
La crise de la COVID-19 a eu de profondes répercussions sur la façon dont les consommateurs dépensent leur argent. Anthony Okolie et Juliana Faircloth, analyste du secteur mondial des biens de consommation de base, Gestion de Placements TD, discutent de l’évolution des habitudes de dépenses des baby-boomers, des milléniaux et de la génération Z ainsi que des conséquences pour les placements.
Merci, Anthony. C’est une excellente question et une question très importante. Bien entendu, il y a eu une certaine reprise du côté des consommateurs depuis que la pandémie a frappé durement l’Amérique du Nord en mars. Les données sur le chômage se sont améliorées et des données encourageantes sur l’emploi ont été enregistrées au Canada et aux États-Unis. La confiance des consommateurs semble avoir atteint un creux et a en quelque sorte pris un virage plus encourageant, et les dépenses de consommation se sont plutôt bien redressées et se sont en quelque sorte stabilisées presque au même niveau que l’an dernier.
Cela dit, nous sommes encore loin d’en avoir terminé. Le chômage est toujours à son plus haut niveau depuis plusieurs décennies. La confiance des consommateurs, bien qu’elle ait atteint un creux, est encore très, très faible, et les consommateurs épargnent beaucoup plus qu’ils ne le feraient normalement.
La pandémie a touché tout le monde sur le plan des dépenses, et tu as apporté un tableau qui montre qu’elle a touché certains consommateurs plus que d’autres. En fait, les dépenses pour le groupe des moins de 40 ans ont chuté de façon spectaculaire.
JULIANA FAIRCLOTH : C’est très intéressant de voir les divergences des répercussions sur différents groupes de consommateurs. Nous savons que les consommateurs urbains ont été très touchés et ont été un peu plus lents à revenir à la normale. Nous savons que les consommateurs à faible revenu ont aussi été très touchés par la crise.
Mais la perspective générationnelle est un autre angle à prendre en considération. Cette perspective nous montre que d’un côté, il y a les générations plus âgées, comme les baby-boomers, par exemple; ils ont été beaucoup plus touchés par le risque pour la santé que présente le coronavirus, mais leurs dépenses sont demeurées plutôt solides. Ce que nous avons constaté, c’est que ce sont les jeunes consommateurs, les milléniaux et la génération suivante, ou génération Z, qui ont été très touchés sur le plan économique. Ils ont perdu une part beaucoup plus importante des emplois. Ils sont beaucoup plus préoccupés par leur potentiel de revenu et leur capacité à payer leurs factures à venir.
C’est ce qui a mené au tableau que j’ai apporté aujourd’hui et que tu as mentionné, qui montre que les dépenses de consommation des consommateurs de moins de 40 ans ont énormément diminué. Par contre, les dépenses se sont avérées beaucoup plus résilientes chez les consommateurs âgés de plus de 40 ans, et surtout de plus de 60 ans.
Qu’est-ce que cette distinction a d’important du point de vue des placements?
La perspective générationnelle est très intéressante. Les baby-boomers, les milléniaux et les membres de la génération Z ont tous eu leur tour sous les projecteurs des investisseurs thématiques, étant donné la taille importante de ces groupes de consommateurs. Collectivement, ils sont responsables de plus des deux tiers des dépenses totales. Et comme nous le savons, d’un point de vue économique, les dépenses de consommation génèrent bien plus de la moitié du PIB. Comprendre ces dynamiques changeantes par génération est très important lorsque l’on réfléchit aux dépenses de consommation de façon générale, mais surtout quand on pense aux différents secteurs de consommation.
Peux-tu nous donner des exemples de changements du comportement des consommateurs découlant de ces effets divergents que tu as soulignés? Commençons par les baby-boomers.
Absolument. Les habitudes des consommateurs changent de différentes façons. Si nous nous concentrons un instant sur les baby-boomers, le passage au numérique est quelque chose qui ressort particulièrement pour ce groupe. Avant la pandémie de COVID-19, environ 85 % à 90 % des milléniaux magasinaient en ligne, donc presque la totalité. Cela faisait contraste avec la proportion d’environ 60 % pour les baby-boomers, qui semblait en quelque sorte avoir plafonné.
La COVID-19 a changé la donne très rapidement. D’une part, ces consommateurs font face à un plus grand risque du point de vue de la santé, mais ils ont une certaine souplesse financière leur permettant de continuer à dépenser, et c’est ce qui les a poussés en ligne. Nous avons donc constaté une forte augmentation du taux de pénétration des ménages chez les consommateurs âgés, en particulier par rapport à leurs homologues plus jeunes.
Quand on pense aux gagnants dans ce contexte, il y a bien sûr les détaillants en ligne comme Amazon et Shopify, ainsi que Walmart, qui a un excellent secteur du commerce électronique. Mais on peut aussi penser à la façon dont la numérisation des baby-boomers étend tout le marché des produits adressables pour les activités de consommation numériques.
Les secteurs des médias numériques et de la publicité en profiteront également. Les entreprises comme Facebook et Google ont en quelque sorte observé l’expansion de leur marché des produits adressables grâce à cette numérisation des consommateurs plus âgés.
Et qu’en est-il des milléniaux et de la génération Z? Comment leurs habitudes de consommation ont-elles changé?
Quand je pense aux thématiques des placements en ce qui concerne les milléniaux, je pense notamment à l’abandon de la consommation des biens physiques au profit des expériences et des services. On a probablement tous entendu dire que les milléniaux préfèrent se payer des repas au restaurant, des vacances et des toasts à l’avocat plutôt que d’acheter une maison, des meubles et une voiture.
Toutefois, comme nous l’avons mentionné plus tôt, ces consommateurs se trouvent maintenant dans une situation financière différente, et leur capacité de dépenses discrétionnaires pour ces types de catégories expérientielles est limitée. Il faut donc faire preuve de prudence lorsque nous songeons à investir dans des secteurs comme les restaurants, les voyages et les loisirs, comme la part du portefeuille des milléniaux dans ces catégories était élevée avant l’arrivée de la COVID-19. La crise financière actuelle à laquelle ils sont confrontés aura donc des répercussions là-dessus.
Il est très intéressant de voir que les milléniaux dépensent plus comme les baby-boomers. Crois-tu que ce changement et l’autre changement dans les habitudes de dépenses que tu as noté vont persister après la fin de la crise de la COVID-19?
Je pense que ces deux tendances auront eu une certaine durabilité, et que comprendre ces différences générationnelles chez les consommateurs est très important tandis que nous évaluons les tendances changeantes à long terme. C’est un aspect qui retient notre attention à GPTD tandis que nous réfléchissons aux secteurs de la consommation et aux sociétés que nous détenons dans ces secteurs.
Juliana, merci beaucoup pour tes explications et ton analyse.
Merci beaucoup, Anthony.
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