Les dirigeants chinois ont présenté leur vision de l’économie du pays pour les cinq prochaines années. Ils le font en période de faible demande intérieure et d’inquiétude à l’égard de la démondialisation. Haining Zha, directeur et vice-président, Recherche sur la répartition des actifs à Gestion de Placements TD, discute des mesures prises par Beijing et de leurs répercussions sur l’économie.
Initialement publié le 26 juillet 2024
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Les dirigeants chinois se sont récemment réunis pour une importante réunion afin d'évoquer la politique à long terme de la deuxième économie du monde. Haining Zha de Gestion de placements TD nous rejoint pour évoquer les principales conclusions à en tirer. -Bonjour, Haining. -Bonjour, Greg.
Alors, on sait qu'il s'agit du troisième plénum. Pourquoi cette réunion est-elle si importante?
Parce qu'il y a 45 ans, c'était exactement à la même réunion que le ton de la politique de réforme et d'ouverture a été donné, laquelle a engendré une énorme croissance économique en Chine. Il y a toujours, donc, des attentes très élevées à l'égard de la troisième réunion du plénum. Cette fois-ci, c'est un peu différent car la Chine fait face à un certain nombre de défis dans plusieurs domaines. Par exemple, au niveau international, la Chine est en butte à un protectionnisme croissant des pays étrangers. Au plan de la technologie, la Chine doit régler des goulots d'étranglement clés en matière de semi-conducteurs et de technologie d'IA. À l'intérieur, post-pandémie, la Chine est aux prises avec une grande faiblesse de la consommation ainsi que du marché immobilier. Même si la politique budgétaire et monétaire a été très accommodante, le rebond économique a été éphémère. On se demande quelle est la voie de l'avenir et on attend la réponse.
D'importants défis, on pose des questions importantes. Comment allez-vous les aborder? Certains commentateurs à l'issue de la réunion du plénum ont déclaré qu'il n'y avait pas eu beaucoup de mesures concrètes annoncées.
Oui, c'est tout à fait compréhensible. Il y a plusieurs raisons à cela. Je diviserai ces commentateurs en deux catégories. Dans la première catégorie, ce sont des personnes qui ont des attentes très élevées de chiffres de mesures de relance très concrets, mais ils seront déçus. En effet, depuis un an et demi, l'expérience nous apprend que les autorités chinoises sont très vigilantes pour éviter toutes les énormes mesures de relance, ayant appris des leçons d'après 2008. La deuxième catégorie de commentateurs sont ceux qui n'attendent pas des chiffres élevés mais qui s'attendent à des mesures de réforme concrètes et ceux-ci trouvent le document trop général pour être utile. Je répliquerai en disant que ce document, issu du troisième plénum, est essentiellement la feuille de route pour les cinq prochaines années. Il couvrira pratiquement tous les aspects de la société et des affaires nationales. On n'y retrouvera pas davantage qu'une ou deux lignes au niveau de chaque domaine de politique. Il n'y aura bien sûr pas suffisamment de détails, mais plus tard, après la réunion du bureau politique, il pourrait y avoir des détails. Les investisseurs ont effectivement raison d'affirmer que l'intégralité du contenu du document n'est pas également pertinent pour les marchés. Certains aspects auront davantage d'impact que d'autres.
Parlons des messages clés que vous en avez retirés. Vous avez dit que les messages deviennent de plus en plus complexes. Vous voyez la complexité là où d'autres voient l'insuffisance.
Le message clé de ce document, c'est que la Chine va toujours s'en tenir aux politiques de réforme et d'ouverture. Mais la situation a quelque peu changé. Il y a 30 ans, lorsque la Chine a entamé ces réformes, la tendance était à la mondialisation. Par ailleurs, la Chine commençait à partir de zéro ou presque. Toutes les réformes devaient donc avoir un impact extraordinaire. Aujourd'hui, la tendance est à la démondialisation. Par ailleurs, tous les résultats faciles à obtenir au niveau des réformes ont déjà été obtenus. Continuer d'aller de l'avant en matière de réforme, il est vraisemblable que cette politique suscitera une résistance de la part des intérêts installés dans l'économie. Quant à l'ouverture, la Chine veut toujours s'ouvrir, mais les autres pays du monde veulent sans doute se refermer. La situation est donc complexe.
C'est très intéressant. Pouvons-nous décomposer un petit peu les conclusions de cette réunion, les bases qui ont été jetées, les conclusions pour les investisseurs?
Ce qui est ressorti pour nous, nous nous concentrons sur les domaines qui auront un impact tangible sur les finances de l'État ou sur les marchés. Ces domaines sont la réforme budgétaire et la réforme de la politique monétaire. S'agissant de la réforme budgétaire, il y aura vraisemblablement une réallocation des recettes fiscales. À l'heure actuelle, les collectivités locales sont essentiellement financées par les droits de mutation immobilière qui représente 5 billions de renminbis mais ne touchent rien de la taxe sur la consommation. Pour comparer cela avec les autres régions du monde, aux États-Unis, en Europe, les gouvernements locaux touchent 60 % des recettes de taxes à la consommation. C'est la même chose en France, par exemple. En Chine, à l'heure actuelle, c'est zéro. Il s'agit d'une somme importante, 1,6 billions de renminbis. Si les autorités locales peuvent toucher cette somme, cela va contribuer à désamorcer la crise de la dette des collectivités locales. C'est un domaine. Le second domaine, la réforme de la politique monétaire. Il est très vraisemblable qu'à l'issue de la troisième réunion du plénum, la Banque populaire de Chine va encore modifier son mécanisme. Antérieurement, elle portait une attention égale au prix et à la quantité. Le prix, c'est-à-dire les taux d'intérêt, et la quantité, c'est-à-dire la quantité de crédit qui irrigue l'économie. Le problème, c'est qu'après la pandémie, lorsque les ménages et les entreprises étaient très endettées et sont aux prises avec une croissance économique médiocre, ils veulent se désendetter, rembourser leurs dettes. En continuant de manier ce levier quantitatif, on crée des défis, car les ménages et les entreprises veulent se désendetter, mais les outils reliés aux prix peuvent potentiellement être beaucoup plus efficaces. Il est vraisemblable que la Banque populaire de Chine établira une cible d'objectif à court terme et un corridor de part et d'autre. C'est semblable à ce qui se passe au niveau de la BCE ou de la Fed. Et que la banque utilisera d'autres outils reliés aux prix comme les facilités de prêts à moyen terme ou le taux préférentiel pour les prêts pour exercer une influence sur d'autres tronçons de la courbe de rendement. La Banque populaire de Chine a immédiatement réduit le LPR et le taux repo inversé de 10 points de base, ce qui montre l'orientation qui sera prise. Le taux de prêts LPR a déjà diminué de 80 points de base depuis deux ans et nous pensons que ce n'est pas terminé.
J'allais vous poser la question. Lorsque vous évoquez les mesures qui sont prises, cela semble à plus long terme, mais les taux d'intérêt, c'est un levier qu'on peut manier assez rapidement si on veut commencer à réaliser des changements. Il me semble que c'est le levier que les investisseurs privilégient toujours au niveau de la Chine, au moins depuis quelque temps.
D'ici un an et demi, nous pensons que la Banque populaire de Chine va évoluer dans la même direction. Le niveau moyen de taux d'intérêt pour l'obligation du gouvernement chinois à 10 ans, avant la pandémie, je sais qu'il s'agit d'un instrument très volatil, mais en moyenne, le taux se situe autour de 3,5 %. Après la pandémie, ce taux a continué à baisser et s'établit maintenant entre 2 et 3. Dans l'avenir, nous allons parler de différents risques que l'économie chinoise doit conjurer, mais si ces risques se concrétisent dans l'avenir, il se pourrait que ce chiffre diminue à moins de 2, voire à 0 comme au Japon.
Enfin, l'économie de l'innovation. Il est difficile d'évacuer l'innovation quand on parle d'une économie moderne. Y a-t-il un plan là-dessus?
L'innovation est une priorité clé. L'innovation, ce n'est pas un phénomène que les gouvernements peuvent contraindre. C'est une initiative personnelle. On pense qu'il n'y a pas beaucoup que le gouvernement peut faire, mais en fait, l'État peut beaucoup, au niveau de l'organisation, en proposant des encouragements pour améliorer la recherche-développement, en accordant davantage d'importance à la recherche-développement. Dans les conclusions de la troisième réunion du plénum, il est dit que certaines des instituts de recherche vont être réorganisés avec une structure de société pour les rendre plus agiles et réduire la paperasse. Quant à la conversion des unités de recherche-développement, les chercheurs vont pouvoir s'intéresser économiquement davantage au niveau des brevets de la recherche-développement qu'ils créent, ce qui représente un énorme mobile pour faire davantage de recherche-développement et créer davantage d'innovation.
Alors, on sait qu'il s'agit du troisième plénum. Pourquoi cette réunion est-elle si importante?
Parce qu'il y a 45 ans, c'était exactement à la même réunion que le ton de la politique de réforme et d'ouverture a été donné, laquelle a engendré une énorme croissance économique en Chine. Il y a toujours, donc, des attentes très élevées à l'égard de la troisième réunion du plénum. Cette fois-ci, c'est un peu différent car la Chine fait face à un certain nombre de défis dans plusieurs domaines. Par exemple, au niveau international, la Chine est en butte à un protectionnisme croissant des pays étrangers. Au plan de la technologie, la Chine doit régler des goulots d'étranglement clés en matière de semi-conducteurs et de technologie d'IA. À l'intérieur, post-pandémie, la Chine est aux prises avec une grande faiblesse de la consommation ainsi que du marché immobilier. Même si la politique budgétaire et monétaire a été très accommodante, le rebond économique a été éphémère. On se demande quelle est la voie de l'avenir et on attend la réponse.
D'importants défis, on pose des questions importantes. Comment allez-vous les aborder? Certains commentateurs à l'issue de la réunion du plénum ont déclaré qu'il n'y avait pas eu beaucoup de mesures concrètes annoncées.
Oui, c'est tout à fait compréhensible. Il y a plusieurs raisons à cela. Je diviserai ces commentateurs en deux catégories. Dans la première catégorie, ce sont des personnes qui ont des attentes très élevées de chiffres de mesures de relance très concrets, mais ils seront déçus. En effet, depuis un an et demi, l'expérience nous apprend que les autorités chinoises sont très vigilantes pour éviter toutes les énormes mesures de relance, ayant appris des leçons d'après 2008. La deuxième catégorie de commentateurs sont ceux qui n'attendent pas des chiffres élevés mais qui s'attendent à des mesures de réforme concrètes et ceux-ci trouvent le document trop général pour être utile. Je répliquerai en disant que ce document, issu du troisième plénum, est essentiellement la feuille de route pour les cinq prochaines années. Il couvrira pratiquement tous les aspects de la société et des affaires nationales. On n'y retrouvera pas davantage qu'une ou deux lignes au niveau de chaque domaine de politique. Il n'y aura bien sûr pas suffisamment de détails, mais plus tard, après la réunion du bureau politique, il pourrait y avoir des détails. Les investisseurs ont effectivement raison d'affirmer que l'intégralité du contenu du document n'est pas également pertinent pour les marchés. Certains aspects auront davantage d'impact que d'autres.
Parlons des messages clés que vous en avez retirés. Vous avez dit que les messages deviennent de plus en plus complexes. Vous voyez la complexité là où d'autres voient l'insuffisance.
Le message clé de ce document, c'est que la Chine va toujours s'en tenir aux politiques de réforme et d'ouverture. Mais la situation a quelque peu changé. Il y a 30 ans, lorsque la Chine a entamé ces réformes, la tendance était à la mondialisation. Par ailleurs, la Chine commençait à partir de zéro ou presque. Toutes les réformes devaient donc avoir un impact extraordinaire. Aujourd'hui, la tendance est à la démondialisation. Par ailleurs, tous les résultats faciles à obtenir au niveau des réformes ont déjà été obtenus. Continuer d'aller de l'avant en matière de réforme, il est vraisemblable que cette politique suscitera une résistance de la part des intérêts installés dans l'économie. Quant à l'ouverture, la Chine veut toujours s'ouvrir, mais les autres pays du monde veulent sans doute se refermer. La situation est donc complexe.
C'est très intéressant. Pouvons-nous décomposer un petit peu les conclusions de cette réunion, les bases qui ont été jetées, les conclusions pour les investisseurs?
Ce qui est ressorti pour nous, nous nous concentrons sur les domaines qui auront un impact tangible sur les finances de l'État ou sur les marchés. Ces domaines sont la réforme budgétaire et la réforme de la politique monétaire. S'agissant de la réforme budgétaire, il y aura vraisemblablement une réallocation des recettes fiscales. À l'heure actuelle, les collectivités locales sont essentiellement financées par les droits de mutation immobilière qui représente 5 billions de renminbis mais ne touchent rien de la taxe sur la consommation. Pour comparer cela avec les autres régions du monde, aux États-Unis, en Europe, les gouvernements locaux touchent 60 % des recettes de taxes à la consommation. C'est la même chose en France, par exemple. En Chine, à l'heure actuelle, c'est zéro. Il s'agit d'une somme importante, 1,6 billions de renminbis. Si les autorités locales peuvent toucher cette somme, cela va contribuer à désamorcer la crise de la dette des collectivités locales. C'est un domaine. Le second domaine, la réforme de la politique monétaire. Il est très vraisemblable qu'à l'issue de la troisième réunion du plénum, la Banque populaire de Chine va encore modifier son mécanisme. Antérieurement, elle portait une attention égale au prix et à la quantité. Le prix, c'est-à-dire les taux d'intérêt, et la quantité, c'est-à-dire la quantité de crédit qui irrigue l'économie. Le problème, c'est qu'après la pandémie, lorsque les ménages et les entreprises étaient très endettées et sont aux prises avec une croissance économique médiocre, ils veulent se désendetter, rembourser leurs dettes. En continuant de manier ce levier quantitatif, on crée des défis, car les ménages et les entreprises veulent se désendetter, mais les outils reliés aux prix peuvent potentiellement être beaucoup plus efficaces. Il est vraisemblable que la Banque populaire de Chine établira une cible d'objectif à court terme et un corridor de part et d'autre. C'est semblable à ce qui se passe au niveau de la BCE ou de la Fed. Et que la banque utilisera d'autres outils reliés aux prix comme les facilités de prêts à moyen terme ou le taux préférentiel pour les prêts pour exercer une influence sur d'autres tronçons de la courbe de rendement. La Banque populaire de Chine a immédiatement réduit le LPR et le taux repo inversé de 10 points de base, ce qui montre l'orientation qui sera prise. Le taux de prêts LPR a déjà diminué de 80 points de base depuis deux ans et nous pensons que ce n'est pas terminé.
J'allais vous poser la question. Lorsque vous évoquez les mesures qui sont prises, cela semble à plus long terme, mais les taux d'intérêt, c'est un levier qu'on peut manier assez rapidement si on veut commencer à réaliser des changements. Il me semble que c'est le levier que les investisseurs privilégient toujours au niveau de la Chine, au moins depuis quelque temps.
D'ici un an et demi, nous pensons que la Banque populaire de Chine va évoluer dans la même direction. Le niveau moyen de taux d'intérêt pour l'obligation du gouvernement chinois à 10 ans, avant la pandémie, je sais qu'il s'agit d'un instrument très volatil, mais en moyenne, le taux se situe autour de 3,5 %. Après la pandémie, ce taux a continué à baisser et s'établit maintenant entre 2 et 3. Dans l'avenir, nous allons parler de différents risques que l'économie chinoise doit conjurer, mais si ces risques se concrétisent dans l'avenir, il se pourrait que ce chiffre diminue à moins de 2, voire à 0 comme au Japon.
Enfin, l'économie de l'innovation. Il est difficile d'évacuer l'innovation quand on parle d'une économie moderne. Y a-t-il un plan là-dessus?
L'innovation est une priorité clé. L'innovation, ce n'est pas un phénomène que les gouvernements peuvent contraindre. C'est une initiative personnelle. On pense qu'il n'y a pas beaucoup que le gouvernement peut faire, mais en fait, l'État peut beaucoup, au niveau de l'organisation, en proposant des encouragements pour améliorer la recherche-développement, en accordant davantage d'importance à la recherche-développement. Dans les conclusions de la troisième réunion du plénum, il est dit que certaines des instituts de recherche vont être réorganisés avec une structure de société pour les rendre plus agiles et réduire la paperasse. Quant à la conversion des unités de recherche-développement, les chercheurs vont pouvoir s'intéresser économiquement davantage au niveau des brevets de la recherche-développement qu'ils créent, ce qui représente un énorme mobile pour faire davantage de recherche-développement et créer davantage d'innovation.