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Le projet de loi visant à hausser le plafond de la dette américaine a été adopté par la Chambre des représentants et est maintenant entre les mains du Sénat. David Sykes, chef des placements à Gestion de Placements TD, discute avec Kim Parlee des conséquences à court et à long terme pour les marchés.
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[LOGO AUDIO] * L’accord sur le plafond de la dette aux États-Unis conclu par le président Joe Biden et le président de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a franchi un obstacle de taille, la Chambre l’ayant adopté, mais le processus n’est pas terminé. Pour nous donner son point de vue sur ce qui nous attend, en particulier sur les marchés, voici David Sykes, chef des placements, Gestion de Placements TD. Je sais que vous ne vous prononcerez pas uniquement sur le plafond de la dette. Il y a plus que ça, mais on va commencer par là. Il va y avoir un vote. Un vote a déjà eu lieu. L’accord a été conclu. Est-ce qu’on s’attend à ce que ce soit adopté? Sommes-nous optimistes en ce moment? * Oui, je pense que la réponse rapide, Kim, c’est oui. Je pense que ça va être adopté. Tous les deux ou trois ans, le plafond de la dette devient un problème aux États-Unis, et à ce moment-là, on gaspille beaucoup d’encre et de temps à y réfléchir et à déterminer quelles pourraient en être les ramifications. Et si le plafond de la dette n’était pas relevé, les ramifications seraient incroyablement graves. Mais je pense que la raison a de nouveau résisté cette fois-ci, et il semble que le projet de loi devrait être adopté. Bien sûr, le Sénat doit quand même voter. Et la date d’échéance serait le lundi 5 juin. Mme Yellen, la secrétaire du Trésor, a officiellement déclaré que c’est à ce moment-là qu’on manquerait d’argent. * Oui. * Et donc je pense que c’est sûr, en ce moment. On ne sait jamais jusqu’à ce que ce soit terminé. Mais il semble qu’on soit en bonne posture. * Oui. Oui, j’espère que c’est terminé. J’en ai assez d’en parler, et je suis certaine que beaucoup d’Américains pensent la même chose. Prenons un peu de recul pour examiner tous les grands problèmes qui affligent actuellement les marchés. Et je pense que c’est peut-être vous ou certains de vos collègues qui l’avez dit. Il s’agit du marché haussier le plus mal aimé qu’on ait observé ou, je dirais, la remontée sur les marchés ces derniers temps. Qu’est-ce que vous examinez en ce moment sur les marchés? Il y a tellement de facteurs qui semblent presque contradictoires pour comprendre ce qui se passe. * Oui. Et c’est toujours le cas. Les gens disent que les marchés sont faciles ou difficiles. Les contre-courants sont toujours déroutants et complexes. Mais je pense qu’il est juste de dire que la croissance économique devrait être le point de départ. Et je dirais que, à l’échelle mondiale, c’est déroutant. Si on regarde la plus grande économie du monde, les États-Unis, vous savez, il y a un certain ralentissement, mais il y a aussi beaucoup de résilience. On voit vraiment un ralentissement du côté manufacturier de l’économie. En revanche, les services se portent incroyablement bien. Les gens recommencent à voyager : les hôtels, les billets d’avion. Le marché de l’emploi est incroyablement robuste. Il n’y a pas beaucoup de pertes d’emplois dans ce secteur. Les États-Unis ralentissent, mais ils résistent assez bien, ce qui est étonnant, selon moi. Si on prend la deuxième économie en importance au monde, la Chine, il y a eu une énorme euphorie une fois les confinements liés à la COVID levés. On a vraiment vu les gens sortir et dépenser. Mais aujourd’hui, certaines données économiques montrent que l’euphorie est peut-être terminée et que l’économie ralentit vraiment en Chine. Plus près de nous, au Canada, les taux ont considérablement augmenté. Mais la résilience est en quelque sorte l’enjeu. Et le PIB actuel était très solide, surtout grâce aux dépenses de consommation. Et il y a là des signaux contradictoires et déroutants... selon moi, il y a un ralentissement à l’échelle mondiale. Mais je pense que c’est plus résilient, un peu plus solide qu’on l’aurait cru. * Et qu’est-ce que cela signifie du point de vue des taux d’intérêt? Comment les banques centrales vont-elles prendre ces signaux contradictoires dont vous avez parlé? * Oui, et je pense que c’est ce qui est intéressant. On en a déjà parlé, mais les taux d’intérêt ont considérablement augmenté, pas seulement en Amérique du Nord, mais partout dans le monde. Et on aurait supposé qu’il y aurait un ralentissement plus marqué. L’économie est un peu plus forte. Les taux sont beaucoup plus élevés. Et je pense que cela signifie que l’inflation sera un peu plus forte encore un peu plus longtemps. Il y aura donc probablement une ou deux autres hausses aux États-Unis. C’est ce que le marché vise... probablement une pause en juin. Ce sera peut-être en juillet. On va voir comment tout ça se passe. Mais je pense que cela signifie que les taux d’intérêt vont rester élevés plus longtemps, et que l’inflation va demeurer le sujet de l’heure. C’est vraiment une question d’inflation. * C’est intéressant, ça aussi. Et je pense qu’un grand nombre d’entre nous s’attend à ce que d’autre chose se produise. Parce qu’il s’agit selon moi de savoir combien de temps il va falloir pour que ces taux plus élevés s’appliquent vraiment, c’est-à-dire les prêts hypothécaires et les paiements de voiture qui vont être renouvelés à une date ultérieure. J’ai entendu des gens parler de chiffres astronomiques. Quand cela se fera-t-il sentir sur la confiance des consommateurs? * Oui, c’est intéressant. Pour revenir à ce que vous disiez, je pense que tout le monde dans cette société en constante évolution veut tout tout de suite. Et je pense que, du point de vue de la politique monétaire, les taux d’intérêt ont beaucoup augmenté. La masse monétaire se replie vraiment. Ça commence à diminuer. Mais il faut du temps pour que les choses se répercutent sur l’économie réelle. Il y a eu trois faillites importantes de banques aux États-Unis, mais l’économie se porte quand même bien. Je crois qu’il s’agit surtout d’une réaction tardive. De façon générale, il faudra peut-être de 12 à 18 mois pour que les taux d’intérêt et la contraction de la masse monétaire se fassent sentir. Pour ce qui est des consommateurs, je pense qu’ils ont perdu un peu confiance. De toute évidence, les consommateurs se sentent moins en confiance qu’il y a 6 ou 12 mois, disons. Mais je pense que, comme thème pour notre groupe, il s’agit vraiment de faire preuve de patience. Vous savez, on est prudents en ce moment, mais les données restent un peu plus solides que prévu. Mais je pense qu’au cours des prochains mois et des prochains trimestres, ce thème de ralentissement va persister. * Et je suppose que ça va se refléter dans les bénéfices. Parce que c’est ça qui arrive, les gens continuent de se préparer à ce ralentissement des bénéfices. Il y en a eu quelques-uns. En fait, je dirais qu’il y a eu beaucoup de petits ralentissements. Mais en même temps, il y a des choses comme cet énorme boom de l’IA, qui semble fausser le portrait. Donc je ne sais pas. À quoi vous attendez-vous par rapport aux bénéfices? * En ce qui concerne les actions, en fin de compte, les actions augmentent lorsque les bénéfices augmentent. * Oui. * Et je pense que la période d’annonce des bénéfices vient de se terminer. Et ce n’était certainement pas la période où les bénéfices étaient les plus élevés jamais enregistrés, mais ils ont certainement été meilleurs que prévu. Mais pour mettre les choses un peu en contexte, pour cette année, en 2023, aux États-Unis, on prévoit une croissance du chiffre d’affaires d’environ 2 %, et une croissance des bénéfices d’environ 1 %. Ce n’est pas exactement un portrait dynamique de la croissance des bénéfices. Et le marché s’attend à ce que l’an prochain, en 2024, les revenus reprennent, c’est-à-dire une croissance de 5 %, et on s’attend à ce que les bénéfices augmentent de 12 %. Je pense que c’est une perspective un peu optimiste à l’égard de tous les obstacles dont on a parlé : les taux, la masse monétaire et la courbe inversée. Les produits de base nous disent peut-être quelque chose. Les prix de l’énergie ont chuté récemment. Je pense donc qu’on a encore des raisons de s’inquiéter et qu’on se montre un peu prudents à l’égard des perspectives des bénéfices des sociétés. * Oui, le volet des produits de base est intéressant. Il y a un repli. En ce qui concerne l’immobilier commercial, je sais que c’est un sujet qui revient souvent dans les conversations partout. Qu’en pensez-vous? * C’est une préoccupation, c’est certain. Je crois que ce qui nous préoccupe le plus, c’est que beaucoup de banques commerciales aux États-Unis sont des prêteurs du côté de l’immobilier commercial. Il y a eu des baisses de valeur et des défauts de paiement aux États-Unis, ce qui est préoccupant. Toutefois, notre approche nous ramène toujours à la notion de qualité. Et dans le secteur de l’immobilier commercial, il s’agit vraiment de clauses restrictives sur la qualité, d’actifs de qualité. Et je pense que si vous détenez une propriété de catégorie A de premier niveau à côté du transport en commun, que vous avez de bons locataires et des baux à long terme, tout ira bien. Mais il y aura certainement des segments en dehors de ce spectre de qualité dont je parle où il pourrait y avoir des fluctuations. * Vous faites partie du Comité de répartition des actifs de Gestion de patrimoine. Vous examinez où se trouvent les meilleures occasions. Et la première chose qu’on va regarder, ce sont les actions. Et en ce moment, je crois comprendre que vous maintenez une légère sous-pondération. * Oui, je crois qu’il est juste de dire que les perspectives économiques du Comité sont prudentes. En ce qui concerne les actions en général, c’est juste de dire qu’elles sont légèrement sous-pondérées. Et vraiment, les raisons derrière ça sont ce dont on a parlé, soit le ralentissement des bénéfices des sociétés. Mais juste pour entrer un peu dans les détails, du côté canadien, on est neutres et un peu plus optimistes. Et je pense que vous avez vu le rapport sur les banques canadiennes. Les résultats ont été bons. Je ne pense pas qu’ils étaient extraordinaires. Je pense que la croissance des dépenses a été un peu plus élevée. Mais si on regarde le secteur de l’énergie au Canada, les banques et les services financiers, certains des rendements en dividendes sont très, très intéressants. Et comme on le sait, à long terme, 20 %, 30 % ou 40 % du rendement total provient de cette composante de dividendes. * À condition que les placements demeurent là. * Oui, exactement. Et on a très confiance dans ces sociétés. On a une pondération neutre du côté canadien. Une légère sous-pondération du côté des États-Unis. Vous savez, il y a beaucoup de problèmes. Il ne s’agit pas tant du plafond de la dette, mais il y a cette préoccupation générale selon laquelle les taux d’intérêt augmentent et l’inflation persiste. Et ça va faire mal. Ça va nuire aux consommateurs. Ça va nuire aux bénéfices des sociétés au cours des 6 à 12 prochains mois. Sur la scène internationale, on surpondère légèrement la Chine. On est plutôt optimistes par rapport à la croissance à long terme dans ce pays. Donc, du point de vue des actions, on sous-pondère légèrement, on se montre un peu prudents, mais c’est un peu comme ça que ça se reflète dans les sous-catégories d’actif. * Parlons de la prochaine catégorie d’actif : les titres à revenu fixe et leur surpondération maximale. * Oui. Et c’est quelque chose de relativement nouveau pour nous. À Gestion de Placements TD, on aime nos obligations, mais on n’a jamais surpondéré autant les titres à revenu fixe. Et je pense que ça envoie vraiment un signal. Et le signal est le suivant. Au cours des 10 dernières années, les taux n’ont pas été aussi intéressants sur le marché des titres à revenu fixe. Et pour les obligations d’État canadiennes, les taux sont de 3,5 % à 4 %. On pense que c’est un segment où il est intéressant d’obtenir un revenu. Mais en plus de ça, si on a raison au sujet du ralentissement à venir, ça signifie vraiment qu’on va réaliser un gain en capital en plus. Et donc on aime beaucoup cette composante de titres à revenu fixe d’État canadiens. Pour ce qui est des obligations de sociétés, les écarts de taux restent assez serrés. On est surpris qu’ils ne se soient pas élargis un peu plus. Il n’y a donc pas autant de valeur de ce côté-là. On affiche donc une position légèrement neutre à l’égard du crédit aux grandes entreprises. Et du côté des obligations à rendement élevé, on a été très surpris. On pensait que les écarts de taux des obligations à rendement élevé auraient subi beaucoup plus de pressions, mais ce n’est pas encore le cas. Il y a donc une légère sous-pondération de la composante de titres à rendement élevé. Mais encore une fois, je pense que si on se projette dans 6 à 12 mois, on va se sentir plus en confiance. On va pouvoir acheter ces titres à un bien meilleur prix dans 6 à 12 mois. * Intéressant. Pour ce qui est des placements alternatifs, votre pondération est neutre. Et c’est aussi un ensemble important de produits diversifiés. * En effet. Et les placements alternatifs sont une expression fourre-tout. Mais en réalité, c’est une solution de rechange aux titres à revenu fixe et aux actions cotées. Et quand on parle de placements alternatifs, on pense à l’immobilier. Et dans le contexte canadien, les gens pensent aux tours de bureaux. C’est une des composantes. Mais ça comprend aussi des complexes industriels, des commerces de détail. Ça comprend également les immeubles multirésidentiels. On est très contents de voir quelques signes précurseurs de reprise dans le secteur des immeubles multirésidentiels. On commence vraiment à le voir revenir. Et les gens connaissent toutes les histoires sur le logement au Canada, l’offre insuffisante et la croissance de l’immigration. On est convaincus que c’est un bon segment dans lequel investir. Vous savez, il y a certaines préoccupations concernant les bureaux. De toute évidence, les taux d’inoccupation sont encore faibles. À quoi ressemble le retour au bureau? Ça a commencé, mais on ne sait pas exactement comment ça va progresser. L’autre domaine qui nous passionne, c’est celui des prêts hypothécaires commerciaux. Les taux y sont très intéressants. Ce sont des prêts hypothécaires à très court terme, et ils affichent un rendement exceptionnel. Et le dernier segment qu’on surpondère que j’aimerais mentionner, ce sont les infrastructures. Selon nous, les besoins en infrastructures en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde seront énormes au cours des 10 à 20 prochaines années. Et donc, du côté des infrastructures, on a une surpondération, et on est très enthousiastes par rapport aux rendements. * Faits intéressants par rapport aux infrastructures. Je pense que les évaluations étaient également une préoccupation pour certains, car beaucoup de gens voient ça de la même façon. * Oui. Et je trouve ça préoccupant. Et les gens peuvent être extrêmement enthousiastes, mais il faut suivre une approche rigoureuse qui englobe des actifs de qualité, une excellente passation de marchés, et des placements diversifiés et à long terme. Et je pense qu’on a une équipe fantastique qui fait de l’excellent travail. * Je sais que c’est le cas. Quoi d’autre surveillez-vous? Si on prend un peu de recul, y a-t-il quelque chose dont on n’a pas parlé et qui manque peut-être un peu de contexte? * Oui, je pense qu’il reste toujours quelque chose. Et je pense que le problème, c’est qu’on ne sait pas c’est quoi. On ne savait pas que la COVID s’en venait. On ne savait pas que le plafond de la dette irait aussi loin. Il y a donc toujours cette inconnue. Mais je crois que ce qui me préoccupe le plus, c’est à quoi va ressembler la croissance future? Le problème, c’est que les données démographiques sont réelles. Elles sont bien ancrées. Et si on regarde la situation en Europe, en Chine et aux États-Unis, la croissance sera beaucoup moins forte à l’avenir, selon moi. Du côté canadien, on a beaucoup de chance. Selon moi, notre politique d’immigration va vraiment contribuer à la croissance de notre main-d’œuvre. Et vous en avez parlé plus tôt. Je ne sais pas si c’est une question d’IA, mais si on peut enfin obtenir une croissance de la productivité, je pense que ça va nous être très utile. Mais cela m’amène à penser qu’il y a encore beaucoup d’incertitude. Ce qu’il faut avant tout, c’est diversifier ses placements, assurer une bonne qualité et générer des revenus. Et je pense que si on a ces composantes dans un portefeuille très vaste, tout va bien aller. Mais je ne crois pas que ce seront les rendements qu’on a connus au cours de la dernière décennie. * Oui. Et cela a aussi été difficile. Et comme vous l’avez mentionné plus tôt, il est important de trouver les bons éléments, parce que l’ampleur du marché a été un peu médiocre. * C’est un point très important. Pour ce qui est de l’indice S&P 500, il a augmenté de près de 10 % cette année. Il y a donc clairement quelque chose qui se passe. Le problème, toutefois, c’est que six titres représentent 99 % de ce rendement, et ce sont les plus importants. On parle de sociétés comme Amazon, Apple, Nvidia et Microsoft. Et elles atteignent des sommets inégalés. C’est bien, mais cela nous préoccupe, car on aimerait que le marché soit plus vaste. On aimerait que les actions cycliques, les sociétés énergétiques, les sociétés minières et les services financiers nous conduisent vers le prochain marché haussier. Et ce manque d’ampleur nous préoccupe quelque peu. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]