
La pandémie a entrainé une forte augmentation de certaines tendances technologiques. Alors que des vaccins seront bientôt disponibles, quelles tendances pourraient être là pour rester? Comment les investisseurs peuvent-ils continuer à profiter de cet élan technologique? Kim Parlee en discute avec Vitali Mossounov, analyste des technologies mondiales, Gestion de Placements TD.
Vous allez droit à la question à un million de dollars, Kim. Elles vont être multiples, mais pour répondre de manière compétente, il faut prendre du recul et examiner ce que ça veut dire globalement pour le marché et les paramètres fondamentaux. Du côté du marché, la technologie a connu une bonne année, avec une surperformance de 18 % par rapport au reste du marché. Mais il est intéressant de noter qu’en 2019, le rendement du secteur a aussi dépassé de 18% les performances du reste du marché. Et je pense qu’avec ces chiffres, on met le doigt sur l’essence de votre question, une question que tout le monde se pose : dans quelle mesure la surperformance de cette année est-elle réellement attribuable à la COVID, et dans quelle mesure est-elle liée aux facteurs structurels? C’est-à-dire à l’innovation et à l’inventivité du secteur technologique. En somme, je crois que ce sont d’abord les facteurs structurels qui expliquent cette surperformance, le fait que ces entreprises offrent une croissance supérieure. Il ne fait aucun doute qu’il existe quelques poches de surperformance dues au travail à domicile et à la COVID, mais l’effet reste marginal.
Passons en revue certaines de ces tendances, Vitali. Nous avons quelques minutes. Le télétravail. Les solutions comme Zoom et Docusign. Que va-t-il se passer, selon vous?
Eh bien, ce n’est rien de moins qu’une révolution du travail. On en a tous fait l’expérience, comme le prouve le balado d’aujourd’hui. On a tous vécu une période un peu folle, et ces entreprises en ont bénéficié en nous fournissant des outils de vidéoconférence et de collaboration comme Slack et la signature numérique. On a tout ce dont on a besoin, semble-t-il, pour travailler de chez nous. Alors, est-ce que ça a tiré la demande vers le haut dans une certaine mesure? Oui. Mais, en fin de compte, est-ce que ces tendances vont s’estomper? Non. Je crois que les entreprises regardent leurs comptes de plus près et se disent : c’est très coûteux de réunir tous les employés dans des bureaux comme avant, et donc on va associer les deux modes de travail, parce qu’un abonnement Zoom à 10 $ par mois semble largement préférable aux milliers de dollars qu’on déboursait pour des bureaux. On a donc vu une année record, mais ces tendances ne sont pas prêtes de s’essouffler, à mon avis.
Ceci dit, je suis sûre qu’elles vont évoluer. Mais il faut attendre de voir ce que nous réserve l’avenir. J’aimerais avoir votre avis sur les paiements. Les paiements numériques et sans contact qui connaissent un franc succès.
Oui, et c’est un thème évolutionnaire, si vous me permettez l’expression. Ce changement s’est produit sur de nombreuses années, plus d’une décennie. Mais là encore, on a vu une vraie accélération cette année. D’abord, parce qu’on ne peut pas recharger son téléphone avec des billets. Et pour les achats en ligne – qui ont bien sûr explosé cette année – on utilise les paiements numériques. Mais même en magasin, les gens sont prudents et évitent l’argent liquide pour des raisons évidentes cette année, ou ils préfèrent la simplicité de la technologie sans contact. Les gens abandonnent de plus en plus l’argent liquide, même en magasin. Là encore, quoi qu’il arrive, quelle que soit la part des achats en magasin ou en ligne, je crois que les paiements et portefeuilles numériques, sous diverses formes, vont rester dans notre quotidien. Et qu’en est-il de la cybersécurité?
Oui...
On a tous pris conscience de son importance cette année. Je reçois beaucoup d’avertissements de la TD : « ne pas cliquer », « ne faites pas ça ». On suit presque tous ces consignes et on est super prudents. Mais ça a été un grand bouleversement pour les entreprises qui étaient habituées à avoir tous leurs employés au sein d’un périmètre de sécurité informatique bien défini. Maintenant, nous sommes à des kilomètres, voire à des milliers de kilomètres les uns des autres, et nous utilisons des appareils autorisés ou non sur des réseaux qui risquent de comporter du code malveillant. Le nombre d’attaques a explosé. On entend beaucoup parler des logiciels de rançon. Dans une entreprise, par exemple, toutes les données ont été verrouillées et elle a dû payer des millions pour les récupérer. Et dans ce domaine aussi, les tendances vont évoluer. Quand on pense aux dix prochaines années, à la cybersécurité et à ces menaces, dans un contexte où l’on travaille et on vit à distance, avec un réseau 5G... ces questions seront prioritaires et la tendance va se renforcer.
Il ne reste que 30 secondes, mais qu’en est-il des achats en ligne?
La grande favorite des valeurs canadiennes, Shopify, est clairement en plein essor et les gens se posent des questions sur l’évaluation de ce titre.
Oui, l’évaluation de Shopify est alarmante de prime abord, mais je pense que les investisseurs doivent se rendre compte qu’au sortir de la pandémie, Shopify est l’infrastructure par défaut d’un grand nombre de commerces en ligne. Il y a quelques années, vous auriez eu le choix entre plusieurs plateformes en tant que commerçant potentiel. Mais de plus en plus, Shopify est le seul choix. L’entreprise a donc en quelque sorte battu ses concurrents et a une grande marge de croissance. C’est une entreprise innovante.
Vitali, je n’ai vraiment plus que 30 secondes, mais si vous aviez un message concernant ce secteur et les occasions d’investissement dans les entreprises technologiques, que faut-il garder à l’esprit?
Il ne faut pas perdre de vue que d’un point de vue stratégique, à trois ou quatre mois, la prévisibilité est très faible en ce moment. Je mets donc en garde contre la tentation de deviner qui sortira gagnant des tendances technologiques ou non technologiques, de la course aux vaccins. C’est très difficile, et ce n’est pas ça, investir. Mais à un horizon raisonnable, c’est-à-dire à un an, deux ans ou plus, lorsque vous investissez dans la technologie, vous investissez en fait dans l’innovation, l’ingéniosité humaine et l’inventivité. Et c’est vraiment, à mon sens, ce qui va alimenter les années 2020. Pour les 10 ans à venir, il va falloir bien réfléchir à la part des titres technologiques dans la répartition des actifs d’un portefeuille.