
Dans sa dernière décision relative aux taux d’intérêt en 2020, la Banque du Canada (BdC) a annoncé qu’elle maintient son taux directeur et a réaffirmé sa promesse de maintenir les taux d’intérêt historiquement bas jusqu’à ce que l’économie se redresse. Anthony Okolie et James Orlando, économiste principal, Groupe Banque TD, discutent des perspectives pour le dollar canadien et la croissance de l’économie.
La Banque du Canada a laissé les taux d’intérêt inchangés à 25 points de base, mais a réitéré sa promesse de maintenir les taux inchangés jusqu’en 2023. James, quelle est l’impact à long terme de cette politique de prolongation de bas taux d’intérêt?
Oui, c’est une excellente question, Anthony. Lorsque la Banque du Canada s’engage à maintenir de faibles taux d’intérêt, cela se répercute sur les taux des obligations d’État, donc les taux des obligations du gouvernement du Canada. Ça se répercute sur les obligations de sociétés et les taux hypothécaires. Et ce que ça fait... l’un des facteurs de longue durée de cette pandémie, c’est que ça incite les gens à emprunter davantage. Je pense donc que l’endettement élevé sera un facteur de longue durée et une conséquence de cette pandémie, mais aussi du point de vue des investisseurs, les taux ont tellement baissé que, par exemple, dans le cas des valeurs refuges, nous observons actuellement des rendements réels négatifs sur l’ensemble de la courbe pour le Canada. Ce que ça signifie, c’est que les investisseurs, que ce soit des institutions ou même des particuliers, prennent de plus en plus de risques, et ils augmentent donc le risque dans leurs portefeuilles. Supposons, par exemple, que la pondération des actions est plus élevée que celle des obligations. Et je pense que le risque accru sur les marchés financiers est le deuxième élément important à retenir de cette pandémie.
Et nous avons certainement vu les marchés atteindre des sommets records. Il y a aussi beaucoup d’optimisme concernant un possible vaccin l’année prochaine. Quelles seront les répercussions sur la politique monétaire à l’avenir?
Oui, la Banque du Canada en a parlé dans son annonce aujourd’hui. Ce qu’elle dit, c’est que les perspectives pour 2021 et au-delà se sont certainement améliorées, et donc nous avons hâte de retrouver un monde sans pandémie. Et c’est un monde où la croissance est plus forte, où il y a moins d’incertitude. Mais même si nous sommes optimistes à l’égard de ce vaccin, les prochains mois seront difficiles. Les taux d’infection sont élevés partout au pays, et ça accroît les craintes des gens. Les gens changent leurs comportements. Il y a aussi des confinements que les gouvernements imposent et qui pèsent sur des facteurs comme la création d’emplois que nous avons observée, et les dépenses de consommation. Il y a donc d’excellentes nouvelles au sujet du vaccin, mais il y aura beaucoup d’obstacles au cours des prochains mois. Nous devons donc être en mesure de les surmonter avant de pouvoir apercevoir la lumière au bout du tunnel.
Et j’aimerais parler un peu du dollar canadien, car il a été vigoureux récemment. Quelles perspectives voyez-vous pour le dollar canadien à court terme?
C’est tout à fait vrai. Le dollar canadien s’est très bien comporté par rapport au dollar américain, suivant une tendance mondiale selon laquelle les principales monnaies ont progressé par rapport au billet vert. Ce qu’on voit à l’heure actuelle, c’est que le secteur manufacturier est en plein essor à l’échelle mondiale. Partout dans le monde, des gens achètent des biens comme des meubles, du matériel d’exercice, ce genre de choses, pour la période de télétravail. Cela crée une demande manufacturière et, dans le secteur manufacturier, il y a une demande de matières premières, dont le Canada est un important exportateur. Des produits comme le cuivre, et même les produits forestiers, en raison du boom immobilier au Canada et aux États-Unis. Les prix de l’énergie ont aussi augmenté décemment par rapport aux creux de mars, de sorte que le huard a nettement surpassé le marché en raison de la demande pour les produits de base.
Les perspectives du huard sont en fait un peu plus favorables, parce que nous observons une hausse un peu plus importante dans les produits de base énergétiques, qui représentent plus de 40 % de nos exportations. Donc, si nous retrouvons un monde où nous pouvons accroître la mobilité, et rappelez-vous que la demande d’énergie dépend surtout de facteurs comme la mobilité. Conduire une voiture, voler en avion... tout ça sera un important moteur de la demande d’énergie, et ça entraînera une augmentation de la demande de pétrole, ce qui devrait faire augmenter le prix. Et le dollar canadien suivrait cette tendance. Nous prévoyons donc que le dollar canadien se rapprochera de 0,80 $ en 2021.
En conclusion, qu’est-ce que les investisseurs devraient retenir de cette annonce aujourd’hui?
Je crois que le thème général est que nous avons quelques mois devant nous en attendant que le vaccin soit disponible pour tout le monde, ce qui va peser sur la croissance économique. Heureusement, le gouvernement intervient pour alléger ce fardeau. Donc, pour les personnes qui risquent malheureusement de perdre leur emploi ou qui ne seront pas en mesure de trouver un emploi au cours des prochains mois, le gouvernement a accru les mesures de soutien, et aussi pour les sociétés. C’est une bonne nouvelle, en ce sens qu’il est en train d’établir une transition vers la période suivant la vaccination, et seulement les nouvelles des derniers mois sur le vaccin... le vaccin est déjà en train d’être administré au Royaume-Uni. Il arrivera bientôt au Canada, et lorsque ce sera le cas, cela va stimuler la croissance économique. Je crois donc que c’est le principal message que la Banque du Canada veut faire passer, c’est que l’avenir est plus prometteur.
James, merci beaucoup pour votre temps.
Merci.
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