
En Amérique du Nord, la dernière décennie a été définie par la façon dont la technologie a transformé nos vies. Des réseaux sociaux au commerce électronique, les géants de la technologie se sont multipliés et ont généré des rendements majeurs pour les actionnaires. La prochaine décennie réservera-t-elle les mêmes occasions aux investisseurs sur les marchés émergents? Christian Medeiros, gestionnaire adjoint de portefeuille, Gestion de Placements TD, donne son point de vue sur le sujet.
Des groupes jusque-là dépourvus de services bancaires, tels les pauvres et les femmes dans certains pays émergents, ont soudain accès à de tels services grâce à la technologie. Jetez un coup d’œil à ce graphique,
qui montre jusqu’à quel point le retard a été comblé en Inde en quelques années à peine. Pour analyser cette évolution et son incidence sur l’investissement dans les pays émergents, je reçois Christian Medeiros, gestionnaire adjoint de portefeuille chez Gestion de Placements TD. Christian, décrivez-nous le comblement du retard.
L’économie indienne a plus ou moins la même taille que l’économie chinoise pour ce qui est de la population, mais elle affiche une sous-performance chronique; elle n’a pas rempli ses promesses. Ça tient en partie à des choses comme la corruption, la lourdeur bureaucratique ou une économie numéraire informelle,
mais nous allons parler aujourd’hui de technologie et de numérisation, des phénomènes qui vont progressivement éliminer maintes sources d’inefficacité et procurer aux gens l’accès aux mêmes avantages dans tout le pays.
Expliquez-nous ce graphique. De quoi s’agit-il?
CHRISTIAN MEDEIROS : Ce graphique porte sur l’infrastructure numérique en Inde. Il concerne des technologies fondamentales, qui vont déterminer le rythme de l’innovation au cours de la prochaine décennie. La ligne verte représente les abonnements à la téléphonie mobile;
presque tout le monde a un téléphone portable, et l’Inde est l’un des pays où les données mobiles coûtent le moins cher et où l’on en fait le plus usage. Tout le monde a un téléphone portable.
La deuxième ligne représente Aadhaar, un système numérique d’identification. En l’espace de deux ou trois ans seulement, le gouvernement indien a intégré à ce système 99 % de la population.
On a enregistré les photos, les empreintes et les renseignements personnels de plus d’un milliard de personnes. Tout le monde a une identité.
ANTHONY OKOLIE : Qu’est-ce que UPI et pourquoi est-ce important?
CHRISTIAN MEDEIROS : UPI est un peu comme le virement de fonds par courriel Interac, mais il est disponible sur toutes vos applications préférées. Il est accepté par un nombre croissant de commerces, en ligne et hors ligne.
Il a connu un essor phénoménal depuis un an, et son volume de transactions est maintenant trois fois celui des transactions de débit dans le pays. Nous croyons que c’est un phénomène très important, parce que ça donne à tout le monde dans le pays la capacité d’effectuer des transactions, et ça ouvre véritablement le système financier.
ANTHONY OKOLIE : Pourquoi est-ce important de ne pas négliger les pays émergents quand nous parlons de nouvelles technologies?
CHRISTIAN MEDEIROS : Les pays émergents... si vous prenez la dernière décennie, on peut penser aux milliers de milliards de dollars créés par la Chine ou les États-Unis et leurs entreprises technologiques, mais ces deux pays ne représentent que 30 % de la population mondiale.
À l’aube de la nouvelle décennie, nous nous sommes dit : pourquoi ne pas nous intéresser aux 70 % restants de la population mondiale et aux débouchés que nous pourrions y trouver?
À notre avis, il y a de fortes chances pour qu’ils connaissent le même succès que la Chine quand elle a adopté les nouvelles technologies et stimulé l’innovation.
Est-ce un désavantage, le fait que ces pays accusent un retard sur les pays développés au chapitre des nouvelles technologies?
C’est peut-être le cas aujourd’hui, mais si nous avions eu cette conversation il y a 10 ou 15 ans, vous m’auriez posé la même question au sujet de la Chine.
De toute évidence, ils sont capables d’adopter les technologies de pointe, puis de se doter de leurs propres nouvelles technologies. Il est tout à fait possible que d’autres pays émergents connaissent la même évolution au cours de la présente décennie.
Sous l’aspect investissement, quelles sont les grandes tendances que vous suivez de près?
CHRISTIAN MEDEIROS : Hum. Une chose qui illustre jusqu’à quel point il s’agit d’un énorme débouché, c’est que Google, qui a l’une des plus importantes activités de commerce électronique en Inde, a récemment écrit à la Réserve fédérale pour dire que UPI est un bel exemple de technologie de pointe, que la Fed devrait le copier lorsqu’elle mettra en place la nouvelle architecture de paiement des États-Unis.
Les autres grands moyens de paiement utilisés en Amérique du Nord, tels Visa, Mastercard, par exemple, nous avons tous ça dans nos poches, mais, dans certains pays émergents, ils vont se retrouver en concurrence avec de nouvelles technologies comme UPI,
ce qui pourrait leur valoir une croissance inférieure à ce que nous avions prévu dans les pays émergents.
Ça pourrait mettre à mal leur modèle d’entreprise.
Oui, la concurrence pourrait s’intensifier.
Qu’y a-t-il d’autre qui retient votre attention?
Une chose qui témoigne de l’importance des débouchés, je pense, c’est le nombre de géants mondiaux qui veulent leur part du gâteau.
Vous avez Google, Amazon, Facebook et même Walmart, du côté américain, qui bataillent en Inde. Du côté chinois, vous avez Alibaba et Tencent. Il y a aussi en Inde même des entreprises très impressionnantes et de jeunes entreprises qui tâchent de se greffer à cette architecture numérique.
Nous avons investi dans certains des géants mondiaux, mais il est encore tôt, et il devrait y avoir de plus en plus d’entreprises spécialisées en Inde même.
Christian, merci beaucoup pour votre temps.
Je vous en prie.
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