
Une lutte récente pour le contrôle d’une importante entreprise canadienne a mis la structure à deux catégories d’actions sous les projecteurs. Anthony Okolie et Samantha McDonald, vice-présidente, Recherche et engagement ESG, Gestion de Placements TD, discutent des approches à adopter pour cette structure du point de vue des questions ESG.
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La récente bataille pour le contrôle de Rogers Communications a mis en lumière les structures d’actions à deux catégories. Que sont les actions à deux catégories et comment fonctionnent-elles? Samantha McDonald se joint à nous pour en parler davantage. Elle est vice-présidente, Recherche et engagement ESG à Gestion de Placements TD. Samantha, nous avons lu et vu les nouvelles sur la situation dramatique de Rogers qui est maintenant devant les tribunaux. Sans prendre parti, pouvez-vous nous donner une idée de ce qui se passe?
Oui, avec plaisir, je vais vous résumer rapidement ce qui se passe actuellement. Je pense qu’il est important de mentionner que ce conflit est toujours en cours en ce moment, mais qu’il a essentiellement été déclenché lorsque, du moins ce que nous savons publiquement, Edward Rogers, le fils de feu Ted Rogers et président du conseil d’administration de Rogers Communications, avait apparemment prévu remplacer le chef de la direction, Joe Natale. Comme le conseil d’administration n’était pas d’accord avec ce plan, M. Rogers s’est fait proposer de remplacer cinq des 14 membres du conseil d’administration par les administrateurs de son choix, grâce à une résolution écrite. Cela s’oppose à une assemblée des actionnaires typique. Par la suite, le conseil d’administration a décidé, par voie de vote, de le destituer de son poste de président du conseil. Toutefois, Edward Rogers est également président du conseil d’administration de Rogers Control Trust. Rogers Control Trust est l’actionnaire majoritaire de Rogers Communications et détient pratiquement tous les droits de vote de la société. Edward Rogers a donc été en mesure de convoquer une réunion du conseil d’administration et d’annoncer que les cinq membres du conseil qu’il avait nommés sont maintenant élus et qu’il demeure président du conseil d’administration de Rogers. Le conseil d’administration actuel de Rogers conteste la légitimité de cette décision et Edward Rogers a porté l’affaire devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Ces déboires familiaux ont lieu sous les projecteurs. Vous savez, ce conflit met en lumière les structures à deux catégories et les raisons pour lesquelles elles peuvent être problématiques et nuire aux intérêts des actionnaires minoritaires. Par l’intermédiaire de Rogers Control Trust, la famille Rogers détient 97,5 % des actions à droit de vote ou des actions de catégorie A de Rogers Communications. Pourtant, elle détient moins de 30 % de l’intérêt économique dans la société. Les actionnaires minoritaires, quant à eux, ne détiennent pratiquement aucun des droits de vote, mais la majorité du droit de propriété économique, et ce, en grande partie grâce aux actions de catégorie B. Il y a donc un déséquilibre ici, et Edward Rogers peut essentiellement agir ou tentait d’agir de façon unilatérale à l’égard des décisions qui touchent la société et le conseil d’administration.
Cette structure est-elle propre à Rogers?
Absolument pas. De nombreuses sociétés au Canada ont une structure d’actions à deux catégories ou une structure d’actions à plusieurs catégories. Et cela vaut pour divers secteurs, de Canadian Tire à Bombardier. Je crois qu’il y en a plus de 60 qui sont actuellement inscrites à la Bourse de Toronto. Et souvent, par le passé, ces structures sont apparues pour préserver le contrôle familial tout en maintenant l’accès aux marchés boursiers publics. Et nombreux sont ceux qui pensent que ce type de structure présente encore des avantages. Par exemple, les partisans de cette position croient que le fait de contrôler les actionnaires au sein du conseil d’administration et de la direction permet de mieux se concentrer sur le succès à long terme de la société sans être distrait par la satisfaction des autres intérêts des autres actionnaires. Les structures à deux catégories sont également citées comme un moyen d’encourager les sociétés contrôlées par des entrepreneurs à devenir publiques. Et certains croient qu’il pourrait y avoir un mécanisme de prise de contrôle efficace pour se protéger contre les acquéreurs opportunistes.
Vous avez dit que ce type de structure comporte des avantages, mais qu’il pourrait aussi comporter des inconvénients. Pouvez-vous nous en dire plus sur les risques en cause? Et quelle est la position de Gestion de Placements TD?
Il y a certainement un risque de baisse. Pour GPTD, les risques associés à ces structures l’emportent sur les avantages potentiels. Elles peuvent servir à ancrer la direction, à encourager la prise de risques excessifs et à faire place à d’autres mauvaises pratiques de gouvernance qui peuvent avantager l’actionnaire majoritaire au détriment potentiel des actionnaires minoritaires. Donc, en période de piètre performance ou de controverses liées à des événements comme celle en cours chez Rogers, les actionnaires minoritaires pourraient finir par assumer la plus grande partie des pertes, même s’ils ont très peu d’influence sur la stratégie d’affaires et la surveillance de la société. À GPTD, nous croyons au principe de l’égalité des droits : une action, un vote. Le droit de vote des actionnaires doit être proportionnel à leurs intérêts économiques et à leur participation.
Et comment Gestion de Placements TD aborde-t-elle ces sociétés lorsque ces structures existent déjà dans son processus de placement du point de vue des facteurs ESG?
Oui. Le premier point à retenir, c’est que ces structures ne nous empêchent pas d’investir dans ces sociétés. Toutefois, le « G » dans « ESG », soit la gouvernance, est très important dans la façon dont nous considérons et déterminons les risques de placement. Et il ne s’agit pas seulement des risques associés à la structure de vote, mais aussi d’aspects comme la composition du conseil d’administration. Le conseil d’administration est-il composé en majorité d’administrateurs indépendants? Reflète-t-il divers points de vue? Les pratiques de gouvernance en place sont-elles structurées dans l’intérêt des actionnaires à long terme? Tout cela est pris en compte dans notre processus d’évaluation. L’autre aspect fondamental des facteurs ESG à GPTD, ce sont nos efforts de gérance. C’est de ce côté-là que nous pouvons exprimer nos politiques et nos attentes beaucoup plus directement aux entreprises. Et il y a deux composantes à ça. D’une part, il y a nos activités d’engagement, tant directes qu’en collaboration avec les partenaires du secteur, et d’autre part, notre vote par procuration. Nous procédons donc à un examen annuel approfondi de nos lignes directrices sur le vote par procuration, qui, je suis fière de le dire, sera rendu public au cours des prochains mois. Et cette transparence est importante non seulement pour nos clients, mais aussi pour les émetteurs, afin qu’ils sachent clairement où nous nous situons à l’égard d’importants enjeux de gouvernance, comme le sujet des structures à deux catégories. Et, comme je l’ai mentionné, nous croyons au principe d’une action, un vote. Nous votons donc généralement contre les propositions de création d’une nouvelle catégorie d’actions ordinaires assorties de droits de vote subordonnés. En revanche, nous appuierions les propositions qui visent à regrouper plusieurs catégories d’actions ou à établir des dispositions de caducité à l’égard des structures à deux ou à plusieurs catégories existantes. Nous reconnaissons donc que ces structures existent déjà. Mais lorsque de telles structures sont en place, nous encourageons les sociétés à les revoir régulièrement et nous nous attendons à ce qu’elles fassent preuve de transparence auprès des actionnaires en leur expliquant pourquoi ce système est dans l’intérêt des sociétés à long terme.
Samantha, merci beaucoup pour votre temps.
Merci.
Oui, avec plaisir, je vais vous résumer rapidement ce qui se passe actuellement. Je pense qu’il est important de mentionner que ce conflit est toujours en cours en ce moment, mais qu’il a essentiellement été déclenché lorsque, du moins ce que nous savons publiquement, Edward Rogers, le fils de feu Ted Rogers et président du conseil d’administration de Rogers Communications, avait apparemment prévu remplacer le chef de la direction, Joe Natale. Comme le conseil d’administration n’était pas d’accord avec ce plan, M. Rogers s’est fait proposer de remplacer cinq des 14 membres du conseil d’administration par les administrateurs de son choix, grâce à une résolution écrite. Cela s’oppose à une assemblée des actionnaires typique. Par la suite, le conseil d’administration a décidé, par voie de vote, de le destituer de son poste de président du conseil. Toutefois, Edward Rogers est également président du conseil d’administration de Rogers Control Trust. Rogers Control Trust est l’actionnaire majoritaire de Rogers Communications et détient pratiquement tous les droits de vote de la société. Edward Rogers a donc été en mesure de convoquer une réunion du conseil d’administration et d’annoncer que les cinq membres du conseil qu’il avait nommés sont maintenant élus et qu’il demeure président du conseil d’administration de Rogers. Le conseil d’administration actuel de Rogers conteste la légitimité de cette décision et Edward Rogers a porté l’affaire devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Ces déboires familiaux ont lieu sous les projecteurs. Vous savez, ce conflit met en lumière les structures à deux catégories et les raisons pour lesquelles elles peuvent être problématiques et nuire aux intérêts des actionnaires minoritaires. Par l’intermédiaire de Rogers Control Trust, la famille Rogers détient 97,5 % des actions à droit de vote ou des actions de catégorie A de Rogers Communications. Pourtant, elle détient moins de 30 % de l’intérêt économique dans la société. Les actionnaires minoritaires, quant à eux, ne détiennent pratiquement aucun des droits de vote, mais la majorité du droit de propriété économique, et ce, en grande partie grâce aux actions de catégorie B. Il y a donc un déséquilibre ici, et Edward Rogers peut essentiellement agir ou tentait d’agir de façon unilatérale à l’égard des décisions qui touchent la société et le conseil d’administration.
Cette structure est-elle propre à Rogers?
Absolument pas. De nombreuses sociétés au Canada ont une structure d’actions à deux catégories ou une structure d’actions à plusieurs catégories. Et cela vaut pour divers secteurs, de Canadian Tire à Bombardier. Je crois qu’il y en a plus de 60 qui sont actuellement inscrites à la Bourse de Toronto. Et souvent, par le passé, ces structures sont apparues pour préserver le contrôle familial tout en maintenant l’accès aux marchés boursiers publics. Et nombreux sont ceux qui pensent que ce type de structure présente encore des avantages. Par exemple, les partisans de cette position croient que le fait de contrôler les actionnaires au sein du conseil d’administration et de la direction permet de mieux se concentrer sur le succès à long terme de la société sans être distrait par la satisfaction des autres intérêts des autres actionnaires. Les structures à deux catégories sont également citées comme un moyen d’encourager les sociétés contrôlées par des entrepreneurs à devenir publiques. Et certains croient qu’il pourrait y avoir un mécanisme de prise de contrôle efficace pour se protéger contre les acquéreurs opportunistes.
Vous avez dit que ce type de structure comporte des avantages, mais qu’il pourrait aussi comporter des inconvénients. Pouvez-vous nous en dire plus sur les risques en cause? Et quelle est la position de Gestion de Placements TD?
Il y a certainement un risque de baisse. Pour GPTD, les risques associés à ces structures l’emportent sur les avantages potentiels. Elles peuvent servir à ancrer la direction, à encourager la prise de risques excessifs et à faire place à d’autres mauvaises pratiques de gouvernance qui peuvent avantager l’actionnaire majoritaire au détriment potentiel des actionnaires minoritaires. Donc, en période de piètre performance ou de controverses liées à des événements comme celle en cours chez Rogers, les actionnaires minoritaires pourraient finir par assumer la plus grande partie des pertes, même s’ils ont très peu d’influence sur la stratégie d’affaires et la surveillance de la société. À GPTD, nous croyons au principe de l’égalité des droits : une action, un vote. Le droit de vote des actionnaires doit être proportionnel à leurs intérêts économiques et à leur participation.
Et comment Gestion de Placements TD aborde-t-elle ces sociétés lorsque ces structures existent déjà dans son processus de placement du point de vue des facteurs ESG?
Oui. Le premier point à retenir, c’est que ces structures ne nous empêchent pas d’investir dans ces sociétés. Toutefois, le « G » dans « ESG », soit la gouvernance, est très important dans la façon dont nous considérons et déterminons les risques de placement. Et il ne s’agit pas seulement des risques associés à la structure de vote, mais aussi d’aspects comme la composition du conseil d’administration. Le conseil d’administration est-il composé en majorité d’administrateurs indépendants? Reflète-t-il divers points de vue? Les pratiques de gouvernance en place sont-elles structurées dans l’intérêt des actionnaires à long terme? Tout cela est pris en compte dans notre processus d’évaluation. L’autre aspect fondamental des facteurs ESG à GPTD, ce sont nos efforts de gérance. C’est de ce côté-là que nous pouvons exprimer nos politiques et nos attentes beaucoup plus directement aux entreprises. Et il y a deux composantes à ça. D’une part, il y a nos activités d’engagement, tant directes qu’en collaboration avec les partenaires du secteur, et d’autre part, notre vote par procuration. Nous procédons donc à un examen annuel approfondi de nos lignes directrices sur le vote par procuration, qui, je suis fière de le dire, sera rendu public au cours des prochains mois. Et cette transparence est importante non seulement pour nos clients, mais aussi pour les émetteurs, afin qu’ils sachent clairement où nous nous situons à l’égard d’importants enjeux de gouvernance, comme le sujet des structures à deux catégories. Et, comme je l’ai mentionné, nous croyons au principe d’une action, un vote. Nous votons donc généralement contre les propositions de création d’une nouvelle catégorie d’actions ordinaires assorties de droits de vote subordonnés. En revanche, nous appuierions les propositions qui visent à regrouper plusieurs catégories d’actions ou à établir des dispositions de caducité à l’égard des structures à deux ou à plusieurs catégories existantes. Nous reconnaissons donc que ces structures existent déjà. Mais lorsque de telles structures sont en place, nous encourageons les sociétés à les revoir régulièrement et nous nous attendons à ce qu’elles fassent preuve de transparence auprès des actionnaires en leur expliquant pourquoi ce système est dans l’intérêt des sociétés à long terme.
Samantha, merci beaucoup pour votre temps.
Merci.