
La pandémie de coronavirus a accéléré la transition vers le magasinage en ligne, et de plus en plus de magasins physiques ferment leurs portes, menant de nombreuses entreprises déjà en difficulté à la faillite. Anita Bruinsma, analyste en consommation discrétionnaire à Gestion de Placements TD, donne son avis sur les répercussions pour les détaillants qui sortent de la crise.
Anita Bruinsma, analyste de la consommation discrétionnaire à Gestion de Placements TD, se joint à nous pour nous faire part de son point de vue sur le commerce électronique. Anita, dans ton analyse, tu soulignes les différences importantes dans la croissance des ventes en ligne par rapport aux ventes en magasin et, surtout, l’effet net sur les ventes totales. Passons en revue ce graphique et dis-nous ce que les données montrent.
Ces données sur les ventes au détail aux États-Unis sont fournies par le US Census Bureau. Nous examinons ces données chaque trimestre, et au deuxième trimestre de cette année, nous avons obtenu des données très intéressantes parce que, comme tu l’as mentionné, nous avons vu une transition radicale des ventes en magasin aux ventes en ligne.
Normalement, les ventes en magasin augmentent d’environ 2 % par année, alors que le commerce électronique croît d’environ 15 % par année. Mais au deuxième trimestre, les ventes en magasin ont chuté d’environ 10 %, tandis que le commerce électronique a grimpé de pas moins de 45 % sur 12 mois. Les ventes au détail ont connu une diminution nette d’environ 3 1/2 % au total. Bien sûr, cela s’explique par le fait que de nombreux magasins ont été fermés et que beaucoup de gens sont restés à la maison.
Quel rôle le commerce électronique a-t-il joué durant la pandémie?
Je crois que le commerce électronique a joué et continue de jouer un rôle important dans le cadre de la pandémie pour deux raisons. La première est qu’il permet aux gens de recevoir des biens essentiels. Les gens qui doivent éviter les magasins ou qui sont nerveux à l’idée de sortir en public peuvent ainsi se faire livrer les biens qu’il leur faut.
Par exemple, nous avons observé une augmentation massive de la demande pour l’épicerie en ligne, et ça a été une véritable bouée de sauvetage pour bien des gens. Un autre exemple est celui d’Amazon, qui a joué un rôle clé. Au début de la pandémie, Amazon a accordé la priorité à la livraison de biens essentiels plutôt qu’aux biens non essentiels.
La livraison de la nourriture et des articles de première nécessité s’est donc poursuivie et ces articles étaient livrés assez rapidement, alors que la livraison d’articles d’une nature plus discrétionnaire prenait plus de temps. Je pense que si cette pandémie s’était produite il y a 10 ou 15 ans, avant le développement du commerce électronique, cela aurait été beaucoup plus difficile.
Le deuxième rôle important que le commerce électronique a joué, c’est qu’il a servi à endiguer la baisse des ventes au détail. Les ventes effectuées en ligne ont donc pu compenser environ la moitié des ventes en magasin perdues, ce qui est assez remarquable.
Je crois qu’il est important de faire la distinction entre une récession et une pandémie. En période de récession, les gens réduisent délibérément leurs dépenses de détail. Mais pendant la pandémie, c’était très différent. C’était davantage une question d’accès et d’incapacité de se rendre en magasin.
Le commerce électronique nous a donc permis de continuer à acheter les articles que nous n’aurions peut-être pas pu nous procurer si nous n’avions pas pu les commander en ligne. Je crois donc que le commerce électronique a vraiment aidé à prévenir une baisse plus spectaculaire des ventes au détail dans l’ensemble.
Compte tenu de l’importance du commerce électronique dans nos vies, qu’est-ce que cela signifie pour le secteur du commerce de détail à l’avenir?
Il y a de nombreuses conséquences pour le secteur du commerce de détail en raison de la pandémie. La première est la croissance du commerce électronique. Le commerce électronique prend de plus en plus de place depuis une dizaine d’années, mais au deuxième trimestre, il a vraiment fait un bond en avant.
L’an dernier, environ 11 % des achats des Nord-Américains ont été faits en ligne, et ce pourcentage a grimpé à 16 % au deuxième trimestre. Je crois qu’une grande partie de ces habitudes de dépenses en ligne seront tenaces. Bien des gens qui n’avaient jamais essayé le commerce électronique auparavant ont découvert à quel point il est pratique, et ils sont tombés en amour.
Bien sûr, les détaillants s’améliorent aussi sur le plan du commerce électronique. Je crois donc que la hausse du commerce électronique se maintiendra à l’avenir. La deuxième conséquence concerne les fermetures de magasins. Je suppose qu’elle est liée à la première.
Depuis une dizaine d’années, on entend dire que le commerce électronique entraîne une baisse du nombre de magasins physiques, particulièrement en Amérique du Nord, et ce bond du commerce électronique ne fait qu’accélérer la fermeture de magasins.
En fait, depuis le début de la pandémie, nous avons vu plusieurs détaillants demander la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites. Des sociétés comme JC Penney et GNC, la société de nutrition, et au Canada, Reitmans et d’autres ont déposé une demande en vertu du chapitre 11 et des fermetures de magasin ont été annoncées.
Je crois que cela va se poursuivre, car les détaillants sont doublement pénalisés : le taux de pénétration en ligne est plus élevé, le trafic en magasin diminue et le pouvoir d’achat des consommateurs diminue en raison de la hausse du taux de chômage et de la baisse à venir de l’aide gouvernementale.
Anita, tu as parlé de certaines sociétés qui ont éprouvé des difficultés pendant la pandémie. Peux-tu nous parler de celles qui sortent gagnantes de la pandémie et des perspectives du secteur?
Il y a certainement eu des gagnants dans le cadre de la pandémie, et je les regrouperais dans deux catégories. La première catégorie est celle des détaillants qui œuvrent dans les bons secteurs. Par exemple, les produits de décoration et de rénovation résidentielle, l’électronique grand public et les vêtements de sport se sont avérés très populaires.
Donc, les sociétés telles que Home Depot, Lowe’s, Wayfair, Nike, Lululemon et Best Buy se portent très bien. L’autre catégorie ayant obtenu de bons résultats est celle des sociétés qui avaient une forte présence dans le commerce électronique au début de la crise.
Amazon s’en est bien sortie, bien sûr, mais Walmart et Target sont d’autres sociétés qui ont également été en mesure de tirer leur épingle du jeu au moyen du commerce électronique au cours de cette période. En tant qu’investisseurs, notre travail consiste à chercher les sociétés les mieux placées durant la pandémie, mais nous recherchons aussi les sociétés qui vont sortir de cette crise encore plus fortes.
Anita, merci beaucoup pour tes explications et ton analyse.
De rien, Tony.
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