Le taux d’inflation au Canada a monté à 2,9 % en mai, un niveau plus élevé que prévu. Scott Colbourne, directeur général et chef, Titres à revenu fixe à gestion active, Gestion de Placements TD, examine les répercussions de cette hausse sur la stratégie de taux d’intérêt de la Banque du Canada.
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L'inflation canadienne a été plus forte que prévu pour le mois de mai, ce qui assombrit l'image de ce que la Banque du Canada pourrait faire en matière de taux d'intérêt. Scott Colbourne de Gestion de Placements TD se joint à nous pour en discuter. Bonjour, Scott. - Bonjour, Greg. Des données toutes fraîches à examiner. La Banque du Canada les surveille elle aussi. L'inflation évoluait dans la bonne direction depuis plusieurs mois. À présent, elle a changé de trajectoire. C'était une surprise désagréable pour les marchés. Les obligations à court terme ont baissé, le dollar canadien est mitigé. Les marchés ont modifié leur pronostic pour la réunion du mois de juillet. Il s'agissait de deux chances sur trois d'une réduction de taux au mois de juillet. Maintenant, c'est plutôt une chance sur trois, après la parution de ces données sur l'inflation. Les perspectives sont plus équilibrées, même si l'on n'exclut pas la possibilité d'une réduction de taux. L'IPC se situe dans le haut de la fourchette de 1 à 3%. La banque tient compte également des chiffres annualisés sur trois mois, annualisés sur six mois, et ces chiffres étaient largement inférieurs à 1%. Là, ils ont bondi de 2, 2.25 %. Toute possibilité de réduction de taux n'est pas exclue, mais la prochaine parution de l'IPC est le 16 juillet. La réunion de la Banque est le 24 juillet. Il est possible que si l'inflation est favorable la prochaine fois, il y aura une coupure de taux, mais les chances ont baissé. Toutefois, dans l'ensemble de la situation, les marchés obligataires n'ont pas changé d'avis sur la trajectoire des taux, mais plutôt sur le calendrier. Cela présente des défis pour les investisseurs, par exemple les renouvellements de prêts hypothécaires, mais en définitive, le marché obligataire considère toujours que nous parviendrons à des taux plus bas au cours des deux années à venir. Les détails du rapport aujourd'hui mettent en lumière l'inflation des biens. L'inflation des biens avait beaucoup progressé pendant la pandémie. À présent, c'est l'inflation des services, mais l'on s'inquiétait pendant ce cycle d'augmentation de taux que l'inflation des services serait plus opiniâtre que prévu. Oui, tout le monde s'inquiète de cela. La BCE, la Banque du Canada, la Banque centrale de Suisse, de Suède, toutes ont pratiqué une coupure. La Banque d'Angleterre, cela interviendra en septembre ou en novembre, et la même chose pour la Fed. C'est la même trajectoire. La croissance a reculé au niveau mondial. La situation de chaque pays est particulière. L'inflation a reculé, mais la trajectoire d'assouplissement que toutes ces banques centrales vont suivre dépend de l'inflation des services. Nous pensons qu'elle évolue dans la bonne direction. Le marché du travail est revenu à la normale globalement parlant. Il se porte toujours bien, mais il est en voie de parvenir à un meilleur équilibre. La croissance des salaires se modère. Il s'agit de l'inflation des services qui représente la variable inconnue et c'est cela qui nous incite à la patience. Tout dépendra de la persistance de l'inflation des services. Selon les indicateurs, beaucoup de volets de l'inflation persistante, notamment au niveau du logement, laissent à croire que la trajectoire sera à la baisse, mais cela prend plus longtemps que prévu. Le Canada n'est pas unique en son genre. Nous pensions que nous étions exceptionnels et que le Canada avait obtenu des chiffres bien supérieurs, mais ce chiffre représente une correction de trajectoire et nous place dans une situation moins reluisante par rapport aux autres pays. Oui, c'est la raison pour laquelle on avait remonté si brutalement les taux dans le monde occidental afin de maîtriser l'inflation. Mais quand on considère le marché du travail, l'économie dans son ensemble, dans d'autres secteurs de l'économie canadienne, il y aurait peut-être des arguments plus forts en faveur de coupures de taux. Quand on voit la forte croissance de la population, on constate que nous ne suivons pas vraiment le rythme de la croissance économique. C'est surtout une croissance démographique. Oui, le Canada affiche des résultats décevants. On l'a bien vu dans les chiffres pour le deuxième semestre de 2023, avec une croissance presque nulle à bien des égards, une performance très faible. Les données sur l'inflation semblent laisser à croire que nous avions une trajectoire différente du reste du monde. La croissance est revenue. Il y a eu des surprises positives dans les statistiques, mais la croissance est néanmoins plus faible: 1,5% de croissance réelle pour le reste de l'année. C'est la mesure dans laquelle le Canada obtient des résultats très inférieurs au reste du monde. Cet écart se rétrécit et nous voulons, entre investisseurs, rechercher les possibilités de croissance futures. Vous avez parlé de la réaction du marché obligataire, j'y reviens. Qu'est-ce que cela signifie pour le marché obligataire canadien? Il y a eu une déception aujourd'hui, l'inflation est plus élevée que prévu. La destination ne change pas, c'est la trajectoire. Comment les marchés obligataires réagissent-ils? À l'extrémité à court terme, aujourd'hui, il y a un réajustement à la hausse des rendements à court terme de 5 à 10 points de base pour les rendements à deux ans. C'est donc l'adaptation à très court terme. Mais la trajectoire d'ici un an, deux ans, trois ans, la destination des taux, nous avons commencé à 5%, nous avons réduit à 4.75%. Selon les marchés, d'ici trois ans, la destination sera sans doute entre 3 et 3.25%. Et ce pronostic a été relativement constant. Cette année et l'an dernier, c'est la trajectoire qui nous permettra de parvenir à cet objectif. Essentiellement, le taux terminal est plus élevé. Nous n'allons pas revenir aux taux post grande crise financière, avec des taux réels de zéro. Nous allons sans doute tourner autour de 3%, 3.25% au Canada. Aux États-Unis, peut-être 3.5, 3.75%. Nous avons donc un nouveau taux terminal. Le coût de l'argent sera plus élevé que nous nous y étions habitués, mais nous y parviendrons, au fur et à mesure que l'économie ralentit, que la politique monétaire fait son effet et que la politique budgétaire voit son impact atténué quelque peu. Nous verrons ce qui se produit à la fin de cette année, parce que cela pourrait tout changer en ce qui concerne l'évolution de l'inflation, de la politique budgétaire aussi. Passons justement à la fin de l'année. Que surveillez-vous quant à ce qui pourrait changer? Il est très difficile d'anticiper l'élection. L'élection sera très serrée. Il y a eu des élections cette année au Mexique, en Inde, en Afrique du Sud, dans les marchés émergents. Il y a maintenant une élection surprise en France que personne n'attendait. À mon avis, les réactions ont différé, mais les commentateurs affirmaient que dès le début, c'était prévu par les marchés. Mais dans chaque cas, ce n'est pas prévu. C'est mon avertissement aux investisseurs: ne supposez pas que les marchés ont tout prévu. Soyez très prudent dans la construction de votre portefeuille. Je n'ai pas de connaissances particulières de l'issue de l'élection. Nous pouvons pondérer les possibilités. Pour Trump, ce seront les tarifs douaniers, pour Biden, ce sera la politique budgétaire, mais nous ne le savons pas. Cela pourra vraiment changer la trajectoire et la destination des taux d'intérêt. La prime temporelle du marché obligataire, tout ça, ce sont des variables. Et cela doit influencer le degré de concentration de votre portefeuille. Nous avons arrêté dans le monde occidental de relever les taux, et puis une longue pause s'est ensuivie. Les investisseurs obligataires pourraient se dire: « Je touche mes coupons et j'attends. » Est-ce que c'est encore le message? La Banque Canada a déjà pratiqué une coupure, tandis que nous attendons les autres. Le rendement total des marchés obligataires, quand on tient compte du coupon dans une certaine mesure et surtout Canada, les titres de créance ont donné de bons résultats. La situation est plus mitigée au niveau des taux d'intérêt. La plus-value sur le capital et le rendement total, ça, c'est acceptable. Nous sommes dans un univers où nous pouvons toucher un revenu et c'est acceptable pour les titres à revenu fixe. Il s'agit de choisir les instruments que vous souhaitez et la manière dont vous voulez structurer vos placements à revenu fixe, la mesure dans laquelle vous croyez que vous devez disposer d'un véhicule de couverture en ce qui concerne le risque de duration ou ce que vous voulez dans votre portefeuille, tout crédit ou tout miser sur les taux d'intérêt.