Alors que les banques centrales réduisaient les coûts d’emprunt, certains secteurs sensibles aux taux se sont redressés, mais les sociétés de télécommunications canadiennes n’en font pas partie. Vince Valentini, directeur général, Recherche sur les actions, TD Cowen, se joint à Greg Bonnell pour discuter de la possibilité que le secteur surmonte deux grands obstacles.
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Avec la tendance à la baisse des taux au Canada et aux États-Unis, certains secteurs sensibles aux taux d'intérêt comme les FPI et les services publics ont commencé à progresser, mais nous n'avons pas vu le même mouvement dans le secteur des télécommunications. Vince Valentini, de TD Cowen, nous rejoint pour nous expliquer si cela va changer. Pour une information complète sur les sociétés couvertes par TD Cowen, veuillez consulter le lien vers le site web à la fin de ce programme. Vince, bonjour.
Bonjour, Greg, ça me fait plaisir de repasser à votre émission.
Beaucoup d'investisseurs attendent le cycle de réduction des taux. Nous avons commencé avant les Américains. Les Américains sont intervenus en grand avec 50 points de base. Certains secteurs se sont comportés comme on le prévoyait, étant sensibles aux taux d'intérêt. Que se passe-t-il aux télécommunications?
J'ajouterais un autre facteur à votre liste, le secteur des télécommunications aux États-Unis. AT&T, Verizon et T-Mobile ont progressé de 20 % à 30 % cette année. La réduction des taux est propice à beaucoup de secteurs. Les entreprises canadiennes de télécommunications n'arrivent pas à se dépêtrer des mauvaises nouvelles qui les retiennent. Tout d'abord, il y a la guerre des prix. L'environnement de tarification est très défavorable. En fait, le pire de toute la carrière des spécialistes du secteur, y compris de la mienne. Vous demandez si les choses vont s'améliorer? Il semble qu'il y a de jeunes pousses, que la guerre des prix semblait apaisée, mais ce que nous avons vu, depuis quelques trimestres, et ce qu'on verra dans les résultats du troisième trimestre, on verra les conséquences défavorables de la tarification faible. Il y a une bonne croissance des abonnés, mais la tarification compense toute la croissance du volume. Nous en sommes à pratiquement zéro croissance des revenus de services pour les trois grandes entreprises de sans-fil. Voilà le problème qui plombe ces entreprises. Chacune a ses problèmes spécifiques, que ce soit certains problèmes au niveau de Rogers, le ratio de versement des dividendes chez BCE qui inquiète les investisseurs, TELUS a des difficultés dans ses activités autres que les télécommunications. TELUS International, en particulier, est la principale cible à ce niveau-là. Tous ces éléments culminent en un endettement assez élevé. Il n'y a pas beaucoup de marge d'erreur du point de vue des investisseurs. Pour en revenir aux entreprises de télécommunications américaines, qui ont beaucoup mieux réussi, le ratio de la dette au BAIIA est en moyenne de deux fois et demie. Les entreprises canadiennes, de 3,5, sauf dans le cas de Rogers, 4,7 fois. Donc, une conjoncture de tarification incertaine d'une part, et d'autre part, un levier plus élevé que la moyenne. Cela amène les investisseurs à se dire que même si les taux diminuent, il y a peut-être des endroits plus sûrs où placer son argent. Voilà l'analyse rétrospective qui explique pourquoi ces actions n'ont pas autant progressé que certains des autres secteurs sensibles aux taux d'intérêt.
Dans la guerre des prix, il est étonnant que personne n'ait baissé pavillon. Cela dure depuis longtemps. On se serait dit qu'à un moment donné, une de ces entreprises se serait dit: « Bon, il faut reculer », mais personne ne recule.
Il y a eu un certain recul. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a de jeunes pousses. Je suis toujours très optimiste quant à ce secteur. À mon avis, il réussira beaucoup mieux d'ici 12 mois que cela n'a été le cas depuis 12 mois. La Banque du Canada va sans doute continuer de réduire les taux d'intérêt. Les rendements au niveau de flux de trésorerie disponible de ces titres vont commencer à devenir trop attractifs pour qu'on les ignore, mais il faut que quelqu'un recule dans la guerre des prix et qu'il y ait une stabilisation. Cela a commencé fin juillet. On l'a dit auparavant, tout a commencé lorsque Rogers a acheté Shaw et a donc été obligé de vendre son activité de sans-fil à Quebecor. Quebecor a donc pris beaucoup d'ampleur au niveau national, il y a donc un quatrième télécommunicateur qui représente une perturbation. Autrefois, il y avait un oligopole confortable, tous les prix demeuraient élevés et c'était discipliné. L'arrivée de Quebecor a changé la donne. Quebecor a passé un an à essayer de trouver son rythme. Elle a dû apprendre à commercialiser correctement Freedom, à mieux améliorer son activité de détail, proposer des forfaits avec sa nouvelle activité sans-fil. En définitive, Quebecor s'est dit: « Nous avons une structure de coût faible, nous voulons beaucoup de clients, nous allons utiliser le prix, nous allons réduire les prix encore plus que Rogers, Bell et TELUS et cela va nous permettre d'acquérir notre clientèle. » C'est ce que Quebecor a fait. Quebecor, fin juillet, a commencé à pivoter, se disant: « Nous avons mis tous les autres éléments en place, si nous pouvons gagner la clientèle avec un mélange de prix et de qualité, c'est meilleur pour notre modèle d'affaires à long terme. » Nous commençons à le voir. Quebecor a annoncé des augmentations de prix au mois de juillet qui se sont maintenues jusqu'à aujourd'hui malgré l'indiscipline fréquente de la période de la rentrée des classes. Si Quebecor est moins agressif, les trois opérateurs historiques vont sans doute l'être moins aussi, parce qu'ils ont une telle base de clientèle installée, ils ne veulent pas que la guerre des prix se poursuive car c'est très douloureux pour eux. Autre chose que je signalerai: tout le monde a indiqué à quel point la croissance des volumes a été très élevée sur le marché canadien. L'année dernière, il y avait une croissance record du nombre d'abonnés, surtout en raison de l'immigration élevée au Canada et de la croissance démographique qui en découle. Il y a un revers de la médaille. Lorsque le bassin de nouveaux clients est tellement important, les télécommunicateurs se disent: « Nous n'avons pas vu une telle croissance de la clientèle depuis 10 ans, nous allons nous en emparer. » Peut-être que dans un an, le gâteau ne va pas augmenter à la même vitesse. On pense que le gouvernement du Canada va freiner encore plus l'immigration. Il n'y aura pas une telle croissance du nombre d'abonnés. Le fait que tous les télécommunicateurs se soient rués vers ce nouveau bassin de clients, cela a créé une certaine indiscipline. Maintenant que la croissance se stabilise, peut-être que cela va apaiser la concurrence au niveau des prix, d'autant plus que Quebecor met de l'eau dans son vin. Il y a eu une stabilisation des prix depuis deux mois et cela pourrait inaugurer une amélioration.
Vous avez parlé de l'indiscipline et vous avez parlé de l'endettement. Lorsqu'il s'agit du levier, les investisseurs s'attendent à une certaine discipline. Est-ce qu'il y a une évolution à ce niveau-là?
Oui. Je dirais, je couvre ce secteur depuis 30 ans, je dirais que ce n'est pas toujours le secteur le plus discipliné lorsqu'il s'agit de la répartition des capitaux. Certaines de ces entreprises réalisent des acquisitions, parfois, qu'elles payent trop cher, que certains investisseurs ne comprennent pas au plan de la logique. Ou bien, parfois, elles en dépensent trop en immobilisations, elles sont trop axées sur le long terme, sans s'intéresser au flux de trésorerie ou aux problèmes de bilan à court terme. Mais lorsque cette industrie se sent sous pression, se sent acculée, il y a beaucoup de façons de réduire l'effet de levier, et les entreprises commencent enfin à s'en rendre compte. BCE a subi une rétrogradation de la note de Moody's, tout le monde s'inquiète de la dette de Rogers, TELUS a ses propres problèmes. Ces difficultés engendrent une plus grande attention au détail. Ce que ces entreprises font actuellement, c'est qu'elles envisagent de vendre des actifs qui ne correspondent pas à leur coeur de métier. Il y aura des réductions des immobilisations de la part de toutes les entreprises, ce qui libérera davantage de flux de trésorerie pour rembourser la dette. Quant aux actifs qui n'appartiennent pas à leur activité principale, Rogers a quelque peu capitulé quant à un actif dont elle voulait toujours conserver la propriété: les sports. Rogers a accepté de vendre MLSE pour 4,7 milliards de dollars. Cela montre que l'entreprise réduit sérieusement son endettement. TELUS prévoit des centaines de millions de dollars de la vente de son immobilier et du cuivre, maintenant que c'est un réseau entièrement de cuivre. La bonne nouvelle, c'est que toutes les entreprises, les équipes de direction se rendent compte de la gravité du problème et s'en sont emparées, ce qui signifie qu'il devrait y avoir davantage de progrès d'ici un an. Toutes ces compagnies détiennent énormément d'actifs qu'elle peuvent vendre si elles le souhaitent, elles peuvent toutes dépenser moins en immobilisations si elles le doivent, donc je crois que le premier élément consiste à reconnaître qu'il y a un problème. Pendant longtemps, elles se satisfaisaient d'un endettement élevé, mais maintenant, la bonne nouvelle, c'est qu'elles sont toutes motivées à faire ce que les actionnaires veulent et réduire leur dette d'ici un an.
Bonjour, Greg, ça me fait plaisir de repasser à votre émission.
Beaucoup d'investisseurs attendent le cycle de réduction des taux. Nous avons commencé avant les Américains. Les Américains sont intervenus en grand avec 50 points de base. Certains secteurs se sont comportés comme on le prévoyait, étant sensibles aux taux d'intérêt. Que se passe-t-il aux télécommunications?
J'ajouterais un autre facteur à votre liste, le secteur des télécommunications aux États-Unis. AT&T, Verizon et T-Mobile ont progressé de 20 % à 30 % cette année. La réduction des taux est propice à beaucoup de secteurs. Les entreprises canadiennes de télécommunications n'arrivent pas à se dépêtrer des mauvaises nouvelles qui les retiennent. Tout d'abord, il y a la guerre des prix. L'environnement de tarification est très défavorable. En fait, le pire de toute la carrière des spécialistes du secteur, y compris de la mienne. Vous demandez si les choses vont s'améliorer? Il semble qu'il y a de jeunes pousses, que la guerre des prix semblait apaisée, mais ce que nous avons vu, depuis quelques trimestres, et ce qu'on verra dans les résultats du troisième trimestre, on verra les conséquences défavorables de la tarification faible. Il y a une bonne croissance des abonnés, mais la tarification compense toute la croissance du volume. Nous en sommes à pratiquement zéro croissance des revenus de services pour les trois grandes entreprises de sans-fil. Voilà le problème qui plombe ces entreprises. Chacune a ses problèmes spécifiques, que ce soit certains problèmes au niveau de Rogers, le ratio de versement des dividendes chez BCE qui inquiète les investisseurs, TELUS a des difficultés dans ses activités autres que les télécommunications. TELUS International, en particulier, est la principale cible à ce niveau-là. Tous ces éléments culminent en un endettement assez élevé. Il n'y a pas beaucoup de marge d'erreur du point de vue des investisseurs. Pour en revenir aux entreprises de télécommunications américaines, qui ont beaucoup mieux réussi, le ratio de la dette au BAIIA est en moyenne de deux fois et demie. Les entreprises canadiennes, de 3,5, sauf dans le cas de Rogers, 4,7 fois. Donc, une conjoncture de tarification incertaine d'une part, et d'autre part, un levier plus élevé que la moyenne. Cela amène les investisseurs à se dire que même si les taux diminuent, il y a peut-être des endroits plus sûrs où placer son argent. Voilà l'analyse rétrospective qui explique pourquoi ces actions n'ont pas autant progressé que certains des autres secteurs sensibles aux taux d'intérêt.
Dans la guerre des prix, il est étonnant que personne n'ait baissé pavillon. Cela dure depuis longtemps. On se serait dit qu'à un moment donné, une de ces entreprises se serait dit: « Bon, il faut reculer », mais personne ne recule.
Il y a eu un certain recul. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a de jeunes pousses. Je suis toujours très optimiste quant à ce secteur. À mon avis, il réussira beaucoup mieux d'ici 12 mois que cela n'a été le cas depuis 12 mois. La Banque du Canada va sans doute continuer de réduire les taux d'intérêt. Les rendements au niveau de flux de trésorerie disponible de ces titres vont commencer à devenir trop attractifs pour qu'on les ignore, mais il faut que quelqu'un recule dans la guerre des prix et qu'il y ait une stabilisation. Cela a commencé fin juillet. On l'a dit auparavant, tout a commencé lorsque Rogers a acheté Shaw et a donc été obligé de vendre son activité de sans-fil à Quebecor. Quebecor a donc pris beaucoup d'ampleur au niveau national, il y a donc un quatrième télécommunicateur qui représente une perturbation. Autrefois, il y avait un oligopole confortable, tous les prix demeuraient élevés et c'était discipliné. L'arrivée de Quebecor a changé la donne. Quebecor a passé un an à essayer de trouver son rythme. Elle a dû apprendre à commercialiser correctement Freedom, à mieux améliorer son activité de détail, proposer des forfaits avec sa nouvelle activité sans-fil. En définitive, Quebecor s'est dit: « Nous avons une structure de coût faible, nous voulons beaucoup de clients, nous allons utiliser le prix, nous allons réduire les prix encore plus que Rogers, Bell et TELUS et cela va nous permettre d'acquérir notre clientèle. » C'est ce que Quebecor a fait. Quebecor, fin juillet, a commencé à pivoter, se disant: « Nous avons mis tous les autres éléments en place, si nous pouvons gagner la clientèle avec un mélange de prix et de qualité, c'est meilleur pour notre modèle d'affaires à long terme. » Nous commençons à le voir. Quebecor a annoncé des augmentations de prix au mois de juillet qui se sont maintenues jusqu'à aujourd'hui malgré l'indiscipline fréquente de la période de la rentrée des classes. Si Quebecor est moins agressif, les trois opérateurs historiques vont sans doute l'être moins aussi, parce qu'ils ont une telle base de clientèle installée, ils ne veulent pas que la guerre des prix se poursuive car c'est très douloureux pour eux. Autre chose que je signalerai: tout le monde a indiqué à quel point la croissance des volumes a été très élevée sur le marché canadien. L'année dernière, il y avait une croissance record du nombre d'abonnés, surtout en raison de l'immigration élevée au Canada et de la croissance démographique qui en découle. Il y a un revers de la médaille. Lorsque le bassin de nouveaux clients est tellement important, les télécommunicateurs se disent: « Nous n'avons pas vu une telle croissance de la clientèle depuis 10 ans, nous allons nous en emparer. » Peut-être que dans un an, le gâteau ne va pas augmenter à la même vitesse. On pense que le gouvernement du Canada va freiner encore plus l'immigration. Il n'y aura pas une telle croissance du nombre d'abonnés. Le fait que tous les télécommunicateurs se soient rués vers ce nouveau bassin de clients, cela a créé une certaine indiscipline. Maintenant que la croissance se stabilise, peut-être que cela va apaiser la concurrence au niveau des prix, d'autant plus que Quebecor met de l'eau dans son vin. Il y a eu une stabilisation des prix depuis deux mois et cela pourrait inaugurer une amélioration.
Vous avez parlé de l'indiscipline et vous avez parlé de l'endettement. Lorsqu'il s'agit du levier, les investisseurs s'attendent à une certaine discipline. Est-ce qu'il y a une évolution à ce niveau-là?
Oui. Je dirais, je couvre ce secteur depuis 30 ans, je dirais que ce n'est pas toujours le secteur le plus discipliné lorsqu'il s'agit de la répartition des capitaux. Certaines de ces entreprises réalisent des acquisitions, parfois, qu'elles payent trop cher, que certains investisseurs ne comprennent pas au plan de la logique. Ou bien, parfois, elles en dépensent trop en immobilisations, elles sont trop axées sur le long terme, sans s'intéresser au flux de trésorerie ou aux problèmes de bilan à court terme. Mais lorsque cette industrie se sent sous pression, se sent acculée, il y a beaucoup de façons de réduire l'effet de levier, et les entreprises commencent enfin à s'en rendre compte. BCE a subi une rétrogradation de la note de Moody's, tout le monde s'inquiète de la dette de Rogers, TELUS a ses propres problèmes. Ces difficultés engendrent une plus grande attention au détail. Ce que ces entreprises font actuellement, c'est qu'elles envisagent de vendre des actifs qui ne correspondent pas à leur coeur de métier. Il y aura des réductions des immobilisations de la part de toutes les entreprises, ce qui libérera davantage de flux de trésorerie pour rembourser la dette. Quant aux actifs qui n'appartiennent pas à leur activité principale, Rogers a quelque peu capitulé quant à un actif dont elle voulait toujours conserver la propriété: les sports. Rogers a accepté de vendre MLSE pour 4,7 milliards de dollars. Cela montre que l'entreprise réduit sérieusement son endettement. TELUS prévoit des centaines de millions de dollars de la vente de son immobilier et du cuivre, maintenant que c'est un réseau entièrement de cuivre. La bonne nouvelle, c'est que toutes les entreprises, les équipes de direction se rendent compte de la gravité du problème et s'en sont emparées, ce qui signifie qu'il devrait y avoir davantage de progrès d'ici un an. Toutes ces compagnies détiennent énormément d'actifs qu'elle peuvent vendre si elles le souhaitent, elles peuvent toutes dépenser moins en immobilisations si elles le doivent, donc je crois que le premier élément consiste à reconnaître qu'il y a un problème. Pendant longtemps, elles se satisfaisaient d'un endettement élevé, mais maintenant, la bonne nouvelle, c'est qu'elles sont toutes motivées à faire ce que les actionnaires veulent et réduire leur dette d'ici un an.