Que votre entreprise en soit à ses débuts ou qu’elle existe depuis des générations, il n’est jamais trop tôt pour réfléchir à votre stratégie de sortie. Après tout, même si vous aimez ce que vous faites, vous ne voulez probablement pas le faire pour toujours. Jeff Halpern, planificateur en succession d’entreprise à Gestion de patrimoine TD, et Kim Parlee déboulonnent quatre mythes connus sur la succession d’entreprise.
Jeff, c’est toujours un plaisir de vous avoir avec nous. Pourquoi pensez-vous qu’il est important de réfléchir à une stratégie de sortie même si l’on est encore bien loin de transmettre ou de vendre son entreprise.
- Merci beaucoup de l’invitation, Kim. À vrai dire, la planification de la sortie prend toujours du temps. Si vous comptez vendre l’entreprise, il faut du temps pour la préparer et optimiser sa valeur. Et si vous comptez la transférer à un membre de la famille, il faut du temps pour décider à qui vous allez la transmettre et préparer cette personne ou ces personnes à prendre la relève. Dans tous les cas, le processus est long.
- Très bien. Ok. Parlons de ce à quoi il faut réfléchir. Je sais qu’il y a beaucoup de mythes qui circulent à ce sujet. Et le premier, c’est que si le propriétaire d’une entreprise décide de la transmettre à ses enfants, il n’aura pas d’argent pour la retraite.
Est-ce que c’est vrai?
- Absolument pas, Kim. Il y a tellement de façons de transmettre son entreprise à ses enfants tout en s’assurant d’avoir toujours des fonds. Même en finançant ses enfants, on peut tout à fait rester actionnaire de l’entreprise et percevoir à la fois un salaire et des dividendes à la retraite. On peut donc continuer à tirer de l’argent de l’entreprise, même en transférant la propriété et la plupart de ses parts à ses enfants.
- Ok. La première option, c’est de vendre les actions à leur valeur marchande, pour entrer dans les détails techniques. La deuxième, c’est d’opter pour une vente d’actions bienveillante.
- Tout à fait. Si l’enfant a des moyens suffisants, il peut aller dans une banque, comme la TD, qui lui prêtera l’argent pour acheter les parts du parent. Le parent disposera ainsi d’une grosse somme d’argent qui lui assurera une retraite confortable. Mais si ce n’est pas possible, et c’est aussi plus fréquent parce que les enfants n’ont souvent pas les fonds nécessaires, le parent peut procéder à ce qu’on appelle un gel successoral.
- Passons en revue quelques-uns des autres mythes qui circulent. Et si les gens veulent plus de détails, je les invite à communiquer avec nous. Chaque situation est particulière. Le deuxième mythe, c’est que si on transfère son entreprise à ses enfants, l’évaluation n’est pas nécessaire. Vous dites que c’est faux.
- C’est faux, Kim. À notre avis, c’est important de demander une évaluation professionnelle pour que le reste de la famille ait le sentiment d’avoir été traité équitablement par rapport au prix payé par le membre de la famille qui reprend l’entreprise. Par souci de transparence et d’harmonie familiale, la famille a tout intérêt à demander une évaluation.
Et en plus, l’ARC pourrait demander à voir l’évaluation pour déterminer si le vendeur des actions a effectivement enregistré la vente à la juste valeur marchande. Malheureusement, la Loi de l’impôt sur le revenu stipule que si le prix de vente est sous-évalué, vous êtes réputé avoir reçu le produit de la vente à la juste valeur marchande. C’est donc dans l’intérêt de tous de demander une évaluation.
- Ok. Voilà pour l’évaluation. J’ai un autre mythe pour vous. Si les propriétaires se chicanent, ça veut dire que l’entreprise est vouée à l’échec. Ça ne va pas marcher. Donc si vos enfants ne s’entendent pas, c’est peut-être une mauvaise idée.
- Pas du tout, Kim. Parce qu’avant de transférer les actions aux enfants qui deviendront alors les actionnaires de l’entreprise, on recommande aussi de mettre en place une convention entre actionnaires. Cette convention, c’est un ensemble de règles qui dictent ce qui se passe dans des éventualités auxquelles il faut réfléchir à l’avance. Par exemple, qu’est-ce qui se passe en cas de décès? En cas de différend? Si quelqu’un veut prendre sa retraite, s’il y a un divorce ou en cas d’invalidité?
La convention entre actionnaires peut prévoir toutes ces éventualités pour s’assurer qu’il y a une marche à suivre bien réfléchie qui va permettre d’éviter des litiges. Par ailleurs, il est judicieux de souscrire une assurance vie assez rapidement, de sorte qu’en cas de décès prématuré de l’un des actionnaires, la veuve ou le veuf du frère ou de la sœur décédée ne sera pas obligé de faire affaire avec les autres frères et sœurs, car cette situation pourrait entraîner des tensions, pour ainsi dire. Mieux vaut souscrire une assurance vie pour le financement de l’achat-vente en cas de décès prématuré, pour plus de prudence.
- Il ne me reste plus qu’une minute, Jeff, mais j’aimerais qu’on parle d’un mythe très intéressant. Le mythe qui veut que si vous avez quatre enfants, vous devez diviser l’entreprise en quatre. Mais vous dites que ce n’est pas le cas.
- C’est exact, Kim. On a travaillé avec des centaines de familles qui ont transféré des entreprises au sein du groupe familial. Et en vérité, celui qui prend la relève assume toujours un risque. Et ce risque a un prix. Lorsqu’il est question d’égalité, l’égalité n’est pas la même chose que l’équité. Chaque famille doit évaluer ce qui est équitable pour les enfants, plutôt que de chercher à atteindre l’égalité.
- J’aimerais quelques mots de votre part, à ce sujet. Vous avez vu ce que ça donne sur le terrain. Certains enfants reçoivent un montant d’argent, d’autres reçoivent une part de l’entreprise. Et il faut déterminer ce qui est le plus logique.
Kim, il existe un concept appelé « répartition égale du patrimoine ». Quand on applique ce principe, on examine les actifs et les catégories d’actif que la famille détient. Ensuite, on décide quels actifs iront à quels enfants, selon ce qui est le plus logique compte tenu de leurs intérêts et de leur situation. Dans certains cas, on retire les biens immobiliers de l’entreprise. On les place ensuite dans une structure distincte pour les enfants qui ne prennent pas la relève de l’entreprise. Puis ces biens immobiliers peuvent être loués à l’enfant qui exploite l’entreprise afin de créer un flux de revenus locatifs.
Dans d’autres cas, quand il n’y a pas assez d’actifs à léguer aux enfants qui ne reprennent pas l’entreprise, on réfléchit à l’assurance vie pour répartir également le patrimoine. L’assurance vie permet de créer une somme d’argent à léguer aux enfants qui ne reprennent pas l’entreprise. Et l’entreprise peut alors être transmise à l’enfant le plus apte à prendre la relève.
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