici des données de juin. À la fin de mai et au début de juin, nous avons assisté à la reprise de la production d’un grand nombre de ces principales usines automobiles, ce qui a bien sûr entraîné des livraisons transfrontalières, des chaînes d’approvisionnement bien intégrées et des échanges transfrontaliers multiples. On voit une reprise pour beaucoup d’aspects de ce vaste système. Encore une fois, le déficit lui-même est peut-être un peu trompeur. Ce qui sous-tend ce qu’on voit, c’est la reprise en termes d’activité.
OK, je veux maintenant rester du côté des États-Unis, parce que, récemment, on a beaucoup entendu parler du président Trump, bien sûr, qui a imposé de nouveau des tarifs douaniers de 10 % sur l’aluminium brut canadien. Et le Canada se prépare à réagir en conséquence à ces tarifs douaniers. Quelle est l’importance de cette dernière ligne de négociation?
Tout dépend de votre position. Pour ceux qui travaillent dans l’industrie de l’aluminium, ce sera évidemment pénible. C’est en quelque sorte une impression de déjà-vu, pour ainsi dire. Et surtout en raison des secteurs touchés, nous avons quelques indications qu’il y a un certain changement : étant donné qu’il y a une baisse de la demande pour certains produits, l’envoi de matières premières, pour ainsi dire, a été une sorte de soupape de libération pour une partie de cette capacité. Ce sera donc tout un défi.
De cette vue d’ensemble, c’est un peu moins important que ce qu’on a vu plus tôt, les soi-disant tarifs douaniers en vertu de l’article 232 d’il y a quelques années. On parle ici de moins de 1 % des exportations en 2019. Mais il ne faut pas ignorer ce signal-là. Le nouvel ACEUM, l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, le nouvel accord de libre-échange, n’est en vigueur que depuis environ un mois. Et déjà, nous voyons ces actions qui, au-delà de leur impact immédiat, ramènent une grande partie de l’incertitude que nous avions il y a quelques années. Et on n’en veut pas, même dans des conditions idéales. Et ce n’est certainement pas ce qu’on veut dans les débuts de ce qu’on espère être une reprise économique.
J’aimerais aborder un point que vous avez mentionné. Vous avez dit que les tarifs douaniers seront pénibles. Parlez-vous des exportateurs canadiens ou des fabricants américains?
Je pense que c’est vrai des deux côtés de la frontière. Ce sera pénible pour les Canadiens. Et on l’a vu du côté de l’Association commerciale américaine, d’un grand nombre de fabricants d’aluminium, des gens qui utilisent ces produits, ils ne veulent pas non plus de ces tarifs, n’est-ce pas? Les tarifs douaniers font augmenter les prix. Ils ont un impact négatif sur les consommateurs. Encore une fois, le moins qu’on puisse dire, c’est que les portefeuilles ne sont pas en très bon état. Ce n’est tout simplement pas une situation idéale pour quiconque est touché par ces tarifs.
En fin de compte, qu’est-ce que ces données commerciales vous indiquent sur la trajectoire de la reprise économique au Canada?
Il y a un thème qui ressort de tous les indicateurs économiques ces derniers temps, et pas seulement le commerce. C’est pourquoi on commence à voir que la reprise sera inégale. Dans le cas des exportations, comme on peut le voir dans les données commerciales standards, le secteur de l’automobile, encore une fois, est revenu en force. Si on regarde du côté des services, le tourisme, les services professionnels, c’est une tout autre histoire. C’est encore très difficile, et ça va le rester encore un certain temps, avec toutes les restrictions de voyage, les restrictions aux frontières, ce genre de choses. C’est quelque chose qui peut engendrer des situations très différentes, selon qui vous êtes, votre position et ce que vous faites.
Deuxièmement, je pense que nous assisterons probablement à une reprise en deux parties. Ce qu’on voit en ce moment, c’est un premier rebond plutôt satisfaisant, mais partiel, qui s’est produit au cours de l’été. L’économie commence à rouvrir. Les choses reviennent un peu à la normale. Mais, encore une fois, certains secteurs vont faire face à des restrictions persistantes. Il va y avoir des problèmes de santé, ce genre de choses. Et c’est vrai non seulement pour le commerce, bien sûr, mais aussi de façon plus générale.
Et donc, après les mois d’été, je pense qu’on verra une deuxième phase, qui sera peut-être un peu plus graduelle. On a vu un sprint jusqu’à maintenant. Je pense que ça pourrait devenir un peu plus un marathon à l’automne.
Brian, merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé.
Merci de m’avoir invité.
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