L’indice composé Nasdaq a reculé de plus de 30 % de janvier à juin, mais a depuis récupéré environ la moitié de cette chute. Serait-il temps de revenir aux technologies? Vitali Mossounov, analyste des technologies mondiales et gestionnaire de portefeuille, Gestion de Placements TD, se penche sur le sujet.
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[LOGO AUDIO] Les bénéfices des grandes sociétés technologiques de ce trimestre ont été publiés. Pour nous présenter les bonnes et moins bonnes nouvelles, voici Vitali Mossounov, responsable des technologies mondiales et gestionnaire de portefeuille à GPTD. Vitali, c’est un plaisir de vous avoir parmi nous, j’ai hâte de discuter avec vous. Commençons par résumer les événements de ce trimestre. Oui. Eh bien… Greg, d’abord, qu’a-t-on vu au quatrième et au premier trimestre? Au cours de ces deux trimestres, les investisseurs étaient stressés. Au quatrième trimestre, en janvier, et au premier trimestre, en avril, on était inquiets. Il faut revenir en arrière six mois, trois mois, mais les investisseurs étaient inquiets. Les sociétés ont obtenu de bons résultats, mais les actions ont continué de reculer. Le premier semestre a été compliqué pour beaucoup et quand on est arrivé en effervescence, à la fin juillet, c’était très difficile pour ces sociétés. Qu’allaient être les résultats? Il était vraiment temps pour elles de montrer ce qu’elles avaient dans le ventre. GREG BONNELL : Qu’est-ce qu’elles nous ont montré? Qu’est-ce qu’elles ont dans le ventre? Eh bien, je dirais que les résultats ont été, en chiffres absolus, médiocres. Pour que ce soit clair, on a une croissance du chiffre d’affaires de 7 % pour le groupe, dans l’ensemble, ça n’a rien de rassurant pour ces géants des technologies. On est normalement à 15 %, 20 % quand tout va bien. Ce n’était donc pas un bon trimestre en termes absolus. Qu’est-ce qui leur a été préjudiciable? Eh bien, les taux de change leur ont nui. L’affaiblissement de l’euro, les trois ou quatre points de pourcentage défavorables. C’est difficile de souffrir la comparaison avec les résultats d’il y a un an. La consommation était en forte hausse aux États-Unis, on était en pleine relance. Maintenant, l’économie a ralenti, les économistes en ont beaucoup parlé. L’économie ralentit. Et tout cela s’est combiné pour vraiment faire baisser la croissance. GREG BONNELL : Donc médiocre. Comparons le terme médiocre de votre analyse avec la réaction que nous avons observée dans les cours boursiers après la publication des bénéfices. VITALI MOSSOUNOV : Très différent, pas médiocre du tout, pour résumer, les cours boursiers ont été fantastiques. Je parle de la réaction du cours de l’action le jour suivant… vraiment superbe. Les actions ont monté en flèche. Or, sur les marchés, tout est question d’attentes. Et les attentes… on a parlé des bénéfices du quatrième trimestre en janvier et du premier trimestre en avril. Les attentes étaient élevées. Mais pendant les mois de mai, juin et juillet, de quoi tout le monde parlait? Les taux, l’inflation et la récession. Donc, au moment des rapports, tout le monde avait très peur. Quand ces sociétés ont présenté des chiffres décents, médiocres, mais décents, la réaction a été positive. Le message, c’était qu’on n’avait pas d’effondrement. Les gens ont accueilli favorablement ces actions. Les investisseurs les ont soutenues et elles ont connu de bons résultats depuis. C’est une réaction très intéressante. Examinons maintenant quelques titres individuels, les plus importants du secteur. Commençons par Microsoft. VITALI MOSSOUNOV : Microsoft, chaque trimestre, épète le même scénario, c’est la constance incarnée. Donc, cette fois, on a encore une croissance à deux chiffres des revenus et du BPA. Et quand Microsoft publie un rapport, tout le monde s’intéresse à l’infonuagique. Le nuage Azure, la transformation numérique, tous ces mots à la mode. Mais à part ça, au moment du rapport trimestriel, l’entreprise doit avoir une croissance de 44 %, 45 %, 47 %. Et elle a réussi. Elle avait de bonnes prévisions. Elle a admis une certaine faiblesse économique, mais le marché est satisfait. Le cours de l’action a bien réagi, en grimpant de 6 % et de 7 % le jour suivant. GREG BONNELL : Regardons Apple maintenant… J’aime le fait que, sur le graphique Apple… vous avez procédé de la même façon avec ces trois blocs. C’est très révélateur. VITALI MOSSOUNOV : Oui, ils sont révélateurs. Et Apple a également obtenu des résultats décents. Vous voyez que la première barre a augmenté de 2 %. Ils ont fait mieux que ça. Ils arrivent à 2 % après les difficultés de change. Et n’oubliez pas qu’Apple n’a pas réussi à lancer son produit. Macs et iPads, ils ne pouvaient pas être produits et mis sur le marché à cause de tous les confinements en Chine. La croissance réelle d’Apple était, je crois, de l’ordre de 7 % à 8 %. C’est mieux, mais, comme Microsoft, Apple répond aux attentes. Les réactions étaient positives, le titre a augmenté de 4 % ou de 5 % le jour suivant. GREG BONNELL : Le cours de l’action s’est aussi fortement redressé au cours de l’été. On revient aux niveaux d’avant. Toutes ces difficultés, tous les… VITALI MOSSOUNOV : Apple devrait atteindre des sommets inégalés. En passant, n’est-ce pas surprenant, compte tenu de tout ce qu’on a entendu sur le consommateur, qu’un produit de consommation aussi cher, soit le titre le plus performant? GREG BONNELL : Certainement. Passons maintenant à des sociétés qui étaient auparavant connues sous un autre nom. Alphabet, bien sûr, est la société mère de Google. VITALI MOSSOUNOV : D’accord, place aux actions MAMA. [RIRES] On est maintenant à MAA. On a un M ensuite. N’en disons pas trop, mais on a un autre A aussi. VITALI MOSSOUNOV : On parle donc d’Alphabet, et avec Alphabet, je dirais que les craintes étaient élevées. Bien sûr, car que font-ils? Eh bien, ils sont dans la publicité ou dans l’argent de la publicité. Et bien sûr, lorsque l’économie ralentit, un multiplicateur de trois, quatre s’applique sur les dollars publicitaires dans l’économie. Quand les entreprises souffrent, elles cessent de dépenser pour attirer des clients. Elles se serrent la ceinture. Et il y avait donc beaucoup de craintes, mais Alphabet a déclaré, avec le recul de la devise, une croissance de 16 %. Et c’est très révélateur, je pense. On remet toujours la recherche tout en question. Quel est le rôle de la recherche dans nos vies? L’entreprise a vraiment prouvé l’importance de la recherche. Qu’ils soient bons ou mauvais, les annonceurs peuvent arrêter certaines publicités. Mais lorsque la personne vous dit ce qu’elle veut, ce dont elle a besoin, les dollars publicitaires affluent. Les résultats d’Alphabet sont donc solides. GREG BONNELL : O.K. Passons au M de la liste. Et, bien sûr, c’était Facebook. Maintenant, c’est Meta qui nous prépare à l’avenir. VITALI MOSSOUNOV : Meta nous prépare à l’avenir, mais elle ne fournit pas tout à fait les résultats escomptés à l’heure actuelle. C’est un problème pour nous. Vous voyez que les barres sont… elles ne vont pas dans le bon sens. Elles sont en quelque sorte inversées par rapport aux autres titres positifs. La première croissance négative des revenus, je crois que c’est 1 ou 2. Ce n’est pas très bon pour une entreprise qui a progressé de plus de 20 % il y a peu. Cette histoire de publicité numérique était magique. Facebook et Instagram éprouvent maintenant des difficultés. Il y a la concurrence de TikTok. Il y a certains changements liés à la protection des renseignements personnels d’Apple. Ils font face à des obstacles. Et pendant ce temps, ils veulent dépenser parce qu’ils veulent bâtir le Metaverse. Mais lorsqu’on dépense beaucoup et que nos revenus diminuent, nos bénéfices s’évaporent. Ces résultats n’ont donc pas plu au marché. Et on voit que c’est une action qui a beaucoup souffert cette année. GREG BONNELL : Oui. Pas grand-chose pendant la remontée estivale. Terminons avec Amazon, de toute évidence un énorme bénéficiaire de la pandémie. On vous demande de rester à la maison. Les centres commerciaux sont fermés. Évidemment, vous magasinez sur Amazon. Comment s’est porté le titre récemment? VITALI MOSSOUNOV : Oui, je magasine beaucoup sur Amazon. En 2021, ils ont augmenté leurs ventes de 40 %. Pour ce qui est de comparaisons difficiles, certaines sont vraiment très difficiles. De plus, Amazon a de la difficulté à gagner de l’argent. Ils ont trop embauché. Ils ont trop de logistique. Et quand le commerce électronique a reculé, ils s’en sent mordu les doigts. Ce trimestre a donc été un véritable test avec le ralentissement de la consommation. Walmart et Target ont publié des rapports préoccupants sur leurs stocks. Amazon, sans doute la plus surprenante, a indiqué que les ventes se portaient bien. Le taux à un chiffre est élevé. On pense qu’ils auront une croissance de 10 % au prochain trimestre, c’est surprenant. De plus, ils assument une grande partie de leurs coûts au moins ceux qu’ils peuvent contrôler. On ne peut pas contrôler le prix du pétrole, mais on contrôle beaucoup de choses. Ils ont supprimé 99 000 emplois au cours du trimestre et ils commencent à y avoir un espoir de rentabilité. Amazon progresse ou recule de 10 points par trimestre, mais ce trimestre, elle a augmenté. Approfondissons un peu sur ces sociétés. Est-ce que ce sont toujours les mêmes entreprises ou quelque chose a-t-il changé fondamentalement sur le plan structurel? C’est une grande question. Au début de l’émission, Greg, on a dit que la croissance était plutôt médiocre. Elle est plus lente que celle du reste du marché. Et si ces grandes sociétés technologiques commencent à être moyennes, elles pourraient nous coûter un peu trop cher. J’aime donc me demander si elles sont meilleures ou pires qu’avant la pandémie, il y a trois ans? Le principal facteur point positif, c’est le changement de comportement. On vit dans un monde plus numérique. Le commerce électronique a connu une forte hausse, maintenant il ralentit. Mais je pense que les comportements des consommateurs ont changé de façon permanente et que cela s’applique à de nombreux secteurs, notamment les grandes sociétés. En revanche, l’argent n’est pas infini dans le monde et ces sociétés ont eu beaucoup de revenus supplémentaires. Certaines progressent deux fois plus vite qu’avant la pandémie. Elles ont donc profité plus rapidement d’une plus grande part du marché. Il y a donc moins de possibilités de progression. On ne peut donc pas s’attendre à la même croissance qu’avant la pandémie. Dans mon esprit, il y a débat, mais ces deux éléments se recoupent. Et je suis optimiste, il s’agit toujours d’entreprises solides, comme il y a trois ans. GREG BONNELL : À l’approche de la période de publication des bénéfices… vous et moi avons peut-être eu cette discussion au sujet de l’indice de ratio cours/bénéfice. Certains se sont dit que les prix avaient baissé. Mais peut-être que les bénéfices doivent aussi diminuer par rapport à ce que ces sociétés peuvent nous offrir. Qu’en est-il des évaluations? Est-ce qu’elles font sens en ce moment? On a vu une, c’est amusant que vous le mentionnez, avec une légère détérioration des prévisions de bénéfices. Ces sociétés ont adopté une approche prudente. C’est mieux que prévu, mais elles ont mentionné une augmentation des opérations de change et une faiblesse de la consommation macroéconomique. Les estimations ont donc diminué, mais pas trop. Tout bien considéré, quand on pense aux évaluations, je pense qu’on va payer une prime pour les actions technologiques par rapport au reste du marché pour les meilleurs modèles d’affaires et une meilleure croissance des bénéfices. La question est la suivante : quelle prime allez-vous payer? Par le passé, le taux se situait entre 10 % et 40 %. Après cette remontée, la prime est d’environ 30 %. Vous n’êtes donc ni au plus bas ni au plus haut de l’échelle. Et tout va dépendre de l’exécution. D’ici 2023, ces entreprises pourront-elles convaincre les investisseurs qu’elles vont revenir vers une croissance à deux chiffres? Eh bien, parlons des occasions peut-être ou de la façon dont on devrait évaluer ces actions au deuxième semestre de l’année, on est déjà au premier semestre de l’année. Je déteste toujours aborder le premier semestre de l’année, parce que c’est douloureux pour l’auditoire. C’est douloureux pour moi, et pour vous aussi. À quoi peut-on s’attendre du secteur des technologies au deuxième semestre? Est-ce que ce sera difficile? Eh bien, c’est intéressant. On est déjà en septembre, Le temps file. Le marché est tourné vers l’avenir, et je pense qu’il a déjà bien pris en compte le troisième trimestre du deuxième semestre de l’année. On a mentionné que l’inflation ralentissait déjà, on a parlé d’une croissance plutôt médiocre. Je pense que tout cela va persister au deuxième semestre de l’année. En fait, le marché commence maintenant à penser non pas au deuxième semestre, mais à 2023. Ce que j’aime dans l’équation pour 2023 c’est que la croissance sera un peu plus facile à obtenir en termes de comparaisons pour ces sociétés. Ce ne sera pas si difficile de se comparer à l’année de la pandémie 2021. En même temps, toutes les entreprises ont envoyé un signal fort en disant qu’elles feront attention à leurs dépenses. Elles vont donc vraiment se concentrer sur l’exploitation. Pour moi, c’est peut-être un bon signe pour les marchés, car on pourrait assister à une expansion des marges d’exploitation et à une croissance des bénéfices. Donc je pense qu’il y aura débat au sein du marché. Je ne pense pas qu’on va se réveiller demain et que le marché sera dominé par le secteur des technologies. Je pense que ce sera complexe, avec un bras de fer comme celui que nous avons connu. Mais il y a une discussion intéressante à avoir sur ce que nous réserve l’année 2023. Bien sûr, selon les Services économiques TD, les probabilités d’une récession se jouent actuellement à pile ou face. Certains types de sociétés technologiques tireront-elles mieux leur épingle du jeu si la croissance ralentit ou se contracte? Et ce renversement rend les choses difficiles parce que vous essayez de prévoir les activités et bon nombre d’entre elles sont cycliques. L’aspect positif de la technologie et de notre approche des portefeuilles, c’est qu’un grand nombre d’entreprises technologiques, dans une grande mesure, sont déconnectées du cycle économique. Rien ne l’est jamais complètement, mais il y a des tendances de croissance à long terme qui seront à l’abri de ce ralentissement extrême ou de la reprise de l’activité commerciale. Donc, avec un peu de chance, l’inflation va ralentir, les taux se stabiliser, les pires trimestres ont été enregistrés par ces sociétés et je pense que c’est une configuration intéressante dans beaucoup de poches de technologie, avec une croissance à long terme et, potentiellement, une accélération des bénéfices. GREG BONNELL : Avant de vous libérer, j’aimerais savoir ce que vous pensez en 30 secondes de ce qui attend les sociétés technologiques. De toute évidence, vous avez parlé de prudence, peut-être de certaines turbulences. À quoi un investisseur devrait-il penser s’il examine ce secteur? Eh bien, ils doivent certainement être prudents quant au moment. Et je pense qu’il s’agit d’une étude de cas pour le premier semestre de l’année. Après la forte remontée des marchés, qui aurait pu s’en douter? On revient essentiellement au niveau de février ou de mars. Il est donc exagéré d’anticiper le marché dans un tel contexte. Ça ne fonctionne pas. En fin de compte, c’est la question la plus importante. Autrement dit, est-ce que ce sont encore les mêmes sociétés qu’avant la pandémie? Est-ce que la technologie est encore une priorité? Sur le plan pratique, les investisseurs croient-ils que la croissance des bénéfices est meilleure que celle du marché? Si c’est le cas, si vous pensez cela, la technologie a un rôle à jouer dans votre portefeuille. J’aime entendre votre point de vue. Je vais vous poser une dernière question. La période de publication des bénéfices est terminée. Que doit-on surveiller lors de la prochaine période de publication des bénéfices? Au troisième trimestre, il faudra attendre septembre avant la fermeture des livres. Les mêmes craintes vont émerger. J’en suis convaincu. Il y aura de l’inquiétude. C’est une année d’inquiétude, et je pense que ce n’est pas terminé. Ces sociétés devront produire des rapports et nous surveillerons le renouement avec cette forte croissance. Amazon et Microsoft continuent de dire que la situation est généralement bonne et de publier les chiffres auxquels les investisseurs s’attendent. [LOGO AUDIO] [MUSIQUE]