
De nombreux ménages canadiens font face à des défis financiers en raison de la pandémie de COVID-19. Anthony Okolie et Ksenia Bushmeneva, économiste, Groupe Banque TD, discutent des conséquences de la pandémie sur notre capacité à épargner, emprunter et dépenser.
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Ksenia, la COVID-19 cause un choc financier important aux Canadiens à un moment où nos finances personnelles sont déjà fragiles. Il est indiqué dans votre rapport que les ménages canadiens ont un faible taux d’épargne. Est-ce une situation problématique? Et croyez-vous que cela changera?
C’est exact, Tony. Nous savons qu’au cours des dernières années, les Canadiens n’ont pas mis beaucoup d’argent de côté pour les situations difficiles. Et bien sûr, dans un contexte d’endettement élevé des ménages, un faible taux d’épargne n’est pas idéal, parce qu’il s’ensuit qu’en cas de choc négatif sur leur revenu, ils auront vraiment très peu de marge de manœuvre pour faire face à la situation.
En revanche, bien que les ménages n’aient pas épargné beaucoup directement, ils ont épargné un montant important indirectement en accumulant des actifs et en bâtissant leur patrimoine. Ainsi, depuis 2009, le patrimoine des ménages a presque doublé au Canada. C’est important, car les ménages pourraient utiliser ce coussin pour rembourser leur dette ou pour remplacer temporairement un revenu en cas de perte d’emploi ou de revenu. C’est donc une bonne nouvelle.
Quant aux perspectives liées au taux d’épargne, nous pensons que l’ère des faibles taux est plutôt derrière nous. Dans l’avenir, le taux d’épargne des ménages canadiens sera donc plus élevé. On a déjà vu ce qui pourrait se produire; les dépenses de consommation ont beaucoup baissé. Or, même en envisageant l’avenir, nous pensons que les consommateurs seront plus prudents et qu’ils dépenseront moins et épargneront plus, compte tenu de l’incertitude persistante quant à l’emploi et aux revenus.
ANTHONY OKOLIE : Pourquoi le patrimoine des ménages est-il important pour la reprise?
Le patrimoine des ménages est vraiment important pour la reprise pour plusieurs raisons. Dans l’ensemble, le patrimoine des ménages est un indicateur important de leur bien-être financier et de leur résilience face à divers chocs, comme je l’ai déjà mentionné. Ainsi, le patrimoine pourrait servir à rembourser des dettes ou à remplacer un revenu. Mais, en fait, les ménages prennent de nombreuses décisions touchant leur patrimoine, comme la rénovation de leur résidence, la planification de leur retraite et les études de leurs enfants. Vous pouvez donc imaginer qu’un choc négatif sur le patrimoine risque de miner la confiance des consommateurs, ce qui aurait par ricochet un effet sur les dépenses de consommation.
Par conséquent, la reprise pourrait être beaucoup plus faible et plus longue. Inversement, si le patrimoine pouvait être préservé en majeure partie, cela pourrait vraiment contribuer à rétablir la confiance des consommateurs rapidement et aider l’économie à rebondir plus vite qu’elle ne l’aurait fait autrement.
ANTHONY OKOLIE : Bien sûr, si l’on regarde le marché de l’habitation, il est certain qu’il a été malmené à cause de la pandémie de COVID-19. Quelle sera l’importance du contrecoup sur le patrimoine des ménages?
C’est exact. Le logement est donc très important pour le patrimoine des ménages dans son ensemble. Nous savons que l’immobilier représente <i>grosso modo</i> la moitié du patrimoine des ménages et que les perspectives du secteur de l’habitation auront donc des répercussions importantes sur le patrimoine de façon générale. Nous avons observé des signes de reprise sur le marché de l’habitation en mai, lorsque l’économie a commencé à redémarrer. Les ventes ont donc fortement rebondi. Mais il n’y a pas de doute qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire avant que le marché de l’habitation ne soit complètement rétabli.
De plus, l’avenir est plutôt incertain. D’abord, 15 % des prêts hypothécaires au Canada font l’objet d’un report de versements en ce moment. Les perspectives dépendent donc surtout de la rapidité avec laquelle ces ménages pourront recommencer à faire leurs versements réguliers. Deuxièmement, comme il s’agit d’une crise sanitaire, la rapidité avec laquelle nous récupérerons dépendra en grande partie de notre capacité à endiguer le virus.
Compte tenu de tous ces facteurs et du fait que le marché du travail restera en mode de reprise pendant un certain temps, nous pensons que les prix et les ventes demeureront anémiques l’an prochain. Nous pensons cependant que l’effet sur les prix sera gérable pour la plupart des ménages et qu’ils réussiront à conserver une grande partie du patrimoine immobilier qu’ils ont accumulé au cours des dernières années.
J’aimerais maintenant laisser un peu de côté le prix des logements pour discuter des prêts hypothécaires plus particulièrement. Qu’observez-vous dans les récentes tendances du secteur et quelles sont vos perspectives?
Les prêts aux ménages avaient vraiment chuté en avril. Il s’agissait de la première baisse observée depuis la crise financière mondiale. Encore une fois, cette baisse a été causée surtout par le brusque ralentissement des dépenses de consommation qui a freiné le crédit à la consommation. Par ailleurs, le crédit hypothécaire est resté résilient jusqu’à maintenant. Or, cette situation reflète surtout la vigueur antérieure du marché de l’habitation. Quant aux perspectives, on peut s’attendre à ce que les prêts hypothécaires reculent aussi.
Pour l’ensemble de l’année, nous prévoyons une croissance nettement plus faible du crédit des ménages. Ce secteur commencera à rebondir vers la fin de l’année et en 2021. Cependant, le crédit des ménages restera faible et maintiendra probablement son retard sur la croissance du revenu disponible nominal, encore une fois, parce que les ménages devraient être plus prudents que par le passé, que le marché de l’emploi ne sera pas encore entièrement rétabli et que le nombre de défauts de paiement sera plus élevé.
ANTHONY OKOLIE : Il ne nous reste que quelques minutes. Y aura-t-il du répit pour les Canadiens qui voudraient réduire leurs dettes en remboursant leur prêt hypothécaire, leur prêt automobile ou leurs cartes de crédit?
Oui, un certain nombre d’options s’offrent à eux. Tout d’abord, pour ce qui est du remplacement du revenu, évidemment, les programmes d’aide mis en place par le gouvernement seront très utiles pour continuer à rembourser les dettes, tout comme les programmes de report des versements hypothécaires et des paiements de carte de crédit offerts par les institutions financières.
De plus, la baisse des taux d’intérêt aura également un effet favorable. Nous savons que les taux ont diminué pour un très large éventail de produits de crédit cette année, ce qui facilitera le remboursement des dettes. Cette baisse pourrait aussi accélérer le remboursement dans le cas de certains produits parce que moins d’argent servira à payer les intérêts et que plus d’argent servira à rembourser le capital. Bien entendu, tout cela les aiderait à rembourser leurs dettes plus rapidement.
ANTHONY OKOLIE : Ksenia, merci beaucoup pour vos explications.
Tout le plaisir est pour moi.
C’est exact, Tony. Nous savons qu’au cours des dernières années, les Canadiens n’ont pas mis beaucoup d’argent de côté pour les situations difficiles. Et bien sûr, dans un contexte d’endettement élevé des ménages, un faible taux d’épargne n’est pas idéal, parce qu’il s’ensuit qu’en cas de choc négatif sur leur revenu, ils auront vraiment très peu de marge de manœuvre pour faire face à la situation.
En revanche, bien que les ménages n’aient pas épargné beaucoup directement, ils ont épargné un montant important indirectement en accumulant des actifs et en bâtissant leur patrimoine. Ainsi, depuis 2009, le patrimoine des ménages a presque doublé au Canada. C’est important, car les ménages pourraient utiliser ce coussin pour rembourser leur dette ou pour remplacer temporairement un revenu en cas de perte d’emploi ou de revenu. C’est donc une bonne nouvelle.
Quant aux perspectives liées au taux d’épargne, nous pensons que l’ère des faibles taux est plutôt derrière nous. Dans l’avenir, le taux d’épargne des ménages canadiens sera donc plus élevé. On a déjà vu ce qui pourrait se produire; les dépenses de consommation ont beaucoup baissé. Or, même en envisageant l’avenir, nous pensons que les consommateurs seront plus prudents et qu’ils dépenseront moins et épargneront plus, compte tenu de l’incertitude persistante quant à l’emploi et aux revenus.
ANTHONY OKOLIE : Pourquoi le patrimoine des ménages est-il important pour la reprise?
Le patrimoine des ménages est vraiment important pour la reprise pour plusieurs raisons. Dans l’ensemble, le patrimoine des ménages est un indicateur important de leur bien-être financier et de leur résilience face à divers chocs, comme je l’ai déjà mentionné. Ainsi, le patrimoine pourrait servir à rembourser des dettes ou à remplacer un revenu. Mais, en fait, les ménages prennent de nombreuses décisions touchant leur patrimoine, comme la rénovation de leur résidence, la planification de leur retraite et les études de leurs enfants. Vous pouvez donc imaginer qu’un choc négatif sur le patrimoine risque de miner la confiance des consommateurs, ce qui aurait par ricochet un effet sur les dépenses de consommation.
Par conséquent, la reprise pourrait être beaucoup plus faible et plus longue. Inversement, si le patrimoine pouvait être préservé en majeure partie, cela pourrait vraiment contribuer à rétablir la confiance des consommateurs rapidement et aider l’économie à rebondir plus vite qu’elle ne l’aurait fait autrement.
ANTHONY OKOLIE : Bien sûr, si l’on regarde le marché de l’habitation, il est certain qu’il a été malmené à cause de la pandémie de COVID-19. Quelle sera l’importance du contrecoup sur le patrimoine des ménages?
C’est exact. Le logement est donc très important pour le patrimoine des ménages dans son ensemble. Nous savons que l’immobilier représente <i>grosso modo</i> la moitié du patrimoine des ménages et que les perspectives du secteur de l’habitation auront donc des répercussions importantes sur le patrimoine de façon générale. Nous avons observé des signes de reprise sur le marché de l’habitation en mai, lorsque l’économie a commencé à redémarrer. Les ventes ont donc fortement rebondi. Mais il n’y a pas de doute qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire avant que le marché de l’habitation ne soit complètement rétabli.
De plus, l’avenir est plutôt incertain. D’abord, 15 % des prêts hypothécaires au Canada font l’objet d’un report de versements en ce moment. Les perspectives dépendent donc surtout de la rapidité avec laquelle ces ménages pourront recommencer à faire leurs versements réguliers. Deuxièmement, comme il s’agit d’une crise sanitaire, la rapidité avec laquelle nous récupérerons dépendra en grande partie de notre capacité à endiguer le virus.
Compte tenu de tous ces facteurs et du fait que le marché du travail restera en mode de reprise pendant un certain temps, nous pensons que les prix et les ventes demeureront anémiques l’an prochain. Nous pensons cependant que l’effet sur les prix sera gérable pour la plupart des ménages et qu’ils réussiront à conserver une grande partie du patrimoine immobilier qu’ils ont accumulé au cours des dernières années.
J’aimerais maintenant laisser un peu de côté le prix des logements pour discuter des prêts hypothécaires plus particulièrement. Qu’observez-vous dans les récentes tendances du secteur et quelles sont vos perspectives?
Les prêts aux ménages avaient vraiment chuté en avril. Il s’agissait de la première baisse observée depuis la crise financière mondiale. Encore une fois, cette baisse a été causée surtout par le brusque ralentissement des dépenses de consommation qui a freiné le crédit à la consommation. Par ailleurs, le crédit hypothécaire est resté résilient jusqu’à maintenant. Or, cette situation reflète surtout la vigueur antérieure du marché de l’habitation. Quant aux perspectives, on peut s’attendre à ce que les prêts hypothécaires reculent aussi.
Pour l’ensemble de l’année, nous prévoyons une croissance nettement plus faible du crédit des ménages. Ce secteur commencera à rebondir vers la fin de l’année et en 2021. Cependant, le crédit des ménages restera faible et maintiendra probablement son retard sur la croissance du revenu disponible nominal, encore une fois, parce que les ménages devraient être plus prudents que par le passé, que le marché de l’emploi ne sera pas encore entièrement rétabli et que le nombre de défauts de paiement sera plus élevé.
ANTHONY OKOLIE : Il ne nous reste que quelques minutes. Y aura-t-il du répit pour les Canadiens qui voudraient réduire leurs dettes en remboursant leur prêt hypothécaire, leur prêt automobile ou leurs cartes de crédit?
Oui, un certain nombre d’options s’offrent à eux. Tout d’abord, pour ce qui est du remplacement du revenu, évidemment, les programmes d’aide mis en place par le gouvernement seront très utiles pour continuer à rembourser les dettes, tout comme les programmes de report des versements hypothécaires et des paiements de carte de crédit offerts par les institutions financières.
De plus, la baisse des taux d’intérêt aura également un effet favorable. Nous savons que les taux ont diminué pour un très large éventail de produits de crédit cette année, ce qui facilitera le remboursement des dettes. Cette baisse pourrait aussi accélérer le remboursement dans le cas de certains produits parce que moins d’argent servira à payer les intérêts et que plus d’argent servira à rembourser le capital. Bien entendu, tout cela les aiderait à rembourser leurs dettes plus rapidement.
ANTHONY OKOLIE : Ksenia, merci beaucoup pour vos explications.
Tout le plaisir est pour moi.