Les marchés s’attendent à ce que la Réserve fédérale américaine (Fed) procède à sa première baisse de taux en quatre ans, lors d’une réunion des décideurs cette semaine. Jing Roy, vice-présidente, directrice et gestionnaire de portefeuille, Répartition des actifs, Gestion de Placements TD, discute avec Greg Bonnell de MoneyTalk des conséquences pour les marchés et l’économie.
Print Transcript
Cette semaine survient l'événement que les marchés attendent depuis le début de l'été: la réserve fédérale américaine devrait réduire ses taux mercredi. Qu'est-ce que cela pourrait signifier pour l'économie et les marchés à l'approche de l'automne? Jing Roy de Gestion de placements TD nous rejoint pour en discuter. Bonjour, Jing, ça me fait plaisir de vous reparler.
Moi aussi, Greg.
Après les palabres sur notre plateau et dans les milieux financiers tout l'été, voici enfin la date. Qu'attend-on?
Nous entrons enfin dans un cycle mondial synchronisé de réduction des taux. On prévoit que cette semaine, la Fed se joindra à la Banque du Canada et la Banque centrale européenne pour réduire les taux. D'ici la fin de l'année, on prévoit que la Fed réduira ses taux de 100 points de base, la Banque du Canada de 75 points de base encore, et la BCE de 40 points de base.
Il s'agira donc d'une progression de concert. Vous avez parlé de 100 points de base. Est-ce qu'il y a suffisamment de réunions ou s'il faudrait qu'il y en ait une où la réduction sera de 50 points de base?
C'est la grande discussion sur les marchés. La Fed doit-elle pratiquer une méga réduction de taux à ce stade?
Une méga réduction. Il y a deux opinions. Les taux sont très restrictifs, l'inflation est maîtrisée, il n'est pas nécessaire de garder la vis aussi serrée, mais en revanche, si on procède à une méga réduction, les marchés vont peut-être s'inquiéter. Comment doit-on aborder la question?
C'est exactement cela. Tout est relié au risque de récession, que nous scrutons. Selon le consensus du marché, le risque de récession s'établit entre 25 % et 30 % aux États-Unis et au Canada. Selon certains sur les marchés, la Fed veut prendre les devants afin de prévenir une détérioration rapide de l'économie. Le risque de récession est très important pour les investisseurs. Dans une récession simple, ordinaire, le S&P 500 recule de 20 % en moyenne. Dans une récession plus sévère qui touche les bilans, ce chiffre atteint 40 %. Il y a donc des inquiétudes. Quelles sont les balises? L'économie aux États-Unis ou même au Canada est-elle susceptible de basculer en récession? Que surveillons-nous?
Le cycle dans lequel nous nous trouvons a été tout sauf typique. Revenons-en au premier principe. Ce que je scrute à l'heure actuelle, ce sont les dépenses de consommation, en particulier dans les ménages les plus nantis. En effet, les ménages des deux premiers quintiles de revenus représentent plus de la moitié de la consommation totale aux États-Unis et au Canada. Nous savons que la consommation représente une forte part de la croissance du PIB dans ces deux pays. Pour évaluer la santé des consommateurs, nous étudions l'effet de revenu et l'effet de richesse. Prenez l'effet de revenu pour commencer. Si le taux de chômage manifeste une certaine faiblesse dans la cohorte à faible revenu aux États-Unis, si cette faiblesse doit se propager aux cohortes à revenus plus élevés, c'est négatif pour les perspectives. Selon le secteur, les données de chômage et les postes à pourvoir, nous ne voyons pas ce genre de situation aux États-Unis. Toutefois, les choses sont plus précaires au Canada. Passons à l'effet de richesse. Le risque de récession sera plus élevé si les marchés boursiers et du logement commencent à reculer. En effet, cela nuira de manière disproportionnée aux ménages à revenus plus élevés.
C'est très intéressant quand on songe à la résilience de l'économie américaine. Présenté en ces termes, cela a du bon sens, les personnes qui ont des revenus plus modiques sont en difficulté, mais il y a beaucoup de richesse qui entretient la consommation.
Oui, c'est paradoxal aux États-Unis, surtout quand aux prix des logements. Au fur et à mesure que les taux d'intérêt sur les prêts hypothécaires diminuent, c'est favorable pour les ménages canadiens, puisque cela soulage la pression de la dette, mais aux États-Unis, c'est l'effet contraire. Les propriétaires aux États-Unis ne peuvent transférer leurs prêts hypothécaires à faible coût à de nouveaux biens. Des centaines de milliers de propriétés ont été retirées du marché, ce qui a engendré une hausse des prix de 7 % depuis quelques années. Si les réductions de taux sont pratiquées et que les taux d'intérêt diminuent et que cela accroît le parc de logements disponibles aux États-Unis, cela pourrait faire peser des pressions sur le prix des logements.
Dynamique très intéressante. Si la réduction des taux prévue par la Fed a lieu cette semaine, que 100 points de base de réduction sont pratiquées d'ici la fin de l'année, nous ne savons pas encore comment, les marchés l'attendent.
Oui, les marchés l'attendent et l'attente est presque terminée. Le profil de l'évolution des marchés sera très différent. En cas d'atterrissage en douceur, si les réductions de taux épousent la tendance à la baisse de l'inflation, c'est très favorable pour les marchés boursiers obligataires et pour les prix des actifs en général, mais si les coupures de taux visent à conjurer une détérioration rapide de la croissance économique ou une crise de liquidités, l'impact sera très différent. Dans ce second scénario, les États-Unis vont sans doute surclasser le Canada car les entreprises à la croissance résiliente dans le secteur de la santé et de la technologie surclasseraient sans doute. Dans le scénario d'atterrissage en douceur, il est possible que les marchés boursiers canadiens surclassent les États-Unis car des compagnies très sensibles aux taux d'intérêt, les banques, l'immobilier et les services publics en bénéficieront. Or, ces secteurs représentent une bien plus forte part des indices canadiens.
Il y a eu une évolution impressionnante de l'indice TSX. Bon nombre d'entreprises sont sensibles aux taux d'intérêt. Ce n'est pas simpliste. Si les taux d'intérêt diminuent, les bourses vont augmenter, mais tant que l'économie se porte bien.
Oui, c'est pour cela que nous devons nous concentrer sur la consommation.
À quel point ce marché pourrait-il devenir volatile? Il y a eu une flambée de volatilité au mois d'août, les marchés sont remontés, le mois de septembre a commencé de façon un peu précaire. Qu'est-ce qui nous attend?
Il y a eu au mois d'août un double coup qui a frappé les marchés. En revanche, la volatilité demeurerait sans doute élevée d'ici la fin de l'année. Il y a deux raisons à cela: tout d'abord, l'élection présidentielle aux États-Unis au mois de novembre va potentiellement changer la trajectoire de plusieurs politiques gouvernementales, créer des perdants et des gagnants et changer les perspectives de croissance et d'inflation. C'est un élément dont il faut être conscient. Deuxièmement, les investisseurs sont positionnés, dans leur immense majorité, pour un atterrissage en douceur. Si les nouvelles données remettent en question ce consensus, l'exode qui en résultera va engendrer des fluctuations extrêmes du marché.
J'allais dire, justement, au niveau de la répartition d'actifs, il y a beaucoup d'inconnues; comment gérer cela?
Eh bien, il y a plusieurs façons dont on peut se préparer à un marché aussi imprévisible. Tout d'abord, on peut ajouter davantage de titres à revenu fixe à nos portefeuilles. Ceux-ci offrent également un rendement global très intéressant, même si nous entamons un cycle de réduction de taux, mais les rendements obligataires sont corrélés négativement avec les rendements boursiers lorsque les perspectives sont incertaines. Enfin, il est temps d'envisager la diversification dans le portefeuille d'actions proprement dit. Les sept magnifiques, les actions de technologie, ont beaucoup fait progresser les rendements des marchés boursiers, mais alors que nous passons à un nouveau régime, il sera utile d'envisager des actions qui rapportent des dividendes, des titres de grande qualité, qui ont une forte sensibilité aux taux d'intérêt, afin d'accroître la diversification de notre portefeuille, surtout aujourd'hui. Ces actions vont bénéficier d'une réduction de taux, mais réduire l'importance que le portefeuille attache à l'évolution des cours en bourse. Enfin, plutôt que de tirer son épingle du jeu, de conserver sa trésorerie, ses liquidités pour toucher des rendements qui diminueront avec la baisse des taux d'intérêt, les investisseurs peuvent miser sur des stratégies alternatives. Une stratégie alternative de haut niveau aura sans doute une faible corrélation avec l'ensemble des marchés boursiers et obligataires.
Moi aussi, Greg.
Après les palabres sur notre plateau et dans les milieux financiers tout l'été, voici enfin la date. Qu'attend-on?
Nous entrons enfin dans un cycle mondial synchronisé de réduction des taux. On prévoit que cette semaine, la Fed se joindra à la Banque du Canada et la Banque centrale européenne pour réduire les taux. D'ici la fin de l'année, on prévoit que la Fed réduira ses taux de 100 points de base, la Banque du Canada de 75 points de base encore, et la BCE de 40 points de base.
Il s'agira donc d'une progression de concert. Vous avez parlé de 100 points de base. Est-ce qu'il y a suffisamment de réunions ou s'il faudrait qu'il y en ait une où la réduction sera de 50 points de base?
C'est la grande discussion sur les marchés. La Fed doit-elle pratiquer une méga réduction de taux à ce stade?
Une méga réduction. Il y a deux opinions. Les taux sont très restrictifs, l'inflation est maîtrisée, il n'est pas nécessaire de garder la vis aussi serrée, mais en revanche, si on procède à une méga réduction, les marchés vont peut-être s'inquiéter. Comment doit-on aborder la question?
C'est exactement cela. Tout est relié au risque de récession, que nous scrutons. Selon le consensus du marché, le risque de récession s'établit entre 25 % et 30 % aux États-Unis et au Canada. Selon certains sur les marchés, la Fed veut prendre les devants afin de prévenir une détérioration rapide de l'économie. Le risque de récession est très important pour les investisseurs. Dans une récession simple, ordinaire, le S&P 500 recule de 20 % en moyenne. Dans une récession plus sévère qui touche les bilans, ce chiffre atteint 40 %. Il y a donc des inquiétudes. Quelles sont les balises? L'économie aux États-Unis ou même au Canada est-elle susceptible de basculer en récession? Que surveillons-nous?
Le cycle dans lequel nous nous trouvons a été tout sauf typique. Revenons-en au premier principe. Ce que je scrute à l'heure actuelle, ce sont les dépenses de consommation, en particulier dans les ménages les plus nantis. En effet, les ménages des deux premiers quintiles de revenus représentent plus de la moitié de la consommation totale aux États-Unis et au Canada. Nous savons que la consommation représente une forte part de la croissance du PIB dans ces deux pays. Pour évaluer la santé des consommateurs, nous étudions l'effet de revenu et l'effet de richesse. Prenez l'effet de revenu pour commencer. Si le taux de chômage manifeste une certaine faiblesse dans la cohorte à faible revenu aux États-Unis, si cette faiblesse doit se propager aux cohortes à revenus plus élevés, c'est négatif pour les perspectives. Selon le secteur, les données de chômage et les postes à pourvoir, nous ne voyons pas ce genre de situation aux États-Unis. Toutefois, les choses sont plus précaires au Canada. Passons à l'effet de richesse. Le risque de récession sera plus élevé si les marchés boursiers et du logement commencent à reculer. En effet, cela nuira de manière disproportionnée aux ménages à revenus plus élevés.
C'est très intéressant quand on songe à la résilience de l'économie américaine. Présenté en ces termes, cela a du bon sens, les personnes qui ont des revenus plus modiques sont en difficulté, mais il y a beaucoup de richesse qui entretient la consommation.
Oui, c'est paradoxal aux États-Unis, surtout quand aux prix des logements. Au fur et à mesure que les taux d'intérêt sur les prêts hypothécaires diminuent, c'est favorable pour les ménages canadiens, puisque cela soulage la pression de la dette, mais aux États-Unis, c'est l'effet contraire. Les propriétaires aux États-Unis ne peuvent transférer leurs prêts hypothécaires à faible coût à de nouveaux biens. Des centaines de milliers de propriétés ont été retirées du marché, ce qui a engendré une hausse des prix de 7 % depuis quelques années. Si les réductions de taux sont pratiquées et que les taux d'intérêt diminuent et que cela accroît le parc de logements disponibles aux États-Unis, cela pourrait faire peser des pressions sur le prix des logements.
Dynamique très intéressante. Si la réduction des taux prévue par la Fed a lieu cette semaine, que 100 points de base de réduction sont pratiquées d'ici la fin de l'année, nous ne savons pas encore comment, les marchés l'attendent.
Oui, les marchés l'attendent et l'attente est presque terminée. Le profil de l'évolution des marchés sera très différent. En cas d'atterrissage en douceur, si les réductions de taux épousent la tendance à la baisse de l'inflation, c'est très favorable pour les marchés boursiers obligataires et pour les prix des actifs en général, mais si les coupures de taux visent à conjurer une détérioration rapide de la croissance économique ou une crise de liquidités, l'impact sera très différent. Dans ce second scénario, les États-Unis vont sans doute surclasser le Canada car les entreprises à la croissance résiliente dans le secteur de la santé et de la technologie surclasseraient sans doute. Dans le scénario d'atterrissage en douceur, il est possible que les marchés boursiers canadiens surclassent les États-Unis car des compagnies très sensibles aux taux d'intérêt, les banques, l'immobilier et les services publics en bénéficieront. Or, ces secteurs représentent une bien plus forte part des indices canadiens.
Il y a eu une évolution impressionnante de l'indice TSX. Bon nombre d'entreprises sont sensibles aux taux d'intérêt. Ce n'est pas simpliste. Si les taux d'intérêt diminuent, les bourses vont augmenter, mais tant que l'économie se porte bien.
Oui, c'est pour cela que nous devons nous concentrer sur la consommation.
À quel point ce marché pourrait-il devenir volatile? Il y a eu une flambée de volatilité au mois d'août, les marchés sont remontés, le mois de septembre a commencé de façon un peu précaire. Qu'est-ce qui nous attend?
Il y a eu au mois d'août un double coup qui a frappé les marchés. En revanche, la volatilité demeurerait sans doute élevée d'ici la fin de l'année. Il y a deux raisons à cela: tout d'abord, l'élection présidentielle aux États-Unis au mois de novembre va potentiellement changer la trajectoire de plusieurs politiques gouvernementales, créer des perdants et des gagnants et changer les perspectives de croissance et d'inflation. C'est un élément dont il faut être conscient. Deuxièmement, les investisseurs sont positionnés, dans leur immense majorité, pour un atterrissage en douceur. Si les nouvelles données remettent en question ce consensus, l'exode qui en résultera va engendrer des fluctuations extrêmes du marché.
J'allais dire, justement, au niveau de la répartition d'actifs, il y a beaucoup d'inconnues; comment gérer cela?
Eh bien, il y a plusieurs façons dont on peut se préparer à un marché aussi imprévisible. Tout d'abord, on peut ajouter davantage de titres à revenu fixe à nos portefeuilles. Ceux-ci offrent également un rendement global très intéressant, même si nous entamons un cycle de réduction de taux, mais les rendements obligataires sont corrélés négativement avec les rendements boursiers lorsque les perspectives sont incertaines. Enfin, il est temps d'envisager la diversification dans le portefeuille d'actions proprement dit. Les sept magnifiques, les actions de technologie, ont beaucoup fait progresser les rendements des marchés boursiers, mais alors que nous passons à un nouveau régime, il sera utile d'envisager des actions qui rapportent des dividendes, des titres de grande qualité, qui ont une forte sensibilité aux taux d'intérêt, afin d'accroître la diversification de notre portefeuille, surtout aujourd'hui. Ces actions vont bénéficier d'une réduction de taux, mais réduire l'importance que le portefeuille attache à l'évolution des cours en bourse. Enfin, plutôt que de tirer son épingle du jeu, de conserver sa trésorerie, ses liquidités pour toucher des rendements qui diminueront avec la baisse des taux d'intérêt, les investisseurs peuvent miser sur des stratégies alternatives. Une stratégie alternative de haut niveau aura sans doute une faible corrélation avec l'ensemble des marchés boursiers et obligataires.