L’année a été difficile pour le marché des véhicules électriques, certains fabricants automobiles ayant réduit leurs investissements dans un contexte de baisse de la demande. Mais s’agit-il d’un léger obstacle ou d’une tendance à long terme? David Mau, vice-président et directeur, Recherche de portefeuilles, Gestion de Placements TD, en discute avec Greg Bonnell de Parlons Argent en direct.
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L'année a été difficile pour le marché des véhicules électriques, certains grands constructeurs ayant réduit leurs investissements dans ce domaine en raison du ralentissement de la demande. Mais s'agit-il d'un simple ralentissement ou d'une tendance à plus long terme? David Mau, de Gestion de placements TD, nous rejoint pour nous en dire plus. Bonjour, David.
Bonjour, Greg. Ça me fait toujours plaisir de passer à votre antenne.
Le secteur des véhicules électriques, c'est fascinant. Depuis 11 à 12 mois, les véhicules électriques paraissaient être l'avenir, et puis quelque chose a changé. -Dites-nous où nous en sommes. -Oui. Pour le marché dans son ensemble, la demande de véhicules électriques a nettement reculé. Nous voyons ce ralentissement. Comme vous l'avez dit, ça a sans doute commencé à mi-chemin de l'année dernière et cela s'est poursuivi cette année. Il s'agit des États-Unis et du Canada ici. Cela ne signifie pas que la croissance des ventes soit négative, simplement, la cadence de la croissance des ventes a beaucoup ralenti. Beaucoup de gens pensent, ou peut-être beaucoup de gens espèrent, qu'il s'agit d'un phénomène temporaire et que nous reviendrons à une tendance positive à long terme. Quant à savoir exactement ce qui se passe dans l'industrie, il semble que le marché soit un peu saturé et que la demande de la part de consommateurs qui ne sont pas des premiers adopteurs a ralenti. Parmi les gros joueurs, Tesla étant au premier plan, Tesla connaît une baisse des ventes cette année, ce qui est une première, c'est du jamais-vu. Il y a un autre grand concurrent: c'est BYD, un constructeur chinois. Cette entreprise-là est sans doute le concurrent le plus féroce de Tesla. BYD vend ses voitures surtout en Chine ou dans le reste de l'Asie, mais BYD n'a pas vu de baisse des ventes. Mais encore une fois, cela est sans doute fonction de son implantation géographique et de son principal marché, car en Asie, et en particulier en Chine, la demande n'a pas ralenti autant qu'en Amérique du Nord. Un autre facteur, BYD vend également des véhicules hybrides, ce qui n'est pas le cas de Tesla, ce qui a été favorable pour ce constructeur car la demande d'hybride a été très forte depuis un ou deux ans.
On a parlé de Tesla. Ford, GM, les autres grands constructeurs automobiles ne voulaient pas laisser Tesla monopoliser le marché, ont produit leurs propres véhicules électriques, mais depuis un an, ces constructeurs ont annoncé que, sans abandonner leur stratégie électrique, ils prenaient un peu de recul et allaient se concentrer sur les véhicules hybrides ou encore des véhicules à moteur à combustion interne pour lesquels il y a toujours une certaine demande. C'est intéressant de voir ce qui se passe en Amérique du Nord. Il n'y a pas un coup d'arrêt, mais peut-être un changement de la répartition du marché.
Oui, c'est tout à fait vrai. Les constructeurs que vous venez d'évoquer ont vu le marché évoluer sous leurs yeux. Ils veulent se ménager un maximum de flexibilité. Flexibilité signifie au niveau de la production. Autrement dit, si la croissance des ventes de véhicules électriques ralentit encore plus, ils vont sans doute ralentir encore plus, réduire encore plus la production de véhicules électriques et augmenter la production d'hybrides plutôt que de réduire autant que prévu la production de véhicules à moteur à combustion interne. Peut-être le rythme de la réduction ralentira-t-il, continuera-t-il à produire ces voitures à essence. Voilà pour les grands constructeurs, mais comme nous le savons ici au Canada, dans le sud-ouest de l'Ontario et une bonne partie des États-Unis, il y a beaucoup de fournisseurs aux grands constructeurs, beaucoup dont nous ne connaissons même pas les noms, qui doivent commencer à s'en ressentir en se demandant ce que les grands constructeurs veulent. Il y a des perturbations dans la chaîne d'approvisionnement de véhicules électriques. En Ontario, il y a une compagnie européenne de matériaux de batterie, Umicore, qui était en train de construire une usine de batteries de véhicules électriques à côté de Kingston. Pas très loin d'où nous sommes à Toronto. Cette compagnie, compte tenu du changement du marché, a récemment décidé de mettre en pause la construction de cette usine puisque l'industrie ne connaît pas une croissance aussi rapide qu'on le pensait. Rappelez-vous que cette usine devait coûter presque 3 milliards de dollars une fois qu'elle était en service, allait créer 600 emplois dans la région de Kingston. Donc ça, ça a un impact réel. Un autre exemple canadien, c'est Magna. Magna est un fabricant canadien de pièces d'automobile qui monte également des automobiles pour des constructeurs. Magna avait un partenariat avec Fisker Automotive, une jeune pousse de véhicules électriques, une compagnie américaine. Fisker a récemment annoncé, au mois de juin, qu'elle déposait son bilan. Ça, cela aura un impact sur Magna, les ventes et les bénéfices futurs de Magna, et non seulement cela, avec la faillite de Fisker, la fin de ce partenariat, Magna va réduire 500 emplois en Autriche. Donc, voilà deux exemples qui sont proches de nous, mais il y en a de nombreux autres d'entreprises qui réduisent la capacité de production existante ou qui retardent leurs dépenses projetées. Cela commence à avoir un impact très réel sur l'économie au niveau de l'emploi et des immobilisations.
Pour en revenir à la Chine, vous avez parlé de BYD, le succès de ce constructeur et d'autres. Cela s'est surtout traduit par des ventes sur le marché chinois. Il semble y avoir des inquiétudes depuis quelques mois parmi les grands constructeurs de chez nous à l'idée que ces voitures pourraient commencer d'être importées ici.
Oui, c'est une préoccupation très réelle. Les gouvernements européens et nord-américains ont réagi en annonçant leurs intentions d'imposer des droits de douane sur les véhicules électriques chinois importés. L'administration Biden a récemment annoncé qu'elle imposerait des droits de douane de 100 % sur les véhicules électriques chinois arrivant en Amérique du Nord. L'Union européenne impose également des tarifs sur les véhicules électriques chinois. Un taux un peu moindre, qui sera de 38 % environ, mais c'est quand même important, et puis le Canada va sans doute suivre l'exemple des États-Unis et imposer un tarif de 100 %, des droits de douane de 100 %, sur les véhicules électriques chinois qui arrivent chez nous. La raison pour laquelle les gouvernements occidentaux envisagent d'imposer des droits de douane, c'est qu'ils considèrent que l'industrie chinoise des véhicules électriques a été déloyalement subventionnée par le gouvernement chinois, donnant aux constructeurs chinois un avantage injuste par rapport à nos constructeurs ici et en Europe. La solution consiste essentiellement à doubler le prix de toute voiture importée, dans l'intention de réduire l'attrait des véhicules électriques chinois pour les consommateurs, compte tenu du fait qu'une fois l'imposition de ces droits de douane de 100 %, le prix de vente de ces véhicules électriques chinois sera comparable aux véhicules électriques de bas de gamme que nous avons aujourd'hui en Amérique du Nord et en Europe.
Ça, c'est incroyable, on double le prix des véhicules électriques chinois et il ne se situe toujours qu'à l'équivalence avec le bas de gamme de notre marché.
Pour être honnête, les véhicules électriques produits par la Chine à l'heure actuelle sont très bons, sont de bonne qualité. Ce n'était peut-être pas le cas il y a cinq ans mais la Chine a réalisé-- les constructeurs d'automobiles chinois ont réalisé des améliorations énormes en matière de qualité de construction, d'expérience de conducteur depuis quelques années. Alors ce que proposent les constructeurs chinois est très concurrentiel.
Dans l'avenir, il y a une menace concurrentielle émanant du marché des véhicules électriques chinois, il y a les droits de douane, le ralentissement de la demande. Si un investisseur envisage le secteur des véhicules électriques et cherche à former une thèse, je ne vois pas de trajectoire claire. Où en serons-nous dans un an, cinq ans, dix ans?
Oui, c'est essentiellement un peu brumeux. Ce que je dirais, je ne crois pas que les véhicules électriques représentent une simple mode. Il s'agit d'une tendance à long terme, d'un changement bien réel dans l'industrie. Il sera toujours difficile de faire des pronostics sur un an ou deux ans, mais si l'on s'inscrit dans le long terme, les perspectives demeurent très positives. Il y aura des hauts et des bas, il y aura des dépôts de bilan, il se passera des choses, mais en définitive, je pense que nous parviendrons au point ce ne sera peut-être pas aussi rapidement que beaucoup de gens le pensent, d'ici dix ou quinze ans, comme on le pronostique communément, cela prendra peut-être 25 ans, mais à un moment donné dans l'avenir, les véhicules électriques deviendront la forme dominante de véhicules, d'automobiles.
Bonjour, Greg. Ça me fait toujours plaisir de passer à votre antenne.
Le secteur des véhicules électriques, c'est fascinant. Depuis 11 à 12 mois, les véhicules électriques paraissaient être l'avenir, et puis quelque chose a changé. -Dites-nous où nous en sommes. -Oui. Pour le marché dans son ensemble, la demande de véhicules électriques a nettement reculé. Nous voyons ce ralentissement. Comme vous l'avez dit, ça a sans doute commencé à mi-chemin de l'année dernière et cela s'est poursuivi cette année. Il s'agit des États-Unis et du Canada ici. Cela ne signifie pas que la croissance des ventes soit négative, simplement, la cadence de la croissance des ventes a beaucoup ralenti. Beaucoup de gens pensent, ou peut-être beaucoup de gens espèrent, qu'il s'agit d'un phénomène temporaire et que nous reviendrons à une tendance positive à long terme. Quant à savoir exactement ce qui se passe dans l'industrie, il semble que le marché soit un peu saturé et que la demande de la part de consommateurs qui ne sont pas des premiers adopteurs a ralenti. Parmi les gros joueurs, Tesla étant au premier plan, Tesla connaît une baisse des ventes cette année, ce qui est une première, c'est du jamais-vu. Il y a un autre grand concurrent: c'est BYD, un constructeur chinois. Cette entreprise-là est sans doute le concurrent le plus féroce de Tesla. BYD vend ses voitures surtout en Chine ou dans le reste de l'Asie, mais BYD n'a pas vu de baisse des ventes. Mais encore une fois, cela est sans doute fonction de son implantation géographique et de son principal marché, car en Asie, et en particulier en Chine, la demande n'a pas ralenti autant qu'en Amérique du Nord. Un autre facteur, BYD vend également des véhicules hybrides, ce qui n'est pas le cas de Tesla, ce qui a été favorable pour ce constructeur car la demande d'hybride a été très forte depuis un ou deux ans.
On a parlé de Tesla. Ford, GM, les autres grands constructeurs automobiles ne voulaient pas laisser Tesla monopoliser le marché, ont produit leurs propres véhicules électriques, mais depuis un an, ces constructeurs ont annoncé que, sans abandonner leur stratégie électrique, ils prenaient un peu de recul et allaient se concentrer sur les véhicules hybrides ou encore des véhicules à moteur à combustion interne pour lesquels il y a toujours une certaine demande. C'est intéressant de voir ce qui se passe en Amérique du Nord. Il n'y a pas un coup d'arrêt, mais peut-être un changement de la répartition du marché.
Oui, c'est tout à fait vrai. Les constructeurs que vous venez d'évoquer ont vu le marché évoluer sous leurs yeux. Ils veulent se ménager un maximum de flexibilité. Flexibilité signifie au niveau de la production. Autrement dit, si la croissance des ventes de véhicules électriques ralentit encore plus, ils vont sans doute ralentir encore plus, réduire encore plus la production de véhicules électriques et augmenter la production d'hybrides plutôt que de réduire autant que prévu la production de véhicules à moteur à combustion interne. Peut-être le rythme de la réduction ralentira-t-il, continuera-t-il à produire ces voitures à essence. Voilà pour les grands constructeurs, mais comme nous le savons ici au Canada, dans le sud-ouest de l'Ontario et une bonne partie des États-Unis, il y a beaucoup de fournisseurs aux grands constructeurs, beaucoup dont nous ne connaissons même pas les noms, qui doivent commencer à s'en ressentir en se demandant ce que les grands constructeurs veulent. Il y a des perturbations dans la chaîne d'approvisionnement de véhicules électriques. En Ontario, il y a une compagnie européenne de matériaux de batterie, Umicore, qui était en train de construire une usine de batteries de véhicules électriques à côté de Kingston. Pas très loin d'où nous sommes à Toronto. Cette compagnie, compte tenu du changement du marché, a récemment décidé de mettre en pause la construction de cette usine puisque l'industrie ne connaît pas une croissance aussi rapide qu'on le pensait. Rappelez-vous que cette usine devait coûter presque 3 milliards de dollars une fois qu'elle était en service, allait créer 600 emplois dans la région de Kingston. Donc ça, ça a un impact réel. Un autre exemple canadien, c'est Magna. Magna est un fabricant canadien de pièces d'automobile qui monte également des automobiles pour des constructeurs. Magna avait un partenariat avec Fisker Automotive, une jeune pousse de véhicules électriques, une compagnie américaine. Fisker a récemment annoncé, au mois de juin, qu'elle déposait son bilan. Ça, cela aura un impact sur Magna, les ventes et les bénéfices futurs de Magna, et non seulement cela, avec la faillite de Fisker, la fin de ce partenariat, Magna va réduire 500 emplois en Autriche. Donc, voilà deux exemples qui sont proches de nous, mais il y en a de nombreux autres d'entreprises qui réduisent la capacité de production existante ou qui retardent leurs dépenses projetées. Cela commence à avoir un impact très réel sur l'économie au niveau de l'emploi et des immobilisations.
Pour en revenir à la Chine, vous avez parlé de BYD, le succès de ce constructeur et d'autres. Cela s'est surtout traduit par des ventes sur le marché chinois. Il semble y avoir des inquiétudes depuis quelques mois parmi les grands constructeurs de chez nous à l'idée que ces voitures pourraient commencer d'être importées ici.
Oui, c'est une préoccupation très réelle. Les gouvernements européens et nord-américains ont réagi en annonçant leurs intentions d'imposer des droits de douane sur les véhicules électriques chinois importés. L'administration Biden a récemment annoncé qu'elle imposerait des droits de douane de 100 % sur les véhicules électriques chinois arrivant en Amérique du Nord. L'Union européenne impose également des tarifs sur les véhicules électriques chinois. Un taux un peu moindre, qui sera de 38 % environ, mais c'est quand même important, et puis le Canada va sans doute suivre l'exemple des États-Unis et imposer un tarif de 100 %, des droits de douane de 100 %, sur les véhicules électriques chinois qui arrivent chez nous. La raison pour laquelle les gouvernements occidentaux envisagent d'imposer des droits de douane, c'est qu'ils considèrent que l'industrie chinoise des véhicules électriques a été déloyalement subventionnée par le gouvernement chinois, donnant aux constructeurs chinois un avantage injuste par rapport à nos constructeurs ici et en Europe. La solution consiste essentiellement à doubler le prix de toute voiture importée, dans l'intention de réduire l'attrait des véhicules électriques chinois pour les consommateurs, compte tenu du fait qu'une fois l'imposition de ces droits de douane de 100 %, le prix de vente de ces véhicules électriques chinois sera comparable aux véhicules électriques de bas de gamme que nous avons aujourd'hui en Amérique du Nord et en Europe.
Ça, c'est incroyable, on double le prix des véhicules électriques chinois et il ne se situe toujours qu'à l'équivalence avec le bas de gamme de notre marché.
Pour être honnête, les véhicules électriques produits par la Chine à l'heure actuelle sont très bons, sont de bonne qualité. Ce n'était peut-être pas le cas il y a cinq ans mais la Chine a réalisé-- les constructeurs d'automobiles chinois ont réalisé des améliorations énormes en matière de qualité de construction, d'expérience de conducteur depuis quelques années. Alors ce que proposent les constructeurs chinois est très concurrentiel.
Dans l'avenir, il y a une menace concurrentielle émanant du marché des véhicules électriques chinois, il y a les droits de douane, le ralentissement de la demande. Si un investisseur envisage le secteur des véhicules électriques et cherche à former une thèse, je ne vois pas de trajectoire claire. Où en serons-nous dans un an, cinq ans, dix ans?
Oui, c'est essentiellement un peu brumeux. Ce que je dirais, je ne crois pas que les véhicules électriques représentent une simple mode. Il s'agit d'une tendance à long terme, d'un changement bien réel dans l'industrie. Il sera toujours difficile de faire des pronostics sur un an ou deux ans, mais si l'on s'inscrit dans le long terme, les perspectives demeurent très positives. Il y aura des hauts et des bas, il y aura des dépôts de bilan, il se passera des choses, mais en définitive, je pense que nous parviendrons au point ce ne sera peut-être pas aussi rapidement que beaucoup de gens le pensent, d'ici dix ou quinze ans, comme on le pronostique communément, cela prendra peut-être 25 ans, mais à un moment donné dans l'avenir, les véhicules électriques deviendront la forme dominante de véhicules, d'automobiles.