
Le repli des marchés de cette semaine a effacé en grande partie les gains enregistrés depuis le début de l’année, entraînant les grands indices dans un mouvement qui s’apparente à une correction. Toutefois, les perspectives ne sont pas que mauvaises, surtout en ce qui a trait aux bénéfices des entreprises américaines. Kim Parlee en discute avec Damian Fernandes, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD.
Comme nous l’avons vu, la liquidation de cette semaine a anéanti une bonne partie des gains de l’année et on a assisté à une correction ou quasi-correction des indices. Mon prochain invité va nous expliquer pourquoi l’avenir n’est pas si sombre en particulier aux États-Unis. Il s’agit de Damian Fernandes. Il est gestionnaire de portefeuille À Gestion de Placements TD.
Je suis ravi de vous accueillir.
Merci Kim.
Commençons par aborder-- ce dont nous avons parlé avec David et de ce que j’appellerais le profil de bénéfices.
La période est agitée.
Il a évoqué le fait qu'il s'agit plus d'un accroc que d’un anéantissement des bénéfices à l’heure actuelle. Et je crois comprendre que c'est aussi votre point de vue. Quand vous dites de ne pas écarter d’éventuels bénéfices aux États-Unis.
Je suis tout à fait d’accord. Je pense qu’il s’agit d’un simple accroc, semblable à ceux observés ces dix dernières années. Repensons aux dix dernières années, prenons un peu de recul et examinons l’ensemble de la situation. Nous avons assisté, contrairement aux manchettes qui circulent, et malgré le contexte macroéconomique et les propos négatifs que vous entendez, à une explosion des bénéfices.
La vigueur des marchés boursiers tient aux excellents bénéfices aux États-Unis
KIM PARLEE: Voyons le graphique, que vous avez apporté. Je pense qu’un graphique-- vaut mille mots. Nous pouvons l’afficher juste ici. Il montre la croissance des bénéfices par région. Et vous avez raison. Les États-Unis font bonne figure.
DAMIAN FERNANDES: Oui, c’est vrai. Et Kim, en fait, la ligne blanche représente les États-Unis, qui ont surclassé leurs homologues, la ligne rouge représentant la Chine, de 100 points environ. Nous avons assisté à une explosion des bénéfices.
Voilà pourquoi les marchés sont en hausse. Ces autres lignes, représentent d’autres régions-- la Chine, le Canada, la zone EAEO. Ces marchés ont tiré de l’arrière parce qu’ils n’ont pas enregistré les mêmes bénéfices qu’aux États-Unis.
Donc, je pense qu’il est important de se demander si la crise que nous traversons que nous traversons actuellement nuit aux perspectives de bénéfices à long terme. En fin de compte, comme David, votre invité, l’a mentionné, nous ne connaissons pas encore l’impact sur le trimestre suivant.
Il y a encore beaucoup d’incertitudes. Tous les scénarios restent possibles. Mais est-ce que cette crise va nuire à la capitalisation des bénéfices et des revenus?
KIM PARLEE: Qu’en pensez-vous?
Je ne pense pas que ce sera le cas. Je ne le pense pas pour quelques raisons. Je ne le crois pas, car aux États-Unis, sauf si la consommation est touchée, qui a été le moteur qui a généré une bonne partie de ces bénéfices ces dernières années, nous aurons peut-être quelques accrocs pendant ce trimestre seulement.
Par exemple, Microsoft a annoncé après la clôture aujourd’hui qu’elle prévoyait au T3 donc pour ce trimestre, des résultats inférieurs aux attentes parce qu’elle ne peut pas vendre beaucoup de SurfacePad. Elle fabrique ses SurfacePad en Chine. L’approvisionnement est sous tension.
Elle a donc corrigé ses prévisions du T1. Le restant de l’année n’est pas visé. Je pense donc que c’est ce qu’il faut garder à l’esprit.
Je crois aussi que les décideurs, soit les gouvernements ou les banques centrales, veulent agir. Ils ont les outils nécessaires. Comme l’illustre la reprise à Hong Kong après les mesures de relance budgétaire, ils sont prêts à agir et à prendre des mesures de relance. Je pense que c’est donc prometteur.
KIM PARLEE: Il y a une question que j’aimerais vous poser. Peut-on s’attendre à des annonces catastrophiques de certaines sociétés? Elles vont bien devoir émettre quelques mises en garde. N’est-il pas dans leur intérêt d’annoncer les mauvaises nouvelles dans la foulée?
DAMIAN FERNANDES: Voyons. Les équipes de direction ont toujours cherché à battre leurs estimations. C’est ce qu’elles ont intérêt à faire.
Mais que faire si l’inverse se produit?
Exactement. Si vous ne pouvez pas les dépasser, ne faut-il pas fixer les attentes au plus bas? Un bon exemple de cela est une société du secteur des paiements que nous estimons comme MasterCard ou Visa. MasterCard a annoncé il y a deux jours qu’elle allait revoir ses prévisions à la baisse pour l’année. Elle prévoyait une hausse à deux chiffres. Elle prévoit maintenant un résultat à un chiffre élevé. Donc 8 à 10%, soit une baisse de 3 ou 4 points pour MasterCard.
Est-ce une bonne raison de se départir d’une société de paiement comme MasterCard ou Visa? Les occasions pour ces sociétés restent énormes, tant que les gens continueront à avoir de l’argent, car c’est un gage de croissance pour elles.
KIM PARLEE: Tout à fait. C’est une goutte d’eau dans l’océan. C’est ce que je pense aussi.
Exactement.
Je voudrais aborder un autre point. Vous nous avez apporté un autre graphique que je trouve intéressant. Nous allons le montrer afin que tout le monde puisse l’examiner. La thèse est que les bénéfices font grimper les cours. Si vous croyez que les bénéfices vont dans le bon sens, c’est ce que nous voyons.
DAMIAN FERNANDES: Kim, c’est l’un de mes graphiques préférés. La ligne blanche que vous voyez ici, -- la ligne blanche juste là-- c’est le bénéfice par action, alors voilà, nous allons le noter ici. Le bénéfice par action.
Et voilà ce qui s’est passé ces dix dernières années. Il est passé de 80 à 180. Il a donc plus que doublé. La hausse marquée des marchés s’explique par la trajectoire des bénéfices.
Fait encore plus intéressant à mon avis, si on pense aux dix dernières années, pendant cette période, les taux ont chuté. La solution de rechange aux actions pour les investisseurs plus prudents, ce sont les obligations gouvernementales. Toutefois, les gains sont importants ici. Les bénéfices sont le numérateur du ratio bénéfice/cours.
Le risque que vous prenez en détenant des actions est récompensé. Les avantages sont importants compte tenu de la faiblesse des taux. D’après moi, c’est ce que nous perdons.
Pourtant, si on observe la trajectoire de cette ligne blanche, et même si nous voyons un creux ici actuellement, ce qui est normal étant donné que les sociétés baissent leurs estimations, je ne pense que la trajectoire va changer. Pour nous, c’est ce qui compte vraiment. Nous ne savons pas comment les marchés vont évoluer au prochain trimestre, mais nous sommes assez confiants que la trajectoire des bénéfices ne changera pas. Sur le long terme, ce qui concerne beaucoup d’investisseurs, nous restons confiants.
L’autre point que je voulais aborder avec vous est le suivant-- Nous savons qu’il y aura des répercussions. Parlons-nous ici d’un trimestre? De deux trimestres? De dix trimestres? De 11 trimestres? Qu’en pensez-vous? Je sais que nous n’avons pas encore toutes les données en main. Toutefois, d’après ce que vous voyez, quel est votre avis?
D’après ce que les sociétés ont annoncé pour le moment, ce trimestre va être décevant, selon le secteur. Par exemple, United Airlines a annoncé une année en berne tout récemment. Elle n’est pas certaine des répercussions. La société nous dit aussi—
KIM PARLEE: De plus, les marges dans ce secteur d’activités sont faibles.
C’est vrai – les compagnies aériennes. Ce qu’il faut voir ici selon elle, c’est le nœud du problème-- les compagnies aériennes, les hôteliers, les casinos, et les dépenses de voyages. Tout pourrait être ramené à zéro.
C’est pourtant une petite partie, non? C’est pourquoi le marché américain est intéressant. Et c’est probablement une bonne occasion de parler du fait qu’il y a peu de tout cela ou de secteurs liés aux produits de base; par exemple, le pétrole était en baisse aujourd’hui. Et les produits de base sont sous pression, car la demande suscite des préoccupations.
Mais les répercussions sur le marché américain sont limitées. Ce marché suit le rythme de la croissance à long terme plutôt qu’un rythme cyclique, et c’est ce qui fait son attrait pour nous.
Votre graphique est excellent. Je faisais allusion à un autre point juste avant la pause. Un changement structurel est intervenu; ce que l’indice nous montre, ce que font les sociétés. Cela transparaît dans la rentabilité. Alors voyons cela. C’est ce qu’on appelle-- dans votre graphique-- une « Explosion de la rentabilité ». C’est l’autre raison pour laquelle vous pensez qu’il y a des raisons d’être rassuré?
DAMIAN FERNANDES: Oui, tout à fait. Notre équipe privilégie les fondamentaux. Nous croyons que la valeur d’une entreprise repose sur les liquidités qu’elle génère ou sa marge de flux de trésorerie disponibles. Si on prend un revenu de 100 $ il y a dix ans, on obtient un flux de trésorerie de 5 $-- soit, ce qui revient à l’investisseur.
Regardez ce qui s’est passé. Le flux de trésorerie n’a-t-il pas explosé? Avec ce même revenu de 100 $, vous doublez le flux de trésorerie généré. Votre rentabilité a doublé. Pourtant, les gens s’inquiètent. Aujourd’hui, les sociétés ont atteint des niveaux records de rentabilité en termes de génération de flux de trésorerie.
KIM PARLEE: C’est intéressant aussi parce qu’on parle ici de ce que font ces sociétés et de qui le fait. Plus c’est grand, mieux c’est, et puis il y a évidemment l’omniprésence des titres technologiques.
Oui, c’est tout à fait le cas, car les grandes sociétés du marché américain sont des entreprises technologiques dont l’investissement en immobilisations est faible et qui dépendent d’autres facteurs que le coronavirus ou le Brexit. Par exemple, Amazon est dépendante de l’infonuagique et du commerce en ligne.
Le coronavirus, le Brexit, la crise des dettes européennes pèsent sur ses marges. Par contre, ses activités essentielles affichent une croissance élevée. Ces grandes sociétés forment l’essentiel du marché. C’est ce qui soutient ces gains.
KIM PARLEE: Examinons un graphique que vous avez apporté. Il s’intitule « Plus c’est grand, mieux c’est. » Il est un peu difficile à lire à l’écran. Damian me dit qu’il y a trop de chiffres. Je voudrais tout de même vous le montrer.
Vous voyez ici qu’il présente les 20 principales sociétés du S&P 500. Il s’agit des bénéfices du T4. C’est un graphique intéressant, mais je vais vous laisser nous expliquer pourquoi. C’est un graphique fascinant.
DAMIAN FERNANDES: Commençons par mettre en avant quelques points-- Faites abstraction des chiffres un instant. Cinq sociétés technologiques sont en tête. Leurs bénéfices progressent à ce taux au T4. En moyenne, Amazon est au bas de l’échelle. Apple, comme il s’agit pour elle d’un nouveau cycle, a progressé de 19 %.
Apple vaut 1 400 milliards de dollars. C’était il y a une semaine de cela. Ce que j’entends par plus c’est plus grand, mieux c’est, c’est que la fortune de ces sociétés chefs de file provient de leurs activités. Leur modèle est relativement hermétique aux préoccupations macroéconomiques mondiales.
Elles en sont tributaires tout de même. Toutefois, elles sont aussi très rentables. Elles n’ont pas de dette. Elles bénéficient de marges importantes. Elles n’ont pas besoin d’un investissement en immobilisations important. C’est exaltant.
KIM PARLEE: Et ce que je remarque alors que nous discutons, c’est ce 4.3 juste en bas. C’est la croissance des bénéfices du S&P, non? Dites-le moi—
DAMIAN FERNANDES: Non, non. C’est la contribution des 20 grands titres du marché américain à la croissance.
KIM PARLEE: D’accord. Et le résultat total des cinq plus grands est encore supérieur à cela.
DAMIAN FERNANDES: Oui, exactement. La somme de tout ceci est bien supérieure. Pour être clair, au T4, les bénéfices aux États-Unis vont avoisiner 3 %. En résumé, les cinq grandes sociétés ont généré la majorité des bénéfices. Ce sont les autres secteurs, la baisse de celui des produits de base, qui font reculer l’ensemble de l’indice.
Je trouve cela intéressant lorsqu’on pense à la façon dont le monde a changé. Il y a 10 ans, ou juste avant la crise, les cinq plus grandes sociétés faisaient partie du secteur des produits de base. Je pense à Exxon, aux banques, aux sociétés moins rentables aux sociétés aux effets du cycle des produits de base.
Les choses ont changé—nous avons pratiquement un indice de meilleure qualité. Je pense que nous avons perdu cela de vue.
KIM PARLEE: Du moins, on l’a perdu de vue dans le décrochage.
Je pense que cette vente massive n’épargne personne sur son passage parce qu’elle est motivée par la crainte, offrant ainsi aux investisseurs axés sur le long terme-- de belles occasions.
Je pense que je n’ai plus que 45 secondes. Je voudrais mentionner un nom ou deux qui pourraient constituer de belles occasions à saisir. HD?
DAMIAN FERNANDES: Oui. Home Depot.
KIM PARLEE: Oui. Dites-moi pourquoi.
Home Depot, tout d’abord, est relativement hermétique au commerce en ligne. La plupart des détaillant doivent se battre contre la menace Amazon. Home Depot fait exception. Les morceaux de bois ne sont pas expédiés par la poste. Peut-être que je me trompe.
Home Depot tire profit de la faiblesse des taux. Nous avons parlé de la faiblesse des taux. Notre invité précédent David Sykes a parlé de ce sujet. Et bien cette faiblesse favorise l’activité immobilière.
Lorsque l’activité immobilière progresse, les maisons se vendent plus vite. Il faut les rénover. Il faut les transformer. C’est le gagne-pain de Home Depot. Elle est en situation d’oligopole. Et elle n’a pas ouvert de nouveau magasin.
Donc, pas de dépenses en immobilisations. Sa croissance tient à des facteurs solides. Nous aimons les titres de ce type.
KIM PARLEE: Il me reste 10 secondes, Je voudrais aussi ajouter un titre, Microsoft, qui a annoncé ses résultats. En 15 secondes, quelles sont les raisons de croire en Microsoft en dépit de tout cela?
Et bien Microsoft est intéressante, car elle est en situation d’oligopole avec Amazon dans l’adoption de l’infonuagique. Toutes les sociétés vont l’adopter-- c’est un meilleur outil lorsqu’on pense au transfert des services à l’infonuagique. Et Microsoft est en situation d’oligopole. Son parcours de croissance sera long.
KIM PARLEE: Damien, ce fût un vrai plaisir. Revenez nous voir très bientôt.
Tout le plaisir est pour moi. Merci Kim.
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