
Le président Biden a annoncé un plan américain pour l’emploi de 2,2 billions de dollars, soulignant qu’il « permettra d’investir dans l’Amérique comme nous ne l’avons jamais fait depuis que nous avons construit les autoroutes inter-États et gagné la course à l’espace ». Leslie Preston, économiste principale, Groupe Banque TD, donne son point de vue sur les conséquences de ce plan de relance financé par une hausse du taux d’imposition des sociétés.
La Maison-Blanche a présenté l’une de ses principales initiatives - 2,25 billions $, je dis bien billions, pour un accord sur les infrastructures. Cela s’inscrit dans le plan du président Biden en matière d’emplois. Il s’agit de mesures de relance importantes que certains comparent au New Deal de FDR. Jetez un coup d’œil à certains chiffres. C’est un plan de 2,2 billions $ prévoyant 174 milliards $ pour les VE, 115 milliards $ pour la réparation des routes et des ponts, 85 milliards $ pour l’entretien et l’expansion du transport en commun et 80 milliards $ pour le transport ferroviaire interurbain.
L’accord doit encore être adopté par le Congrès. Il y a déjà eu une certaine résistance, comme prévu. Pour nous expliquer ce que tout cela pourrait signifier pour l’économie (non seulement pour l’économie américaine, mais aussi pour la nôtre) voici Leslie Preston. Elle est économiste principale à la TD.
Leslie, merci beaucoup d’être avec nous. On parle d’une somme colossale. Je sais qu’il y a encore des obstacles politiques à franchir, mais donne simplement un peu de contexte sur l’ampleur de ce montant et son importance pour la reprise économique.
Les montants que tu as indiqués sont certainement élevés, bien qu’après plusieurs séries de mesures de relance, nous commençons à nous habituer à ces montants qui s’élèvent en billions de dollars. Pour ce qui est des dépenses, il est important de se rappeler que les dépenses en infrastructures sont réparties sur huit ans. C’est donc 270 milliards $ par année. C’est un montant un peu plus petit qu’il ne semble à première vue, mais ça reste un gros montant.
Des centaines de milliards de dollars par année. Mais oui, tu as raison. Tout ne se produit pas en même temps. Peux-tu nous donner une idée de l’échéancier pour l’adoption de cette mesure? Tu as dit que ce serait réparti sur quelques années. Quand pouvons-nous nous attendre à ce que cela commence?
Il y a un peu d’incertitude à cet égard. Les gens de la Maison-Blanche espéraient que le Congrès adopterait le tout cet été. Il serait plus réaliste d’envisager que cela se produise en septembre. L’administration a indiqué qu’elle aimerait l’adopter sur une base bipartisane. Je pense que de façon réaliste, étant donné que les grandes dépenses d’infrastructure sont financées par des hausses de l’impôt des sociétés, il est peu probable que les Républicains soient d’accord. Il s’agira donc de s’assurer que tous les Démocrates restent d’accord pour faire adopter le texte, et d’utiliser la réconciliation pour obtenir l’aval du Sénat.
Intéressant. J’aimerais en savoir plus sur l’aspect fiscal, comme c’est important, surtout pour ceux qui surveillent les marchés. Essayons de mettre les choses en perspective. Comme je l’ai dit, on compare cet accord au New Deal. Considères-tu qu’il s’agit de quelque chose d’aussi majeur?
Pour faire court, je dirais que non. L’American Rescue Plan vient d’être adopté, et il représentait un montant de 1,9 billion $. Cet argent sera distribué beaucoup plus rapidement. On parle d’environ 1 % du PIB, sur une base annuelle. Ce n’est donc pas rien, mais c’est beaucoup plus petit sur 12 mois que ce que nous avons vu dans les plus récents plans de sauvetage.
Et, bien sûr, lorsqu’on réfléchit à l’incidence économique, il y a des répercussions à court terme et à long terme. À court terme, la construction d’infrastructures, les emplois et les biens achetés par le gouvernement pour construire ou réparer les infrastructures donnent un coup de pouce. Mais ce que le gouvernement espère vraiment, c’est que cette amélioration des infrastructures augmente le taux de croissance à long terme de l’économie. On donnerait ainsi un coup de pouce à court terme à l’économie, ce qui pourrait contribuer à son redressement. Ce qu’on espère réellement, c’est de stimuler la productivité à long terme pour permettre à l’économie de croître plus rapidement sur une plus longue période.
Pour ce qui est d’aider la reprise à court terme, ce type de projets prend habituellement du temps pour se mettre en branle. Ce n’est donc pas quelque chose qui devrait stimuler la croissance cette année. Au plus tôt, l’incidence commencerait l’année prochaine, étant donné qu’il faut du temps pour la planification de ces projets et pour que les marchés publics prennent leur élan. On parle donc davantage d’une croissance à moyen terme.
Oui. Il ne faut pas négliger cet aspect des marchés publics. Ces choses prennent du temps et il y a beaucoup à faire. Tu as mentionné la hausse des taux d’imposition. On nous dit que les taux que nous recherchons pourraient être de l’ordre de 28 %. Quelle en est l’importance? Je présume que cela représente un obstacle à la croissance.
Oui. Certainement. C’est l’autre côté de la médaille. Quand on compare cette initiative au New Deal ou à d’autres importantes expansions des programmes sociaux aux États-Unis, il faut tenir compte de l’effet modérateur de la hausse de l’impôt des sociétés. Bien sûr, l’administration Biden prend cette mesure pour que son plan soit plus responsable sur le plan financier, pour réduire le montant de la dette qu’elle lègue aux générations futures.
Mais il ne fait aucun doute que c’est un coût important en matière d’impôt des sociétés. Cela réduit de moitié la réduction d’impôt adoptée dans la <i>Tax Cuts and Jobs Act</i> par l’administration Trump. Rappelons que le taux d’imposition des sociétés est passé de 35 % à 21 %. Il remonte maintenant à 28 %.
La réduction précédente de l’impôt des sociétés a eu un effet important sur le bénéfice par action des sociétés du S&P 500, qui a augmenté considérablement après l’adoption des réductions d’impôt. Nous nous attendons donc à ce que cela ait une incidence importante non seulement sur le bénéfice par action et le marché, mais aussi, du point de vue de l’économie et de la croissance, la hausse de l’impôt des sociétés réduit le taux de rendement après impôt des placements des sociétés, et dans la plupart des modèles économiques standard, cela entraîne une réduction de la production économique et de l’emploi à long terme. On assiste donc à un bras de fer. L’investissement dans les infrastructures pourrait donner un coup de pouce, mais la hausse d’impôt pourrait avoir un effet négatif.
Il est intéressant que Janet Yellen se prononce en ce moment même en faveur d’un taux d’imposition minimum global pour tous les pays de l’OCDE. On dirait qu’elle essaie d’atténuer le fait que certaines entreprises puissent décider de simplement déménager dans un endroit où le taux d’imposition est plus faible.
Exactement. C’est une grande partie de la raison pour laquelle elle appelle à cela. Mais ce n’est pas un sujet nouveau. Il a déjà été abordé lors des réunions du G20. Le but est de vraiment uniformiser les règles du jeu en matière d’imposition des sociétés multinationales.
Comme vous l’avez mentionné, c’est dans l’intérêt de l’administration comme cela atténue en quelque sorte la baisse de la compétitivité entraînée par l’augmentation du taux d’imposition des sociétés aux États-Unis. De plus, les États-Unis ne sont pas seuls à vouloir uniformiser les règles du jeu et réduire l’incitatif ou la capacité des sociétés multinationales à transférer leurs profits dans des paradis fiscaux.
Leslie, c’était un plaisir de t’accueillir. Nous allons t’inviter de nouveau pour comprendre la mise en œuvre du plan d’infrastructure et ses répercussions réelles. Merci beaucoup.
Tout le plaisir est pour moi.
[MUSIQUE AMBIENTE]