
La faiblesse des taux d’intérêt a contribué à alimenter la surchauffe du marché du logement canadien. Toutefois, Colin Lynch, chef, Placements immobiliers mondiaux à Gestion de Placements TD, affirme à Greg Bonnell que le marché évolue et que les investisseurs pourraient devoir être plus sélectifs dans leurs projets.
- …vous dites à l’auditoire, d’emblée, que l’argent facile, c’est du passé. Vous avez décrit le scénario que nous vivons. Que devons-nous faire maintenant en tant qu’investisseurs? C’est un contexte où il faut se creuser les méninges.
- Tout à fait. Il y a encore beaucoup d’occasions dans le secteur immobilier, et je pense qu’il est important de le noter. Mais si on prend du recul et qu’on examine les 30 dernières années, on a vu une baisse des taux. Par conséquent, certains coûts de financement sont devenus plus intéressants avec les taux qui baissent. Et cela a touché tous les secteurs, qu’il s’agisse des immeubles industriels, des immeubles de bureaux, des centres commerciaux, des immeubles multirésidentiels ou d’habitation.
À partir de maintenant, il faut vraiment réfléchir, examiner les paramètres fondamentaux du bien immobilier, l’emplacement, les loyers, est-ce qu’ils peuvent augmenter au fil du temps? Qu’est-ce qui stimulera la croissance des loyers? En c’est ce qui entraînera une croissance du revenu au final. Et dans un contexte inflationniste, un contexte où les taux d’intérêt sont en hausse, il est très important de repérer les actifs qui présentent un excellent potentiel de croissance du revenu. Et c’est là que se trouve le facteur de différenciation entre ceux qui réussissent et ceux qui ne réussissent pas dans le secteur immobilier.
- L’immobilier est un excellent sujet de discussion parce qu’il a de nombreuses facettes. Vous parlez de l’importance de la réflexion, qu’il faut examiner les données fondamentales et essayer de déterminer la rentabilité, le flux de trésorerie. Certains secteurs de l’immobilier commencent-ils à s’améliorer dans un contexte de hausse des taux?
- Oui. De façon générale, comme je viens de le mentionner, tout actif qui a un bon potentiel de croissance de revenu fonctionnera mieux dans cet environnement. Prenons le cas des immeubles multirésidentiels. Ce sont des immeubles d’habitation. Prenons l’exemple de l’Alberta, où nous avons vu les loyers baisser et maintenant, avec un certain optimisme pour le pétrole et le gaz, le secteur de l’énergie et à l’égard de la croissance de la population. On observe une croissance des loyers parce que plus de gens déménagent en Alberta, ce qui produit une dynamique positive.
Aux États-Unis, dans la Sun Belt, c’est-à-dire Atlanta, Raleigh, Durham, Austin, Dallas, tous ces marchés, on a observé une croissance importante au cours des 20 dernières années dans les populations. Et cela se traduit par une croissance des loyers. Dans le secteur des immeubles multirésidentiels, ce sont des secteurs intéressants.
Pour le commerce de détail, ce qu’on a observé c’est que c’est un secteur très vaste. Il y a des centres commerciaux, dont beaucoup ont été fermés en raison de la COVID, la plupart ont rouvert leurs portes maintenant. Et on voit beaucoup d’« achats de vengeance ». La fréquentation piétonnière est en hausse, tout comme les dépenses.
- Oui, ça m’est arrivé à moi aussi, je m’étais dit que je ne dépenserais pas autant, mais comme ça fait longtemps que je n’ai pas dépensé autant, pourquoi pas? Pourquoi pas?
COLYN LYNCH : Exactement, exactement. Et j’ai aussi fait un peu de magasinage en fin de semaine. Donc on voit ce genre de choses… Par conséquent, certains détaillants commencent à être plus optimistes avec des projets d’expansion, entre autres. Il y a donc un certain optimisme là.
Mais on voit ce qui se passe dans les épiceries. Elles ont connu un formidable essor en 2020, puis en 2021, on s’y est tous rendus pour acheter des articles parce qu’on ne pouvait pas aller au restaurant. Beaucoup d’investisseurs ont considéré les épiceries pour la première fois comme actif permettant d’obtenir un rendement net d’exploitation de 6 %, 7 % ou 8 %. Avec de la stabilité, et cet actif sera probablement là pendant longtemps parce qu’on a tous besoin d’épiceries.
Ce secteur a donc été intéressant et devrait continuer de l’être dans un contexte de hausse des taux parce que le taux de revenu est de 6 %, 7 % et 8 %. Selon nous, ces deux secteurs vont bien se comporter. Il y a aussi le secteur industriel. Qu’est-ce que c’est? Cela concerne tout, des usines légères aux grands centres de distribution, où se trouvent les entrepôts Amazon, les boîtes Amazon, etc.
Là, il est très important de se pencher sur le potentiel de croissance des loyers. Si vous possédez une installation industrielle louée, les baux durent encore 10 ans, les loyers augmentent de 1 % par année et l’inflation est à 5 %, c’est un peu moins intéressant. À l’inverse, si vous possédez une installation dont les loyers augmentent selon l’IPC, avec un très bon emplacement, dans une zone dense ou connectée à une infrastructure routière, c’est plus intéressant. Alors, vraiment, tout dépend de l’espace industriel.
Enfin, on a les bureaux. Dans les bureaux, on a tout…
- ce à quoi certains d’entre nous sont revenus.
COLYN LYNCH : Tout à fait.
- Malgré les tendances générales.
- C’est exact, n’est-ce pas? Et c’est fantastique d’être sur site, même si ce n’est pas le cas pour tout le monde. Et je ne pense pas que la situation sera complètement claire avant au moins quelques mois avant que la crise sanitaire soit complètement derrière nous. Vous devez vraiment vous creuser les méninges, il faut voir quel type de bureau est à l’épreuve du temps.
Ce type de bureau est-il bien situé, bien aménagé et axé sur les facteurs ESG? Ce type de bureau aura un meilleur rendement parce qu’il attire les employés et leur donne une raison de revenir au bureau. Ces bureaux fonctionneront bien. À l’inverse, si vous avez des bureaux plus anciens, moins attrayants à l’intérieur…
- Pourquoi avoir envie d’y revenir? Pourquoi quitter le confort de sa propre maison?
COLYN LYNCH : C’est tout à fait ça. Et si le transport est horriblement cher, ça décourage encore plus les gens de revenir au bureau. Et les locataires le savent. On pense que ces bureaux dans le monde immobilier, que nous appelons catégorie B, catégorie C, seront mis à l’épreuve à l’avenir.
- Je voulais vous demander avant que vous terminiez votre conversation d’ouverture… On est dans un contexte de hausse des taux. C’est ce dont nous parlons. On craint… de toute évidence, les marchés boursiers le reflètent… que les mesures puissantes des banques centrales pourraient entraîner une récession. L’immobilier est-il un refuge en cas de récession? Dans 12 ou 18 mois?
- Excellente question. Les immeubles multirésidentiels ont traditionnellement été un endroit de choix, car, on doit tous vivre quelque part. Et aujourd’hui, à mesure que les taux augmentent, cela devient plus cher d’acheter une maison. Avec la volatilité potentielle des prix des maisons, tout a monté en flèche. Certains réclament une certaine modération ou une certaine dépréciation. Ça fera augmenter la demande d’immeubles multirésidentiels, d’immeubles d’habitation.
S’il y a eu un endroit où se réfugier en cas de récession par le passé, ce sont les appartements. Et je pense qu’il en va de même aujourd’hui. Les appartements seront probablement un espace plus résilient, sans compter…
- qu’il n’y aura pas de dépréciation dans les appartements. Ce sera peut-être le cas. Mais la dépréciation et la volatilité seront moins importantes que dans d’autres secteurs.
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