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La Réserve fédérale américaine a relevé les taux d’intérêt de 25 points de base. Mais elle le fait en période d’incertitude et de risque accrus. Anthony Okolie reçoit Scott Colbourne, directeur général, Gestion active des titres à revenu fixe, Gestion de Placements TD, pour discuter des défis uniques auxquels font face les décideurs.
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ANTHONY OKOLIE : La Fed a relevé son taux directeur de 25 points de base aujourd’hui.
C’est la première augmentation depuis 2018 et elle était attendue, mais, Scott, qu’est-ce qui vous a marqué aujourd’hui?
SCOTT COLBOURNE: Tony, la Fed a certainement été ferme. Comme vous l’avez dit, on s’attendait à ce qu’elle augmente les taux de 25 points de base. Le président Powell nous en avait fait part début mars. Cela dit, il y a également eu beaucoup de surprises. Tout d’abord, un désaccord. Le gouverneur Bullard voulait une augmentation de 50 points de base aujourd’hui, on a donc été surpris par le choix des 16 membres.
Et puis, nous discuterons certainement des prévisions. La voie est désormais tracée pour des hausses de taux beaucoup plus importantes que ce que le marché prévoyait.
ANTHONY OKOLIE : Parlons un peu des graphiques à points de la Fed parce que, comme vous l’avez mentionné, ils sont un peu plus audacieux. Ils prévoient maintenant six autres hausses de taux cette année et peut-être trois ou quatre hausses de taux supplémentaires en 2023, ce qui, comme vous l’avez dit, est plus musclé que les prévisions. Quelle a été la réaction des marchés jusqu’à maintenant?
SCOTT COLBOURNE: Les marchés en ont certainement pris bonne note. C’est une réaction ferme. Comme vous l’avez dit, il y a eu sept hausses au total cette année. Donc, à la réunion de décembre, on avait trois, trois et deux sur 2022-2023 et 2024. Et on est passé de sept à trois, puis rien. Les taux à court terme devraient donc atteindre un sommet en 2023, puis 2,75 en 2024.
C’est donc la médiane du graphique à points. Mais beaucoup de personnes s’attendent à plus. Cela indique clairement au marché, et le marché a bien entendu que la Fed durcit le ton. Les choses doivent changer. L’orientation actuelle de la politique monétaire n’a aucun sens, compte tenu du niveau d’inflation, de croissance et de chômage.
La courbe des taux s’est donc aplatie. Donc, à court terme, deux ans, cinq ans, l’augmentation a été de 10 à 15 points de base immédiatement après l’annonce. La courbe des taux s’est aplatie. Les taux à long terme ont augmenté un peu, mais moins. C’est ce à quoi on peut s’attendre. Nous nous attendons à ce que la courbe des taux continue de s’aplatir.
Ce qui m’a un peu surpris, c’est la baisse du taux final. Ainsi, lors de la dernière réunion en décembre, la médiane à long terme du taux des fonds fédéraux était de 2 1/2. Maintenant, elle est à 2,4. Ce qu’il faut vraiment retenir, c’est la différence entre 2022 et 2023, et 2024, pardon, et le taux final.
La politique est donc plus restrictive que le taux directeur attendu à long terme. Voilà un autre signal de la Fed : elle indique qu’elle veut bel et bien freiner l’inflation et ralentir les choses.
ANTHONY OKOLIE : Et la Fed semble maintenir un équilibre très serré parce qu’on craint de plus en plus que sa tentative de lutte contre l’inflation puisse aussi nuire à la croissance, à la croissance économique. Et de plus en plus de gens évoquent la possibilité d’une récession. Quelle est l’ampleur du risque?
SCOTT COLBOURNE: Oui, c’est un risque réel. Il est certain que la courbe s’aplatit, et c’est toujours un signe auquel la plupart d’entre nous, en tant qu’investisseurs, portons attention. Si nous atteignons 2,75 et que les taux à 10 ans et à 30 ans augmentent dans cette fourchette, cela indique clairement que l’économie et la courbe des taux sont stables.
Je pense donc que la tension pour la Fed réside entre, pour reprendre les mots de l’an dernier, la tension entre l’élément transitoire du choc de l’offre menant à l’inflation et la réduction prévue de cette dernière au cours de cette année et de l’année prochaine, et le fait d’avoir à freiner sur l’économie avec un resserrement des conditions financières ou un resserrement de la politique monétaire simplement pour ralentir l’économie et la demande globale.
Dans l’ensemble, je pense que la Fed privilégie l’élément transitoire, mais la politique évolue et s’ajustera et elle est claire avec 50 points de base… chaque réunion est en direct. On peut avoir 50 points de base à n’importe quelle réunion. Il y a donc une tension réelle sur le marché. Il n’y a pas de réponse claire, mais c’est certainement une excellente question, et c’est ce que doivent gérer les marchés.
ANTHONY OKOLIE : Autre fait marquant : la Fed a décidé de ne pas commencer à réduire son bilan de 9 000 milliards de dollars à cette réunion. Qu’est-ce qui a motivé cette décision d’attendre?
SCOTT COLBOURNE: Eh bien, je pense qu’elle ne veut pas jouer toutes ses cartes. Elle resserre sa politique monétaire. Elle a été plus agressive et a surpris le marché. Elle nous a dit que… par le passé, elle préférait réduire le bilan un peu comme en pilote automatique, de manière naturelle.
Mais elle peut changer l’approche de réduction du bilan. Et cela pourrait être un autre élément du resserrement de la politique monétaire. Nous aurons probablement plus de détails à la prochaine réunion, en mai, une hausse en mai et les détails sur le RQ. Mais pour le moment, elle a certainement indiqué au marché qu’elle était très agressive sur l’orientation de la politique monétaire.
ANTHONY OKOLIE : J’aimerais parler un peu des risques quant à ses perspectives. Nous avons l’inflation. Nous avons le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Selon vous, quels sont les autres risques importants qui pèsent sur l’approche de la Fed sur les taux d’intérêt en ce moment?
SCOTT COLBOURNE: Oui, nous avons des difficultés, comme la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Il y a le choc de la COVID en Asie et en Chine. Des marchés financiers secoués et beaucoup d’incertitude. Il y a beaucoup d’incertitude dans les prévisions et l’élaboration des politiques. Mais je pense qu’en général, on en parle avec certains de nos collègues des autres services, comme les actions de répartition des actifs, nous entrons dans un régime de surprises et de chocs inflationnistes.
Contrairement à la capacité des banques centrales de faire face aux chocs du marché lorsque l’inflation était vraiment maîtrisée, nous avons la stratégie de la Fed, ou le soutien aux marchés financiers. Dans ce cas, l’inflation est une variable clé de la politique monétaire de la Fed, et elle ne va pas dans la bonne direction.
On ne peut pas compter sur la stratégie et la protection de la Fed. Nous avons donc beaucoup plus d’incertitude pour les marchés financiers et les rendements financiers futurs.
ANTHONY OKOLIE : J’aimerais aussi parler du dollar américain. Nous avons observé un léger rebond après l’annonce. À votre avis, comment le billet vert va-t-il évoluer?
SCOTT COLBOURNE: Je pense que le soutien du dollar américain va continuer, en particulier par rapport aux banques centrales qui ne répondent pas de la même façon que la Fed. De toute évidence, la Banque du Japon et, dans une moindre mesure, la Banque centrale européenne également.
Des pressions s’exerceront probablement sur l’Europe, sur l’euro, ce que nous appelons les programmes de financement, par rapport au dollar. Cela dit, le soutien général aux produits de base, le choc de l’offre sur les produits de base, stimule l’ajustement des échanges commerciaux dans un certain nombre de marchés émergents, ainsi qu’au Canada, en Australie et en Norvège, par exemple.
Il y aura donc un contre-courant, disons avec le dollar canadien, qui est soutenu par une banque centrale qui répondra à la hausse de l’inflation et l’essor des produits de base mais contre l’agressivité de la Fed. Nous maintenons donc la relation entre dollars américains et dollars canadiens, avec un niveau légèrement plus fort pour les dollars canadiens.
ANTHONY OKOLIE : Scott, merci beaucoup d’avoir répondu à ces questions.
SCOTT COLBOURNE: Je vous en prie. C’est toujours un grand plaisir d’être là, avec vous. Merci.
[MUSIQUE]
C’est la première augmentation depuis 2018 et elle était attendue, mais, Scott, qu’est-ce qui vous a marqué aujourd’hui?
SCOTT COLBOURNE: Tony, la Fed a certainement été ferme. Comme vous l’avez dit, on s’attendait à ce qu’elle augmente les taux de 25 points de base. Le président Powell nous en avait fait part début mars. Cela dit, il y a également eu beaucoup de surprises. Tout d’abord, un désaccord. Le gouverneur Bullard voulait une augmentation de 50 points de base aujourd’hui, on a donc été surpris par le choix des 16 membres.
Et puis, nous discuterons certainement des prévisions. La voie est désormais tracée pour des hausses de taux beaucoup plus importantes que ce que le marché prévoyait.
ANTHONY OKOLIE : Parlons un peu des graphiques à points de la Fed parce que, comme vous l’avez mentionné, ils sont un peu plus audacieux. Ils prévoient maintenant six autres hausses de taux cette année et peut-être trois ou quatre hausses de taux supplémentaires en 2023, ce qui, comme vous l’avez dit, est plus musclé que les prévisions. Quelle a été la réaction des marchés jusqu’à maintenant?
SCOTT COLBOURNE: Les marchés en ont certainement pris bonne note. C’est une réaction ferme. Comme vous l’avez dit, il y a eu sept hausses au total cette année. Donc, à la réunion de décembre, on avait trois, trois et deux sur 2022-2023 et 2024. Et on est passé de sept à trois, puis rien. Les taux à court terme devraient donc atteindre un sommet en 2023, puis 2,75 en 2024.
C’est donc la médiane du graphique à points. Mais beaucoup de personnes s’attendent à plus. Cela indique clairement au marché, et le marché a bien entendu que la Fed durcit le ton. Les choses doivent changer. L’orientation actuelle de la politique monétaire n’a aucun sens, compte tenu du niveau d’inflation, de croissance et de chômage.
La courbe des taux s’est donc aplatie. Donc, à court terme, deux ans, cinq ans, l’augmentation a été de 10 à 15 points de base immédiatement après l’annonce. La courbe des taux s’est aplatie. Les taux à long terme ont augmenté un peu, mais moins. C’est ce à quoi on peut s’attendre. Nous nous attendons à ce que la courbe des taux continue de s’aplatir.
Ce qui m’a un peu surpris, c’est la baisse du taux final. Ainsi, lors de la dernière réunion en décembre, la médiane à long terme du taux des fonds fédéraux était de 2 1/2. Maintenant, elle est à 2,4. Ce qu’il faut vraiment retenir, c’est la différence entre 2022 et 2023, et 2024, pardon, et le taux final.
La politique est donc plus restrictive que le taux directeur attendu à long terme. Voilà un autre signal de la Fed : elle indique qu’elle veut bel et bien freiner l’inflation et ralentir les choses.
ANTHONY OKOLIE : Et la Fed semble maintenir un équilibre très serré parce qu’on craint de plus en plus que sa tentative de lutte contre l’inflation puisse aussi nuire à la croissance, à la croissance économique. Et de plus en plus de gens évoquent la possibilité d’une récession. Quelle est l’ampleur du risque?
SCOTT COLBOURNE: Oui, c’est un risque réel. Il est certain que la courbe s’aplatit, et c’est toujours un signe auquel la plupart d’entre nous, en tant qu’investisseurs, portons attention. Si nous atteignons 2,75 et que les taux à 10 ans et à 30 ans augmentent dans cette fourchette, cela indique clairement que l’économie et la courbe des taux sont stables.
Je pense donc que la tension pour la Fed réside entre, pour reprendre les mots de l’an dernier, la tension entre l’élément transitoire du choc de l’offre menant à l’inflation et la réduction prévue de cette dernière au cours de cette année et de l’année prochaine, et le fait d’avoir à freiner sur l’économie avec un resserrement des conditions financières ou un resserrement de la politique monétaire simplement pour ralentir l’économie et la demande globale.
Dans l’ensemble, je pense que la Fed privilégie l’élément transitoire, mais la politique évolue et s’ajustera et elle est claire avec 50 points de base… chaque réunion est en direct. On peut avoir 50 points de base à n’importe quelle réunion. Il y a donc une tension réelle sur le marché. Il n’y a pas de réponse claire, mais c’est certainement une excellente question, et c’est ce que doivent gérer les marchés.
ANTHONY OKOLIE : Autre fait marquant : la Fed a décidé de ne pas commencer à réduire son bilan de 9 000 milliards de dollars à cette réunion. Qu’est-ce qui a motivé cette décision d’attendre?
SCOTT COLBOURNE: Eh bien, je pense qu’elle ne veut pas jouer toutes ses cartes. Elle resserre sa politique monétaire. Elle a été plus agressive et a surpris le marché. Elle nous a dit que… par le passé, elle préférait réduire le bilan un peu comme en pilote automatique, de manière naturelle.
Mais elle peut changer l’approche de réduction du bilan. Et cela pourrait être un autre élément du resserrement de la politique monétaire. Nous aurons probablement plus de détails à la prochaine réunion, en mai, une hausse en mai et les détails sur le RQ. Mais pour le moment, elle a certainement indiqué au marché qu’elle était très agressive sur l’orientation de la politique monétaire.
ANTHONY OKOLIE : J’aimerais parler un peu des risques quant à ses perspectives. Nous avons l’inflation. Nous avons le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Selon vous, quels sont les autres risques importants qui pèsent sur l’approche de la Fed sur les taux d’intérêt en ce moment?
SCOTT COLBOURNE: Oui, nous avons des difficultés, comme la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Il y a le choc de la COVID en Asie et en Chine. Des marchés financiers secoués et beaucoup d’incertitude. Il y a beaucoup d’incertitude dans les prévisions et l’élaboration des politiques. Mais je pense qu’en général, on en parle avec certains de nos collègues des autres services, comme les actions de répartition des actifs, nous entrons dans un régime de surprises et de chocs inflationnistes.
Contrairement à la capacité des banques centrales de faire face aux chocs du marché lorsque l’inflation était vraiment maîtrisée, nous avons la stratégie de la Fed, ou le soutien aux marchés financiers. Dans ce cas, l’inflation est une variable clé de la politique monétaire de la Fed, et elle ne va pas dans la bonne direction.
On ne peut pas compter sur la stratégie et la protection de la Fed. Nous avons donc beaucoup plus d’incertitude pour les marchés financiers et les rendements financiers futurs.
ANTHONY OKOLIE : J’aimerais aussi parler du dollar américain. Nous avons observé un léger rebond après l’annonce. À votre avis, comment le billet vert va-t-il évoluer?
SCOTT COLBOURNE: Je pense que le soutien du dollar américain va continuer, en particulier par rapport aux banques centrales qui ne répondent pas de la même façon que la Fed. De toute évidence, la Banque du Japon et, dans une moindre mesure, la Banque centrale européenne également.
Des pressions s’exerceront probablement sur l’Europe, sur l’euro, ce que nous appelons les programmes de financement, par rapport au dollar. Cela dit, le soutien général aux produits de base, le choc de l’offre sur les produits de base, stimule l’ajustement des échanges commerciaux dans un certain nombre de marchés émergents, ainsi qu’au Canada, en Australie et en Norvège, par exemple.
Il y aura donc un contre-courant, disons avec le dollar canadien, qui est soutenu par une banque centrale qui répondra à la hausse de l’inflation et l’essor des produits de base mais contre l’agressivité de la Fed. Nous maintenons donc la relation entre dollars américains et dollars canadiens, avec un niveau légèrement plus fort pour les dollars canadiens.
ANTHONY OKOLIE : Scott, merci beaucoup d’avoir répondu à ces questions.
SCOTT COLBOURNE: Je vous en prie. C’est toujours un grand plaisir d’être là, avec vous. Merci.
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