
Le gouvernement fédéral canadien a dressé un portrait de la situation économique du pays, revoyant à la hausse le déficit prévu pour cette année, le portant à 382 milliards de dollars. Anthony Okolie et Derek Burleton, économiste en chef adjoint, Groupe Banque TD, discutent de l’ampleur du déficit et des perspectives d’une reprise économique qui s’essouffle.
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- Derek, avant de passer aux nouvelles économiques sur le plan fédéral, nous avons vu ce matin des chiffres assez solides sur le PIB pour le troisième trimestre, mais il y a des inquiétudes quant à savoir si cette tendance va se poursuivre à l’avenir. Qu’est-ce que vous pensez de ça?
- Oui, ce sont des chiffres très solides. Il n’y a pas de doute là-dessus. Cela dit, les chiffres ont été légèrement inférieurs aux attentes. Pour les gros chiffres, on parle de 40 % par rapport à un consensus de 48 %. L’écart semble important, mais ce n’est pas sur une base annualisée.
Il y avait un creux très profond. Et on a vu une belle remontée. On constate toujours une baisse d’environ 5 % par rapport à la période précédant la pandémie. Et l’équivalent aux États-Unis est d’environ 3 %. Le Canada est donc en train de s’en sortir.
Et il ne fait aucun doute que le ralentissement observé en octobre est un peu préoccupant. Je crois que nous avons intégré ça à notre estimation révisée du quatrième trimestre de cette année. On s’attendait à quelque chose autour de 2 % sur une base annualisée. Je pense qu’avec le retour des restrictions, nous allons voir un aplatissement encore plus important en novembre et en décembre. Mais on verra quand même la croissance de 2 % que nous avions prévue.
Mais ce n’est pas surprenant. Les chiffres étaient déjà très bas. La tendance tendait à s’aplatir, même sans restrictions, à mesure que l’on se rapprochait de la pandémie. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire pour que l’économie se remette complètement sur pied.
- Parlant de l’état de l’économie, hier, la Fed, bien sûr, a annoncé ses dernières prévisions de déficit, soit 382 milliards de dollars. C’est près de 40 milliards de dollars de plus que ses estimations de juillet. Quelque chose dans cette annonce vous a-t-il surpris?
- Non, pas vraiment. On savait qu’il y aurait de nouvelles dépenses. On savait que le gouvernement avait laissé entendre qu’il ferait d’autres dépenses, mais il n’a pas fourni beaucoup de détails à ce sujet-là. De ce côté-là, nous allons donc devoir attendre le budget du printemps.
Le déficit pour l’année en cours, qui s’établit à environ 18 % du PIB, se situait dans les estimations. On savait que c’était un chiffre très élevé. Je crois que seul le Royaume-Uni, parmi les grandes économies développées, a surpassé le Canada. Son déficit est d’environ 19 %. Le Canada en est donc là. La dette s’est contractée à un niveau relativement faible. Il y avait donc de la place pour les dépenses.
Je crois que c’est un peu une pomme de discorde avec les États-Unis. Notre économie fonctionne toujours à un niveau inférieur. Par contre, aux États-Unis, les robinets budgétaires ont vraiment été fermés ou, du moins, considérablement ralentis. Au Canada, il est clair qu’avec les dépenses ambitieuses à court terme, le soutien en raison de la pandémie, certains des plans qu’on entrevoit pour l’avenir devraient aider l’économie canadienne à très court terme, ou du moins l’aider à se mettre à niveau. On devrait donc voir une accélération une fois qu’on aura surmonté le problème et, espérons-le, quand le vaccin commencera à être distribué au début de l’année prochaine.
- Étant donné que la dette atteindra un billion de dollars, comment paierons-nous tout ça lorsque la pandémie sera terminée?
- Oui, je crois que ce qu’on espère, c’est que la croissance contribue grandement à réduire le déficit. Et c’est ce qu’espère le gouvernement. Il a publié une projection générale sur cinq ans selon divers scénarios, qui se présente sous forme d’hypothèses économiques. Le déficit diminue, mais il demeure assez élevé. C’est ahurissant! 100 milliards de dollars, en moyenne, au cours des deux prochaines années, ça ne semble pas si élevé, quand on vient de connaître un déficit de presque 400 milliards de dollars. Mais pour ce qui est du PIB, ça reste quelques points, et c’est encore relativement élevé.
Mais je pense que nous avons simplement besoin de plus de substance pour les dépenses, parce qu’il y a des dépenses qu’on peut appliquer et qui peuvent créer une croissance future. Si les services de garde sont améliorés, s’il y a plus de personnes sur le marché du travail, ça peut contribuer à la croissance potentielle. Je crois donc que la qualité des dépenses est plus importante que la quantité, et qu’on peut obtenir un certain rendement sur le plan de la croissance future. Ça va contribuer à réduire le déficit.
Au bout du compte, je crois que nous allons probablement envisager une forme de retenue à l’avenir, et ce n’est pas une chose à laquelle je m’attendrais d’ici un an ou deux. Mais une fois l’économie rétablie, le gouvernement va devoir réduire les dépenses non prioritaires, et ce sera toute une tâche, surtout pour un gouvernement libéral. Ce sera une énorme tâche pour lui.
- Selon vous, quel impact le déficit aura-t-il sur le huard à l’avenir?
- Oui, ces temps-ci, les marchés des changes donnent vraiment un passe-droit quant aux gros déficits. Le fait est que, comme les taux d’intérêt restent bas, la dette demeure très abordable. En fait, beaucoup de... vous savez, avec l’OCDE, le FMI, bon nombre des grands groupes internationaux incitent les gouvernements à dépenser, à profiter des faibles taux d’intérêt, à investir dans des infrastructures vertes, et autres choses du genre. Le gouvernement libéral semble suivre cette recette. Je m’inquiète un peu à savoir si les taux d’intérêt ne vont pas augmenter seulement modestement à l’avenir, comme on prévoit dans notre scénario de base, et c’est un risque auquel tous les gouvernements seront confrontés.
Cela dit, je pense que le Canada n’est pas seul. Les gouvernements enregistrent d’importants déficits budgétaires. Leur endettement est relativement plus élevé que celui du Canada. Le huard n’a pas vraiment réagi aux nouvelles d’hier. Je pense que ça indique qu’il y a d’autres chats à fouetter pour le moment.
- Derek, merci beaucoup pour votre temps.
- Merci. Je l’apprécie.
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- Derek, avant de passer aux nouvelles économiques sur le plan fédéral, nous avons vu ce matin des chiffres assez solides sur le PIB pour le troisième trimestre, mais il y a des inquiétudes quant à savoir si cette tendance va se poursuivre à l’avenir. Qu’est-ce que vous pensez de ça?
- Oui, ce sont des chiffres très solides. Il n’y a pas de doute là-dessus. Cela dit, les chiffres ont été légèrement inférieurs aux attentes. Pour les gros chiffres, on parle de 40 % par rapport à un consensus de 48 %. L’écart semble important, mais ce n’est pas sur une base annualisée.
Il y avait un creux très profond. Et on a vu une belle remontée. On constate toujours une baisse d’environ 5 % par rapport à la période précédant la pandémie. Et l’équivalent aux États-Unis est d’environ 3 %. Le Canada est donc en train de s’en sortir.
Et il ne fait aucun doute que le ralentissement observé en octobre est un peu préoccupant. Je crois que nous avons intégré ça à notre estimation révisée du quatrième trimestre de cette année. On s’attendait à quelque chose autour de 2 % sur une base annualisée. Je pense qu’avec le retour des restrictions, nous allons voir un aplatissement encore plus important en novembre et en décembre. Mais on verra quand même la croissance de 2 % que nous avions prévue.
Mais ce n’est pas surprenant. Les chiffres étaient déjà très bas. La tendance tendait à s’aplatir, même sans restrictions, à mesure que l’on se rapprochait de la pandémie. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire pour que l’économie se remette complètement sur pied.
- Parlant de l’état de l’économie, hier, la Fed, bien sûr, a annoncé ses dernières prévisions de déficit, soit 382 milliards de dollars. C’est près de 40 milliards de dollars de plus que ses estimations de juillet. Quelque chose dans cette annonce vous a-t-il surpris?
- Non, pas vraiment. On savait qu’il y aurait de nouvelles dépenses. On savait que le gouvernement avait laissé entendre qu’il ferait d’autres dépenses, mais il n’a pas fourni beaucoup de détails à ce sujet-là. De ce côté-là, nous allons donc devoir attendre le budget du printemps.
Le déficit pour l’année en cours, qui s’établit à environ 18 % du PIB, se situait dans les estimations. On savait que c’était un chiffre très élevé. Je crois que seul le Royaume-Uni, parmi les grandes économies développées, a surpassé le Canada. Son déficit est d’environ 19 %. Le Canada en est donc là. La dette s’est contractée à un niveau relativement faible. Il y avait donc de la place pour les dépenses.
Je crois que c’est un peu une pomme de discorde avec les États-Unis. Notre économie fonctionne toujours à un niveau inférieur. Par contre, aux États-Unis, les robinets budgétaires ont vraiment été fermés ou, du moins, considérablement ralentis. Au Canada, il est clair qu’avec les dépenses ambitieuses à court terme, le soutien en raison de la pandémie, certains des plans qu’on entrevoit pour l’avenir devraient aider l’économie canadienne à très court terme, ou du moins l’aider à se mettre à niveau. On devrait donc voir une accélération une fois qu’on aura surmonté le problème et, espérons-le, quand le vaccin commencera à être distribué au début de l’année prochaine.
- Étant donné que la dette atteindra un billion de dollars, comment paierons-nous tout ça lorsque la pandémie sera terminée?
- Oui, je crois que ce qu’on espère, c’est que la croissance contribue grandement à réduire le déficit. Et c’est ce qu’espère le gouvernement. Il a publié une projection générale sur cinq ans selon divers scénarios, qui se présente sous forme d’hypothèses économiques. Le déficit diminue, mais il demeure assez élevé. C’est ahurissant! 100 milliards de dollars, en moyenne, au cours des deux prochaines années, ça ne semble pas si élevé, quand on vient de connaître un déficit de presque 400 milliards de dollars. Mais pour ce qui est du PIB, ça reste quelques points, et c’est encore relativement élevé.
Mais je pense que nous avons simplement besoin de plus de substance pour les dépenses, parce qu’il y a des dépenses qu’on peut appliquer et qui peuvent créer une croissance future. Si les services de garde sont améliorés, s’il y a plus de personnes sur le marché du travail, ça peut contribuer à la croissance potentielle. Je crois donc que la qualité des dépenses est plus importante que la quantité, et qu’on peut obtenir un certain rendement sur le plan de la croissance future. Ça va contribuer à réduire le déficit.
Au bout du compte, je crois que nous allons probablement envisager une forme de retenue à l’avenir, et ce n’est pas une chose à laquelle je m’attendrais d’ici un an ou deux. Mais une fois l’économie rétablie, le gouvernement va devoir réduire les dépenses non prioritaires, et ce sera toute une tâche, surtout pour un gouvernement libéral. Ce sera une énorme tâche pour lui.
- Selon vous, quel impact le déficit aura-t-il sur le huard à l’avenir?
- Oui, ces temps-ci, les marchés des changes donnent vraiment un passe-droit quant aux gros déficits. Le fait est que, comme les taux d’intérêt restent bas, la dette demeure très abordable. En fait, beaucoup de... vous savez, avec l’OCDE, le FMI, bon nombre des grands groupes internationaux incitent les gouvernements à dépenser, à profiter des faibles taux d’intérêt, à investir dans des infrastructures vertes, et autres choses du genre. Le gouvernement libéral semble suivre cette recette. Je m’inquiète un peu à savoir si les taux d’intérêt ne vont pas augmenter seulement modestement à l’avenir, comme on prévoit dans notre scénario de base, et c’est un risque auquel tous les gouvernements seront confrontés.
Cela dit, je pense que le Canada n’est pas seul. Les gouvernements enregistrent d’importants déficits budgétaires. Leur endettement est relativement plus élevé que celui du Canada. Le huard n’a pas vraiment réagi aux nouvelles d’hier. Je pense que ça indique qu’il y a d’autres chats à fouetter pour le moment.
- Derek, merci beaucoup pour votre temps.
- Merci. Je l’apprécie.
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